Les biosimilaires sont très proches des produits de référence qu’ils copient, mais contrairement aux génériques, ce ne sont pas des copies exactes. Ces produits sûrs et efficaces en soi offrent aux médecins de nouveaux choix de traitement pour leurs patients et peuvent contribuer à la maîtrise des coûts. Mais comme les biosimilaires sont différents, les patients dont l’état est maîtrisé par un médicament biologique ne peuvent être assurés qu’un changement leur apportera le même soulagement — changer de médicament peut être déstabilisant et souvent douloureux pour les patients.
Ces deux annonces de commutation citent la mise en œuvre récente de politiques de substitution forcée en Colombie-Britannique et en Alberta. Elles négligent toutefois de mentionner que ces politiques ont été vigoureusement contestées par de nombreux médecins et groupes de patients dans ces provinces.
Une enquête menée auprès de 403 spécialistes canadiens a révélé que 73% d’entre eux ne sont pas à l’aise avec le fait qu’un tiers instaure un changement de médicament biologique pour des raisons non médicales (généralement le coût), comme c’est le cas dans les politiques de la Colombie-Britannique et de l’Alberta. Ces résultats ont été confirmés par le gouvernement du Québec (INESSS) dans un rapport de mai 2020, où l’on concluait que «La substitution non médicale chez les patients déjà sous traitement avec un médicament biologique de référence n’est généralement pas acceptée par les sociétés savantes et les cliniciens consultés.» L’Association canadienne de gastroentérologie (ACG) a publié un document s’opposant à la politique de la Colombie-Britannique, soulignant que la politique de substitution de BC Pharmacare allait à l’encontre des recommandations de 14 sociétés de gastroentérologie du Canada et d’Europe. De nombreuses organisations de défense des patients se sont également opposées à ces politiques, notamment la Société gastro-intestinale et Crohn et Colite Canada.
De même, une enquête menée auprès de patients canadiens a montré que plus de 70% d’entre eux étaient opposés à cette politique. De nombreux patients doivent essayer plusieurs médicaments pendant des années afin de stabiliser leur état. Les patients contraints de renoncer à ces médicaments par les nouvelles politiques sont venus partager leurs expériences: «Ce fut un voyage très long et difficile de deux ans et demi pour trouver le médicament [initialement prescrit]. Tous les autres médicaments ont échoué», a déclaré un patient arthritique de la Colombie-Britannique qui a été forcé de changer de médicament. «Je suis stupéfié et consterné d’apprendre que ce gouvernement retire la décision aux médecins et aux patients, à qui elle revient de droit.»
«Après avoir reçu le diagnostic, j’étais tellement reconnaissant de trouver quelque chose qui m’aidait», a déclaré un patient atteint de la maladie de Crohn. «C’était vraiment pénible de se faire enlever tout ça. C’était comme si je revenais à la case départ.» Des patients de l’Alberta ont écrit des lettres similaires, se plaignant des interruptions de traitement et de la perte de stabilité et exhortant leur ministère de la Santé à réexaminer la question. «Vous ne pouvez pas mettre un prix sur votre santé. Le gouvernement essaie d’économiser de l’argent, mais, au bout du compte, comment se sentiraient-ils si cela se retournait contre eux et qu’ils étaient malades?», disait un autre patient après avoir été contraint de changer. «Ce n’est pas juste du tout.»
Les annonces faites par le Nouveau-Brunswick et le Québec invoquaient également 15 ans d’expérience avec les biosimilaires en Europe pour justifier le passage forcé. Mais à quoi ressemble réellement l’expérience de l’Europe?
La substitution automatique des produits biologiques est presque universellement interdite en Europe. Dans la quasi-totalité des pays européens, les médecins sont libres de choisir entre plusieurs produits, y compris les produits d’origine, et le payeur les remboursera — ce qui entraîne à la fois une forte utilisation des biosimilaires et des économies importantes tout en préservant le pouvoir de décision des patients et des médecins en matière de traitement.
Comme leurs confrères canadiens, les médecins européens sont fortement opposés à la substitution de médicaments biologiques par un tiers. Alors que 84% d’entre eux sont à l’aise pour prescrire un biosimilaire à un nouveau patient, 73% ne sont pas à l’aise avec une substitution non médicale par un tiers (comme cela se produit dans les politiques de la Colombie-Britannique et de l’Alberta). Les 15 années d’expérience de ces spécialistes avec les biosimilaires leur ont appris que les décisions de traitement doivent être prises par les médecins et les patients, et non par les fonctionnaires.
L’équivalent européen le plus proche des régimes de substitution forcée de la Colombie-Britannique et de l’Alberta serait celui d’une poignée de pays d’Europe centrale et orientale aux ressources financières limitées (p. ex. la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Pologne et la Serbie) qui permettent la substitution au niveau de la pharmacie.
Les biosimilaires constituent un outil important pour aider à gérer les coûts de santé, mais la façon dont ils sont introduits est importante pour les médecins et les patients. La substitution forcée met les provinces canadiennes sur la mauvaise voie et représente un écart important par rapport aux autres nations avancées.