Électrification dans les transports: où se situent les partis?

La stratégie d’électrification dans les transports inclut des mesures pour la mise en place d’une industrie canadienne qui partirait de l’extraction des minéraux jusqu’à la fabrication de composants et la construction de véhicules au Canada.

Après l’élection du prochain gouvernement fédéral, qu’adviendra-t-il des rabais à l’achat ou la location de véhicules électriques? Seront-ils abolis, reconduits ou prendront-ils une forme différente? Est-ce que les partis politiques sont en faveur d’une stratégie favorisant l’électrification dans les transports?


Mobilité électrique Canada (MEC) a voulu en savoir plus sur la position des cinq principaux partis fédéraux et a tenu des webinaires avec des représentants de ces formations politiques, généralement concernés par les questions environnementales ou de transport. 

Daniel Breton, pdg de MEC, animait ces webinaires qui étaient ouverts aux membres de l’organisation. Les Coops de l’information ont vu en primeur ces visioconférences qui sont présentement diffusées dans le site Web de MEC.

Questionnaire aux partis politiques

D’abord, deux semaines avant le déclenchement des élections, les partis politiques fédéraux représentés à la Chambre des communes ont reçu le document Recommandations pour l’avancement de l’électrification des transports au Canada. Celui-ci contient 23 recommandations en plus d’un résumé de faits et de données sur les liens entre la pollution atmosphérique et la santé des Canadiens ainsi que le réchauffement climatique.

Ensuite, le 18 août, les cinq partis fédéraux ont reçu de la part de MEC un questionnaire dans lequel l’organisation pancanadienne sans but lucratif a posé 11 questions. Celles-ci tentaient de connaître les points de vue des formations politiques allant d’une stratégie d’électrification dans les transports jusqu’à la poursuite ou l’abolition des actuels incitatifs financiers ou la création de nouveaux, en passant par l’établissement d’une loi zéro émission qui interdirait la vente de véhicules sans branchement.

Monique Pauzé (Bloc québécois), Tim Grant (Parti vert), Gérard Deltell (Parti conservateur du Canada), Brian Masse (Nouveau Parti démocratique) et Steven Guilbeault (Parti libéral du Canada) ont tour à tour répondu aux questions en visioconférence avec le pdg de MEC. «On est très contents de l’exercice», répond Daniel Breton. «Contrairement à un débat télévisé traditionnel, on a pu discuter de façon approfondie avec les représentants politiques d’un dossier complexe comme celui de l’électrification dans les transports. Mon expérience en politique me fait dire que c’était beaucoup plus approprié de faire ça un candidat à la fois de façon respectueuse et civilisée.»

Il ajoute que les membres de MEC sont pour la plupart des industriels. «Ce sont de grandes entreprises comme Microsoft, Tesla, Hydro-Québec, BC Hydro, ABB, Québecor... Ces industriels vont au-delà des effets de toges que le côté spectacle des débats traditionnels nous réserve.»

Est-ce qu’il y a un parti qui s’est démarqué plus qu’un autre dans cet exercice? M. Breton refuse de répondre à cette question, mais il constate une évolution dans les mœurs politiques. «On sent un intérêt qui s’est accru de façon exponentielle depuis un an. Ç’a aurait été inimaginable auparavant. Il y a eu des avancées majeures pour que les partis politiques voient dans l’électrification des transports une opportunité écologique et économique. On dirait que le consensus québécois s’est transporté du côté fédéral.»

De l’extraction à la fabrication

La stratégie d’électrification dans les transports inclut des mesures pour la mise en place d’une industrie canadienne qui partirait de l’extraction des minéraux jusqu’à la fabrication de composants et la construction de véhicules au Canada. «Afin de créer des emplois durables, payants et de qualité partout au pays», comme il est écrit dans le questionnaire.

«En ce moment, 99 % du minerai extrait ici qui peut entrer dans la fabrication des batteries est exporté vers d’autres pays», a répété maintes fois Daniel Breton durant les webinaires. Le respect de l’environnement dans l’extraction fait partie aussi des variables dans l’équation.

En plus des incitatifs monétaires pour l’acquisition de véhicules électriques par les particuliers ou les entreprises, le déploiement de réseaux publics de recharge ou l’achat et l’installation de bornes domestiques font partie des sujets abordés. Les mises à jour des codes du bâtiment étaient également au menu.

Quant à l’achat de véhicules 100 % électriques pour équiper les parcs des agences fédérales ou des sociétés d’État, comme Postes Canada, pratiquement tous les représentants invités ont souligné qu’il s’agit d’une occasion en or pour le gouvernement de montrer l’exemple. Rappelons que Postes Canada cherche à acquérir jusqu’à 13 000 véhicules électriques pour renouveler son parc de camions et de fourgons. 

Cependant, en raison de la demande mondiale qui est très forte, Postes Canada peine à trouver chaussure à son pied. «La société d’État passe derrière le service postal des États-Unis et Amazon», conclut M. Breton.

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QUI EST MOBILITÉ ÉLECTRIQUE CANADA?

Fondée en 2006, Mobilité électrique Canada se consacre à l’avancement de la mobilité électrique «en tant qu’occasion passionnante et prometteuse de lutter contre les changements climatiques et la pollution atmosphérique tout en stimulant l’économie canadienne».  

L’organisation est formée de multiples organisations impliquées dans l’électrification des transports au Canada qui représentent plus de 70 milliards $ de revenus par année. Ces organisations vont des constructeurs de véhicules jusqu’aux fournisseurs d’électricité, en passant par des fabricants d’infrastructures de recharge, des fournisseurs et des réseaux de recharge. Des sociétés technologiques, des sociétés minières, des gestionnaires de parcs de véhicules, des syndicats, des villes, des universités, des associations de concessionnaires, des ONG et des associations de propriétaires de véhicules électriques en font aussi partie.  

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UN ENJEU, CINQ VISIONS

Monique Pauzé, candidate bloquiste dans Repentigny

BLOC QUÉBÉCOIS
Représenté par: Monique Pauzé, candidate dans Repentigny

Celle qui est critique en matière d’environnement au Bloc québécois rappelle que le Québec a depuis une dizaine d’années des politiques pour favoriser une grappe technologique de la voiture électrique. En même temps, le fédéral n’en a pas, selon Mme Pauzé. Et quand le fédéral aura une stratégie, elle craint que le Québec ne soit pas justement reconnu, alors qu’une grande partie de l’expertise dans le domaine s’y trouve. 

Le Bloc est favorable à la reconduction des rabais fédéraux, aux remises sur la TPS ou à certaines aides pour l’installation de bornes de recharge. Cependant, le parti n’appuie pas l’idée d’un système de redevance-remise neutre sur le plan fiscal, car «tout le monde ne peut pas acheter des véhicules électriques par manque de disponibilité», dit-elle. «Il faudrait en arriver là, mais pas maintenant.»

Le parti appuie aussi la mise en place d’une loi zéro émission pour 2035 au Canada.



Tim Grant, candidat du Parti vert dans University–Rosedale

PARTI VERT
Représenté par:
Tim Grant, candidat dans University–Rosedale

Membre du cabinet fantôme du Parti vert en affaires municipales et en transport, Tim Grant précise qu’il manque beaucoup d’offre en transports en commun électrifié et qu’il y a trop de place au transport en solo. Sans avoir de plan précis, la formation politique favorise les solutions «faites au Canada» dans l’électrification.

Le Parti vert est favorable aux rabais, même qu’il en faudrait plus et même les étendre aux camions légers. Favorable aux mesures pour les familles à faible revenu, comme l’abolition d’une taxe de vente sur les véhicules électriques pour ces familles —, M. Grant avance que plus de mesures comme des voies réservées seraient «inéquitables» pour ceux qui disent avoir payé pour ces voies et qui ne peuvent pas en profiter.

Quant à la loi zéro émission, le Parti vert est le plus ambitieux et souhaite que 2030 soit l’année où 100 % des véhicules neufs vendus seront uniquement électriques ou branchables.

Gérard Deltell, candidat conservateur dans Louis-Saint-Laurent

PARTI CONSERVATEUR DU CANADA
Représenté par:
Gérard Deltell, candidat dans Louis-Saint-Laurent

Gérard Deltell affirme qu’une stratégie industrielle est une priorité pour son parti. Le Canada devrait tendre vers une extraction «plus verte» du minerai. Mais «elle est plus respectueuse des droits de l’homme, contrairement à la Chine», dit-il.

À long terme, un gouvernement formé par le Parti conservateur remplacerait les incitatifs et rabais actuels pour l’achat de véhicules électriques par un «compte d’épargne pour la réduction du carbone». Ce que les automobilistes paient en taxe carbone serait mis dans un compte dont les fonds pourront servir à l’achat d’un véhicule électrique. Quant à un bonus-malus, «on n’est pas là maintenant».

En ce qui concerne la loi zéro émission, le Canada devrait prendre la même cible que celle de la Colombie-Britannique, soit 30 % des ventes de véhicules neufs en véhicules électriques d’ici 2030. Aucune échéance n’a été dévoilée pour 100 % des ventes de véhicules neufs. «Nous ferons ça un pas à la fois», ajoute l’ex-leader parlementaire des conservateurs.

Brian Masse, candidat du NPD dans Windsor West

NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE
Représenté par:
Brian Masse, candidat dans Windsor West

Ayant déjà travaillé à l’usine de Chrysler de Windsor dans le passé, le porte-parole du NPD en innovation, science et économie martèle que «le Canada ne prend pas sa place». Le pays perd son industrie automobile. La stratégie automobile est au cœur de la plateforme du parti et la transition pour les travailleurs est importante, selon M. Masse. «On a aussi le devoir d’arrêter la stratégie d’extraction des ressources naturelles pour l’exportation en entier à l’étranger.»

Au chapitre des incitatifs financiers, le NPD a un plan pour offrir un montant maximal de 15 000 $ aux familles canadiennes pour l’acquisition d’un ou plusieurs véhicules électriques. Par contre, le parti ne croit pas au système de bonus-malus. «On soutient plus les incitatifs que les pénalités.»

Quant à l’échéance pour la vente de véhicule à moteur à combustion, 2035 est l’année visée par le NPD. «Si on n’a pas d’échéance, on aura des problèmes. Il faudra s’asseoir avec les provinces pour harmoniser ces échéances.»

Steven Guilbeault, candidat libéral dans Laurier–Sainte-Marie

PARTI LIBÉRAL DU CANADA
Représenté par:
Steven Guilbeault, candidat dans Laurier–Sainte-Marie

Le ministre sortant du Patrimoine canadien a souligné que son parti est totalement favorable à la création d’une stratégie globale pour une industrie de l’électrification des transports. Aussi, en ce qui a trait à l’extraction du minerai, il ne faut pas seulement s’assurer de puiser la ressource et de créer des emplois. Il faut que ça se fasse dans le respect des droits de l’homme, aussi bien dans les matériaux extraits ici qu’à l’étranger.

Steven Guilbeault soutient que les rabais gouvernementaux, implantés en 2019, seront en place jusqu’au moment où les prix des véhicules électriques seront à parité avec ceux des modèles à essence. Le programme est populaire, dit-il et «nous y avons plus d’argent récemment». Le parti veut l’élargir et le rendre plus inclusif. L’aide à l’achat de véhicules électriques d’occasion fait partie de la plateforme libérale.

L’objectif de 2035 est maintenu chez les libéraux pour la vente de 100 % de véhicules légers électriques et celui de 2040, selon la plateforme du parti, les véhicules de poids moyens et lourds.