Le chef libéral Justin Trudeau, le chef conservateur Erin O’Toole, le chef néo-démocrate Jagmeet Singh, le chef bloquiste Yves-François Blanchet ainsi que la cheffe du Parti vert Annamie Paul ont participé au débat.
Les thèmes retenus : les changements climatiques, le coût de la vie et les finances publiques, les peuples autochtones et l’identité culturelle, la justice et la politique étrangère ainsi que les soins de santé et la pandémie.
D’abord, constat général, comment qualifier le débat de ce soir?
Le format était très chargé. On a beaucoup demandé aux chefs, la commande était importante par rapport à la semaine dernière. Il y avait plusieurs formats de questions, des rafales de questions de journaliste qui étaient très intrusives.
Il y a beaucoup d’informations à assimiler. Je ne sais si les gens ont pu entendre et saisir toute l’information que les politiciens ont tenté de leur présenter. Mais je pense qu’ils ont eu cinq performances qui ont été différentes, qui vont permettre à certaines personnes de déterminer comment elles vont prendre leur décision.
Est-ce qu’on a été bien informés, des questions ont trouvé des réponses?
Est-ce que le citoyen a entendu ce qu’il voulait? Je ne sais pas, il y avait tellement de choses!
M. O’Toole a eu beaucoup de difficultés à répondre aux questions. À ce chapitre-là, si on avait envie d’entendre O’Toole sur les armes à feu, sur les places en garderie ou de ses politiques en matière de relance économique, on n’a pas eu beaucoup de réponses. Il répétait encore : «j’ai un plan», mais les tenants et aboutissants n’étaient pas toujours là.
Les citoyens qui ont posé des questions avaient l’air satisfaits. Mais il y a toujours un caractère de divertissement dans un débat, il y a une mise en scène, des gens regardent ça sur un show de télé. Ils vont accorder une évaluation positive ou négative à la performance des chefs et diriger le vote dans ce sens-là.
Des améliorations chez nos chefs, comparativement aux derniers débats? Comment qualifier leur performance?
Erin O’Toole: On s’attendait à ce que M. O’Toole fasse une contre-performance ou, à tout le moins, qu’il sauve les meubles. Je ne pense que ça été une performance pour se présenter différemment ou pour monter de la vigueur et de l’animation. Ce n’est pas celui qui était le plus à l’aise. Ce n’est pas celui qui intervenait le plus, il avait de la difficulté à imposer sa voix. M. O’Toole n’a pas été capable, encore une fois, de se démarquer, il faut dire qu’il ne maîtrise pas aussi bien le français que les autres chefs. L’engagement, la combativité, la passion sont souvent vus comme une marque de leadership chez les électeurs.
Yves-François Blanchet: M. Blanchet avait un peu joué le rôle d’animateur au dernier débat, ce soir il était plus posé, plus respectueux des règles. Il y en avait peut-être beaucoup, il s’est dit qu’il allait laisser le rôle de chef d’orchestre à Patrice Roy! Lors de son dernier échange avec M. Trudeau, où il lui a dit de se calmer, on a senti le personnage frondeur qui ressort. On a vu le naturel revenir au galop. M. Blanchet a tout de même mieux performé cette fois-ci, dans une circonstance où on doit jouer avec les règles du jeu.
Justin Trudeau: Encore une fois, en début de débat, il s’exprimait bien en français, de manière surprenante. C’était bien livré, des interventions qui avaient l’air impromptues. C’était réussi. Avec le débat qui avance, la fatigue se met en place, et il est évidemment la cible de tout le monde. Il doit poser des questions et défendre son programme, je l’ai trouvé encore convaincant, dans une position difficile à assumer.
M. Trudeau a balancé beaucoup de chiffres ce soir : le nombre de place en garderie, les transferts en santé, le pourcentage de gaz à effet de serre. C’est normal qui le fasse, il a un bilan à défendre, mais quand on surutilise les données chiffrées, on peut perdre des gens. C’est un aspect moins bien de sa performance.
Jagmeet Singh: M. Singh a fait une bonne performance parce qu’il a parlé de ses émotions. Il a qualifié les situations, il disait comment il se sentait par rapport à ces choses-là. Beaucoup de gens réagissent positivement à ce genre de témoignages. C’est un signe d’empathie, un signe de volonté de créer un lien.
Annamie Paul: Ses idées passaient bien, on comprenait ce qu’elle avait à nous dire. Le format était rapide. C’est tout un baptême par le feu pour elle, une première prise de contact pour plusieurs électeurs. Les gens voulaient l’entendre et la voir interagir avec les autres chefs. Elle a eu quelques moments intéressants, comme lorsqu’elle a rappelé les autres à l’ordre au sujet des places en garderie, «ce serait bien que la seule femme sur le plateau puisse parler».
Concernant l’attitude, quels commentaires sur la performance de nos chefs?
Les politiciens étaient disciplinés, même s’il y a eu quelques échanges cacophoniques. Si on se place en 2019, là il y en avait eu de la cacophonie. On n’entendait strictement rien, on se parlait les uns sur les autres. Pour le débat suivant, on avait éteint les lumières lorsqu’on n’avait pas le droit de parole. Cette fois, ils se sont laissé parler.
C’est arrivé plus tard, les gens avaient peut-être quitté l’antenne, mais le dernier échange sur l’identité québécoise entre Trudeau et Blanchet était un moment fort du débat. M. Trudeau revendiquait le droit de se présenter comme Québécois, ce n’est pas intéressant de l’entendre se camper comme ça, «ça va faire de dire que les Québécois au Parti libéral, ce ne sont pas des bons Québécois, vous n’avez pas l’exclusivité M. Blanchet». Les gens n’ont pas tout entendu, le ton a monté et M. Singh a essayé de s’en mêler, mais c’était bien de voir M. Trudeau s’animer sur la question d’identité, qui est très importante pour les électeurs au Québec, ça marque le vote.
Le débat officiel en anglais se tiendra jeudi à 21 h.
* Cette entrevue a été raccourcie à des fins de synthèse