L’expérience de réalité virtuelle sera proposée dès l’an prochain au Musée maritime du Québec à L’Islet. Le projet mené par l’Institut de recherche en histoire maritime et archéologie subaquatique (IRHMAS) situé à L’Islet et le Centre de développement et de recherche en intelligence numérique (CDRIN) de Matane ont complété une première phase du projet visant à créer une reconstruction en 3D des restes du navire afin de pouvoir explorer ce qui se trouve enfoui sous l’eau depuis près de deux siècles.
«Le CDRIN sert un peu d’infrastructure pour la recherche universitaire ou spécialisée, précise la directrice générale de l’établissement, Isabelle Cayer. On développe des outils pour aider les chercheurs à mieux comprendre leur objet de recherche.»
Plusieurs autres partenaires du Bas-Saint-Laurent participent au projet, dont l’Université du Québec à Rimouski, le Réseau Québec maritime, l’Institut des sciences de la mer, le Centre de plongée du Bas-Saint-Laurent ainsi que le Centre de recherche et de développement en cartographie côtière et océanique. «Le projet n’aurait pas été possible sans tous ces partenaires, tient à souligner l’archéologue terrestre et subaquatique de l’IRHMAS, Vincent Delmas. On est bien entouré par les gens du Bas-du-Fleuve. Je les remercie.»
De l’avis de l’archéologue, il s’agit d’un projet pilote qui poursuit plusieurs objectifs. «On s’allie à plusieurs disciplines et on essaie de travailler avec plusieurs technologies pour aller capturer le plus d’information qui ne sera pas juste utilisée pour faire de belles images, mais aussi pour être capable d’étudier l’épave. Ça permettrait de mieux comprendre comment l’épave a été construite.»
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Phase 1
Au cours de la phase 1 du projet démarré en 2018, les images et les vidéos de l’épave captées par l’IRHMAS à l’aide d’un drone sous-marin et de photogrammétrie lors d’une première plongée ont été confiées aux spécialistes du CDRIN, qui ont pu reconstituer de larges portions de l’extérieur du navire par le biais de la modélisation 3D. Puis, grâce à l’intelligence artificielle, ils ont pu améliorer le rendement graphique de ces images.
«La fin de la première phase a permis d’accélérer le travail sur l’épave du Scotsman et d’intégrer la nouvelle équipe d’intelligence artificielle pour aider à travailler les images pour les rendre plus «comestibles et digestes» pour les logiciels de reconstruction parce qu’une image dans le fond de l’eau, sans lumière, ça amène des défis de reconstruction, décrit Mme Cayer. Le jeu de données n’était pas important et il n’y avait pas beaucoup de chevauchements d’images. Le contexte de travail n’était pas idéal. Donc, on s’est servi de l’intelligence artificielle pour voir si on était capable de maximiser les résultats du jeu de données qu’on avait sous la main.»
Cette démarche, combinée aux observations et aux analyses des archéologues, a mis en évidence les perspectives de recherche au sujet de la construction, de la cargaison, de la conservation et des conditions de vie de l’équipage du Scotsman. D’ailleurs, le matériel visuel recueilli lors de la première plongée a permis de confirmer qu’une partie de la cargaison semblait intacte, ce qui rehausse le potentiel historique de l’épave, d’autant plus que celle-ci demeure accessible à la plongée en dépit d’une certaine détérioration observable. Ce vestige offre donc, selon les spécialistes, la possibilité d’être mis en valeur sur les plans touristique et récréatif pour attirer des plongeurs.
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Phase 2
La phase 2 consiste à combiner l’expertise en archéologie subaquatique de l’IRHMAS avec celle en intelligence artificielle du CDRIN afin de reconstituer l’épave en 3D. «On a fait des recommandations à l’équipe pour la deuxième phase, précise la directrice générale du CDRIN. On a besoin de plus de photos qui ont plus de chevauchements entre elles pour être capable de trouver des points de corrélation. On a aussi besoin d’avoir une couverture de la partie du pont du bateau, ce qui n’avait pas été fait lors de la première plongée. Le travail qu’on va faire va permettre de mettre en place une expérience numérique qui va être développée par un studio créatif.»
Grâce au travail du studio créatif Super Splendide, il sera possible d’observer et de visiter l’épave en réalité virtuelle comme si on plongeait dans le fleuve. «La nuance par rapport à d’autres expériences culturelles, c’est que c’est un projet de valorisation scientifique, pas juste une expérience artistique, mentionne Mme Cayer. Donc, on va essayer de respecter l’information et de permettre aux usagers de vivre un peu dans la peau d’un archéologue subaquatique. Ça donne beaucoup d’espoir de mélanger la science et les arts comme on est capable de le faire au Québec et, en plus, en région!»
En d’autres mots, la deuxième phase consistera à mettre les technologies au service du patrimoine pour créer une expérience muséale multisensorielle immersive. «N’importe quelle personne du public pourra avoir un casque virtuel et pourra, comme un plongeur archéologue, accéder au Scotsman qui sera reconstitué en 3D, explique Vincent Delmas. Cette exposition commencera au Musée à L’Islet-sur-Mer et est prévue être itinérante pour aller dans d’autres musées du Québec.» Selon Isabelle Cayer, le réseau des bibliothèques est également ciblé. «Comme ce bateau-là est parti de l’Angleterre, l’idéal serait aussi d’exporter l’expérience outre-mer pour lui faire faire le chemin inverse. La diffusion est ambitieuse. Elle se veut la plus large possible.»
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Petite histoire du Scotsman
L’épave du Scotsman a été découverte en 2002 par le Service hydrographique du Canada et identifiée en 2015 par l’équipe du chasseur d’épaves Samuel Côté ainsi que de l’archéologue Éric Phaneuf. «Cette épave est intéressante parce qu’elle est parmi les derniers navires en bois transatlantiques, souligne M. Delmas. Elle est recouverte de cuivre, qui permettait de protéger le navire des algues et des vers marins qui dévoraient le bois, d’autant plus qu’il allait souvent dans les Caraïbes, donc dans les eaux chaudes, où il y a beaucoup plus de vers marins. C’est un des derniers témoignages de ces grandes traversées que les gens faisaient avant l’invention des navires à vapeur. Il partait de Montréal ou de Québec à destination de Liverpool.»
Le navire marchand construit en Écosse en 1834 s’est échoué contre les rochers lors d’une tempête faisant rage dans la région de Rimouski en 1846. Huit des neuf membres d’équipage ont péri là où une soixantaine de naufrages se sont produits à cause des récifs. L’île du Bic a servi de relais de navigation dans l’estuaire du Saint-Laurent de 1730 à 1905.
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