Décès du producteur Adam Pajot Gendron: un régionaliste d’une générosité sans borne

Adam Pajot Gendron est décédé le 5 août à l’âge de 39 ans.

EXCLUSIF / Les témoignages fusent de partout depuis l’annonce du décès du producteur cinématographique de Rimouski, Adam Pajot Gendron, survenu le 5 août. De toutes les marques d’affection et de condoléances qui arrivent de partout, un mot revient fréquemment: sa générosité. À l’aube de ses 40 ans, ce régionaliste dans l’âme ne comptait pas son temps. Que ce soit comme entrepreneur, comme amoureux, comme papa, comme ami ou comme bénévole, il avait le coeur sur la main. Entrevue exclusive avec sa conjointe, Gabrielle Dion.


Né à Auclair le 22 août 1981, Adam a grandi dans ce village du Témiscouata. Après avoir obtenu son diplôme en arts et technologies des médias au Cégep de Jonquière, il s’est dirigé vers Montréal, où il a acquis un bagage dans le monde de la production télévisuelle et cinématographique. Il a été preneur de son, monteur, coordonnateur de production et caméraman sur plus d’une cinquantaine de productions avant de réaliser ses propres documentaires pour la télévision et des festivals. En 2004, il a complété une attestation d’études collégiales du Centre de formation en coopération interculturelle du Cégep de Rivière-du-Loup, qui l’a conduit au Mali pour effectuer un stage.

Fasciné par les voyages

Le cinéaste était fasciné par les découvertes, les rencontres et les voyages. Cette facette de sa personnalité l’a amené à parcourir l’Europe, l’Afrique de l’Ouest et les trois Amériques, d’où il a rapporté des histoires touchantes et des images profondément humaines gravées sur pellicule. Tournés en français, en anglais, en espagnol et en bambara, ses films portent sur des thèmes qui le passionnaient particulièrement, soient les enjeux sociaux, politiques et environnementaux.

Adam Pajot avec sa fille Anaé, son fils Noam et sa conjointe Gabrielle Dion.

Adam a séjourné en Amérique latine pendant six mois afin de réaliser la recherche de son premier film intitulé Los Campesinos, produit par Tortuga Films, l’entreprise qu’il a cofondée il y a quinze ans à Rimouski.

Son caractère globe-trotteur était un point en commun qu’il partageait avec son amoureuse. «Quand il était jeune, il était allé cueillir des olives en Espagne et était allé faire les vendanges en France, raconte Gabrielle Dion. Tous les deux, on avait un attachement très fort pour le Guatemala. On parlait de partir là peut-être pendant quelques mois avec les enfants afin de leur faire découvrir cette passion-là. Puis, on se disait qu’à notre retraite, on vivrait là-bas six mois par année, dans notre maison au Guatemala. Au printemps, on reviendrait ici parce qu’Adam voulait prendre la relève de l’érablière de son père André.»

Fier de son coin de pays

Si le cinéaste éprouvait une affection particulière envers l’Amérique latine, il avait un attachement aussi grand à son alma mater, le village d’Auclair, qui fait partie d’un rassemblement de trois municipalités appelé le JAL, un acronyme formé de la première lettre de Saint-Juste-du-Lac, d’Auclair et de Lejeune. Cette coalition a permis à ces trois localités du Témiscouata de résister à leur fermeture à la fin des années 1960. Adam Pajot Gendron y a consacré deux documentaires : Mon coin de pays et Si JALions voir.

Adam Pajot Gendron était président de Tortuga Films.

«Il était fier de la résistance de son village et son côté contestataire le rejoignait, souligne Gabrielle. Son coin de pays lui inspirait un certain apaisement et le temps des sucres sur la terre de son père le rendait tellement heureux! Il était bien là-bas. Adam était un intellectuel. Tortuga, c’était exigeant. Mais lorsqu’il était à l’érablière, c’était un autre espace-temps. Il était fier de l’érablière de ses parents. André et Francine sont d’une bienveillance extraordinaire. C’est un milieu aimant, avec un grand jardin. Il voulait faire vivre ça aux enfants. Il voulait qu’on ait, un jour, un grand jardin, une serre, des poules.»

Filmographie et récompenses

Tortuga Films a produit les longs-métrages Fear of Dancing, The Fence, Un danger dans chaque bouchée, Les Coasters, After Circus et Wind Should Be Heard not Seen. À titre de réalisateur, il a porté à l’écran «Témoins de l’histoire», «Ça va être bon», «Vert chez nous», Los Campesinos et «Si JALions voir». Le producteur de 39 ans avait profité de la dernière année de pandémie pour travailler sur des projets qui devaient lui assurer du travail pour les deux à trois prochaines années.

Adam Pajot Gendron avec sa petite dernière, Flora Jade, âgée de 4 mois

Au cours de sa carrière, le cinéaste a reçu le prix Pierre et Yolande Perrault pour Los Campesinos et le prix Don Haig Award pour After Circus. Il a aussi été en nomination pour le prix Gémeaux de la meilleure production documentaire pour «Les Coasters». En 2019, il a remporté le second pitch pour Colour of the Wind lors des Hot Docs à Toronto. En 2013, il a été élu personnalité de l’année de la Jeune Chambre de commerce de Rimouski. 

Leadership reconnu

Son leadership dans l’univers cinématographique et télévisuel était reconnu. «Il a su développer beaucoup de contacts, indique Gabrielle Dion. Il pouvait appeler de grandes têtes d’affiche des réseaux de télé et obtenir un rendez-vous dans les jours suivants.» Il avait réussi à marier sa fibre entrepreneuriale à son amour pour le Bas-Saint-Laurent. Mais, si sa passion et ses ambitions étaient grandes, les difficultés de faire des affaires en région pouvaient être aussi grandes. «Il disait que tout était fait pour les boîtes des grands centres et pas pour les petites boîtes des régions», relate sa conjointe.

Adam n’était absolument pas de nature compétitive. «Il était content que d’autres boîtes de production ouvrent dans la région, confirme-t-elle. Il était d’une grande humilité et un homme excessivement modeste. Adam aimait travailler. Mais avant tout, il aimait aider les autres à réussir leurs projets. Il avait envie de faire briller les autres.»

Beaucoup de bénévolat

Selon Gabrielle, Adam était un entrepreneur né. En plus de sa compagnie de production, il était propriétaire d’une entreprise touristique avec elle. S’il était un homme d’affaires aguerri, Adam Pajot Gendron n’hésitait pas pour autant à donner de son temps bénévolement. Lorsque le Carrousel international du film de Rimouski était menacé de disparaître, l’artisan du septième art a occupé les fonctions de vice-président du conseil d’administration de 2014 à 2016, puis de président jusqu’à l’an dernier. «Il était très habile avec les hautes instances comme la SODEC [Société de développement des entreprises culturelles], souligne Gabrielle. Il a tellement mis du temps là-dedans! Il a quitté quand le Carrousel n’était plus en danger.»

Adam Pajot Gendron aimait beaucoup le temps des sucres à l’érablière de son père, dont il souhaitait un jour prendre la relève.

La présidente actuelle du Carrousel, Isabelle Pruneau-Brunet, souligne son apport par voie de communiqué: «Adam a été un puissant moteur de changement au sein de l’organisme. Si le Carrousel fonctionne aujourd’hui avec autant de vigueur et d’audace, c’est certainement en grande partie grâce au dévouement sans borne d’Adam. À travers un rigoureux redressement des finances nécessaire, Adam a su insuffler à l’équipe un désir de dépassement et de renouveau. Parmi ses meilleurs coups, on compte notamment l’effervescent volet professionnel du Carrousel. De la résidence créative aux activités de maillage, Adam avait la ferme conviction que le Carrousel pouvait être un important acteur dans le milieu du cinéma jeunesse québécois en stimulant sa création et en provoquant des rencontres. Par sa vision ambitieuse, par ses talents de rassembleur, par sa détermination contagieuse, Adam a non seulement fait une énorme différence au sein du Carrousel, mais a également semé une prometteuse graine dans le paysage cinématographique québécois qui ne cesse de grandir.»

Sous la suggestion de la cinéaste Viveka Melki, avec qui il a fondé Tortuga Films et avec qui il a eu sa fille Anaé, le Carrousel international du film lance la Bourse Adam Pajot Gendron, qui sera décernée à un professionnel du cinéma afin de soutenir la relève du septième art. «Adam serait tellement fier de ça parce que c’était un organisme auquel il tenait, croit Gabrielle. Il était reconnaissant qu’on lui ait déjà donné sa première chance. En retour, il était fier d’aider la relève, même si, des fois, ceux qui la représentaient avaient le même âge que lui!»

Un papa et un amoureux extraordinaire

Gabrielle Dion souhaite que l’on se souvienne de son compagnon de vie comme «un papa extraordinaire qui aimait profondément ses enfants, un amoureux qui me remettait les deux pieds sur terre, un être foncièrement bienveillant». «Il était profondément heureux et il est parti dans cet état d’esprit», mentionne-t-elle, la gorge nouée par une tristesse sans nom.

En plus de sa conjointe, de ses parents et d’une grande fratrie de quatre sœurs et de trois frères, Adam Pajot Gendron laisse dans le deuil ses trois enfants: Anaé, 11 ans, Noam, 5 ans et Flora Jade, 4 mois. La cause de son décès sera connue dans quelques mois lors du dépôt du rapport du coroner. Les funérailles de M. Pajot Gendron seront célébrées jeudi à Rimouski. La famille suggère de compenser l’envoi de fleurs par un don à la Fondation Adam Pajot Gendron