Le paradoxe des produits du Saint-Laurent

Des mactres du Saint-Laurent

Pendant que les annonces gouvernementales se multiplient pour développer l’autonomie alimentaire et que les Québécois cherchent à s’alimenter en produits locaux, la difficulté à trouver du poisson et des fruits de mer d’ici constitue un grand paradoxe. C’est autour de ces concepts que la conférence «Manger notre Saint-Laurent» s’est tenue mercredi à la marina de Rimouski, en marge du Congrès Avenir maritime, organisé par le Réseau Québec maritime et l’Institut France-Québec pour la coopération scientifique en appui au secteur maritime (IFQM).


Des consommateurs préféreraient acheter du flétan laurentien au tilapia élevé aux antibiotiques. Mais, leur poissonnier n’en tient pas. Certains autres rêvent de troquer leurs boîtes de thon pâle pour des mactres de Stimpson pêchées au large de Rimouski. Mais, ils doivent faire des recherches pour en trouver.

Pourtant, ce n’est pas parce que le Québec n’en produit pas. Selon des statistiques de 2018 mentionnées lors de la conférence, 81 % des produits de la mer pêchés au Québec ont été exportés. Inversement, 89 % des produits consommés au Québec ont été importés.

Par conséquent, des recommandations sont formulées depuis longtemps afin que les pêcheurs et les transformateurs puissent plus facilement commercialiser leurs produits sur le marché du Québec. Il est aussi recommandé d’améliorer l’identification et la traçabilité du poisson et des fruits de mer québécois. Pour l’instant, l’absence d’une marque distinctive fiable pour en certifier la provenance entrave la capacité des acheteurs à choisir des produits locaux.

Des bourgots du Saint-Laurent.

Animée par Alejandra Zaga Mendez, collaboratrice à la Chaire de recherche du Canada en économie écologique de l’Université du Québec en Outaouais, la conférence a invité le chercheur de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC) et collaborateur du collectif Manger notre Saint-Laurent, François L’Italien, ainsi que l’océanographe et cofondateur de Chasse-Marée, Guillaume Werstink, à faire connaître leur point de vue sur ces thèmes.

Voies d’avenir

Selon M. L’Italien, quatre grands constats se dégagent du portrait d’ensemble de l’économie des pêches au Québec.

• Le premier constat : ce qui est pêché et capturé au Québec est exporté massivement.
• Le deuxième constat : l’intervention de Québec, depuis les années 1980, consiste essentiellement à soutenir les exportations.
• Le troisième constat : les circuits de distribution sont concentrés et consolidés. De l’avis du chercheur de l’IREC, cela complexifie l’accessibilité.
• Enfin, le quatrième constat : les Québécois sont favorables à acheter davantage de produits de la mer, même s’ils coûtent un peu plus cher. «On est prêt à dépenser un peu plus pour avoir des produits de qualité, de proximité, qu’on sait frais et dont on connaît un peu l’histoire qui est derrière le produit», confirme François L’Italien.

Alejandra Zaga Mendez, François L’Italien de l’IREC et Guillaume Werstink de Chasse-Marée

Ces grands constats ont mené vers des propositions qui gravitent autour de l’identification et de la traçabilité. L’entreprise Chasse-Marée, une jeune entreprise du domaine de la transformation des produits marins basée à Rimouski, est un bel exemple d’initiative contribuant à diversifier les espèces consommées au Québec.

«On s’est donné la mission de faire connaître davantage d’autres espèces que le triptyque crabe-homard-crevette qui est pêché au Québec, explique le cofondateur de l’entreprise et océanographe de formation, Guillaume Werstink. On parle de bourgots, de mactres de Stimpson, de coques du Groenland.»