Le nouveau film novateur est fait de chitosane, une molécule naturelle. On l’obtient en dégradant la chitine, un polymère issu de la carapace de crustacés. La pellicule contient aussi des huiles essentielles et des nanoparticules d’argent qui ont toutes les deux des propriétés antimicrobiennes. «La chitine est ce qui permet la rigidité de la carapace», a expliqué Mme Lacroix, professeure titulaire-chercheure à l’INRS dans les Laboratoires de recherche en sciences, appliquées à l’alimentation (LABO-RESALA) et du Centre d’irradiation du Canada (CIC). «Si on dégrade ce produit, on obtient du chitosane, un polymère qui est plus flexible et plus soluble aussi.
«Les produits de dégradation de la chitine ont aussi des propriétés antimicrobiennes qui varient en fonction de la grosseur des molécules. Ils sont reconnus principalement pour leurs propriétés antifongiques. Ils inhibent donc assez facilement les moisissures. De là l’intérêt de les utiliser pour les fruits et les légumes. On croit même qu’ils pourraient servir pour les fromages.»
La professeure Lacroix ajoute que les vapeurs d’huiles essentielles du film protègent les fraises en ayant un effet synergétique avec les nanoparticules, ce qui augmente le temps de préservation. Car lorsque le film entre en contact avec les fruits, le chitosane et les nanoparticules empêchent le développement de moisissures et de bactéries pathogènes en surface. L’équipe de recherche a d’ailleurs testé sa pellicule d’emballage sur quatre cultures microbiennes, soit l’Escherichia coli (E-coli), la Listeria monocytogenes (Listeria), la Salmonella typhimurioum (salmonelle) et l'Aspergus niger, une moisissure très résistante qui occasionne beaucoup de pertes dans les fraises. Finalement à cause de sa composition, le nouveau film est aussi biodégradable. S’il est enfoui, il sera dégradé par les bactéries que l’on retrouve dans le sol.
Sous-produit de l’alimentation, la chitine a de nombreux usages. La professeure Lacroix a mentionné qu’aux Philippines, on la dégradait davantage pour en faire des monomères dont on se sert pour activer la croissance des plantes, notamment la plante à sucre. Le chitosane est aussi utilisé dans le domaine médical. Il entre, par exemple, dans la composition de matériaux servant dans différentes applications comme la libération contrôlée de médicaments.
La professeure Lacroix n’en était pas à ses premières armes dans la recherche de nouvelles pellicules d’emballage. Ses premiers travaux datent du début des années 1990. Elle avait alors travaillé à développer des films faits à partir de protéines laitières et aussi de sous-produits de l’industrie fromagère. À l’époque, elle avait démontré que quand on irradie ce polymère en l’absence d’oxygène, il était possible de faire des films d’emballage complètement insolubles à l’eau.
«Et ça c’est très important quand on fait la commercialisation d’un film biodégradable pour les aliments. Cette découverte avait permis la création de la compagnie Bio-Enveloppe.»
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La professeure Lacroix mentionne qu’il y avait de grands défis à surmonter quand venait le temps de créer de nouvelles pellicules d’emballage. Celles-ci devaient être résistantes à l’eau, perméable à l’oxygène, qu’elles puissent laisser passer le gaz carbonique pour s’assurer que le fruit ne fermente pas et ne ramollisse pas et qu’elles devaient avoir les bonnes propriétés mécaniques pour être résistantes, indique-t-elle.
«C’est pour cette raison que ça prend du temps avant de voir apparaître sur le marché des pellicules complètement biodégradables faites à partir de produits naturels.»
Irradiation
Lors de son étude, la professeure Lacroix et son équipe ont emballé des fraises avec le film d’emballage bioactif puis ils ont irradié le tout. «Et nous avons eu des synergies entre les deux. Après 12 jours, 50 % des fraises qui n’avaient pas été emballées avec notre pellicule et qui n’avaient pas été irradiées étaient moisies. Ce pourcentage chutait à 38 % pour les produits emballés avec le film fait de chitosane, d’huiles essentielles et de nanoparticules d’argent. Mais si on ajoutait l’irradiation, on limitait les pertes à 20 %.»
Lors de sa mise en marché, la nouvelle pellicule devrait être vendue à un prix légèrement supérieur aux films d’emballage actuellement disponibles. La professeure Lacroix ajoute qu’avec le temps, celui-ci ne pourra que diminuer comme l’a fait celui des produits faits avec du polylactique acide, un polymère produit par fermentation qui sert à fabriquer des contenants de yogourt et des bouteilles de shampoing.
«Au début, ces produits coûtaient très chez à produire. Mais on a développé des technologies qui ont permis de le faire à moindre coût. Il faut donc aller de l’avant, regarder ce qui peut être fait, développer des films et par la suite, travailler en équipe avec des gens qui sont des experts dans le domaine industriel pour essayer de réduire les coûts de production.»
À quel moment la nouvelle pellicule pourrait être lancée sur le marché? Il semble qu’il faudra attendre. La professeure de l’INRS a indiqué que ce qui manquait actuellement était des associations avec des industries fabriquant des produits d’emballage. Plusieurs attendraient de voir les produits qui seront développés avant d’investir.
«C’est important de travailler en collaboration avec des industriels. D’abord pour utiliser les méthodes de production qu’eux utilisent, mais aussi pour adapter les technologies pour aller de l’avant.»