La conception du rôle parental est plus moderne au Québec qu’ailleurs au Canada. Finie la conception traditionnelle du père pourvoyeur et bienvenue l’engagement auprès des enfants et le partage équitable des responsabilités familiales.
«Ça fait 15 ans que je suis dans le domaine et ce qui frappe le plus, c’est vraiment de voir que pour les pères québécois, contrairement au reste du pays, c’est vraiment le rôle de modèle et d’éducateur auprès des enfants qui passe en premier», s’étonne Raymond Villeneuve, directeur général du Regroupement pour la Valorisation de la Paternité.
Dans les autres provinces, 43 % des pères sondés se considèrent d’abord comme des pourvoyeurs, tandis qu’il s’agit du dernier élément de la liste au Québec (12 %), apprend-on des résultats d’un sondage Léger pancanadien mené auprès de 2000 pères canadiens (1000 au Québec et 1001 hors Québec), présentés dans le cadre de la 9e édition de la Semaine Québécoise de la Paternité (SQP) qui débute ce lundi.
«Coparentalité»
Non seulement sur leur rôle auprès des enfants, mais aussi dans le couple, les répondants montrent un «changement majeur» de leur conception, qui peut être dû à plusieurs facteurs, selon le directeur général du RVP.
«Les mouvements pour l’égalité des sexes et les politiques publiques qui existent au Québec et pas ailleurs, comme les congés de paternité, créent un climat plus favorable à l’engagement des pères», analyse M. Villeneuve.
Ils sont en effet moins nombreux au Québec (17 %) que dans les autres provinces (27 %) à confier les tâches domestiques principalement à leur conjointe ou conjoint. Pour les tâches reliées aux soins des enfants, 31 % indiquent qu’elles sont toujours ou principalement réalisées par l’autre membre du couple, comparativement à 21 % chez les Québécois.
La «coparentalité» semble donc plus importante pour les pères du Québec que dans le reste du pays. À 89 %, les papas estiment que les parents doivent travailler en équipe pour s’occuper de leurs enfants. À cet égard, le confinement a eu des impacts positifs sur la vie familiale : les pères ont passé du temps avec leurs enfants et leur relation avec eux s’est améliorée, disent-ils.
Les bonnes habitudes, ça se prend de bonne heure. Plus les pères sont engagés tôt pendant la grossesse, l’accouchement, bien plus on observe la coparentalité égalitaire tôt
Pour le développement des enfants et le bien-être des parents, ce «partenariat» dans le couple s’avère un élément «essentiel», ajoute-t-il. Même en cas de séparation.
«Il y a des différences sociétales profondes entre le Québec et le reste du Canada, quand on voit que le modèle du mariage demeure prédominant (90 %) hors Québec, tandis qu’il se répartit également [entre les mariés] (51 %) et les conjoints de fait (49 %) dans notre province.»
Si ce modèle matrimonial québécois entraîne plus de séparation, selon M. Villeneuve, il contribue aussi à en créer un d’autonomie au quotidien. «C’est compliqué être un parent, mais l’idée c’est de se demander comment on peut être parents ensemble et faire en sorte que les enfants se développent bien, tout en vivant une vie personnelle et professionnelle satisfaisante», indique-t-il.
Développer le «réflexe paternité»
Comme ces données témoignent d’un «terreau fertile pour aller plus loin» dans le dossier de la paternité, le Regroupement pour la Valorisation de la Paternité a un souhait : que les autorités gouvernementales développent un «réflexe paternité» lorsque vient le temps de mettre sur pied des politiques publiques.
Dans une plus grande proportion que leurs homologues canadiens, les pères québécois accordent une importance au congé parental à la naissance d’un enfant (77 % contre 65 %) et à la conciliation famille-travail (78 % contre 65 %).
«Quand on offre de nouveaux services à la famille, qu’on conçoit un programme, une politique, une loi, il faut avoir le réflexe de s’assurer qu’on intègre bien les pères, recommande M. Villeneuve. Sinon, on envoie le message qu’il existe un parent principal, on induit une parentalité secondaire et ça risque de rester.»
La politique de périnatalité du ministère de la Santé et des Services sociaux serait une «belle occasion» de faire une plus grande place aux pères, juge-t-il, saluant au passage celle leur étant accordée dans la Commission Laurent sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse.
«Ils peuvent apporter une contribution positive, mais ils peuvent aussi vivre des difficultés. Si les pères vivent des difficultés, il faut avoir les ressources. Elles sont en train de se développer, mais on peut aller plus loin.»
«Au sein d’une famille, si l’un vit des difficultés, ça a un impact sur tous les autres membres, alors il faut s’en préoccuper. Les deux parents sont déterminants dans la vie de l’enfant, il faut que les pères s’approprient cette idée-là aussi.»
Surtout que la pandémie se présente comme un «contexte d’opportunité», après une année difficile sur les plans de la santé mentale, de la maltraitance et de la violence conjugale. Raymond Villeneuve pense que la «chance se présente pour qu’on se dise pour l’avenir : ‘’Et les pères dans tout ça?’’»
Pour plus d’informations sur la Semaine québécoise de la paternité sur la thématique «Parce que chaque parent compte! - 7 jours pour discuter de la place des pères dans les politiques publiques», c’est ici.
Un dossier web intitulé «Comment favoriser l’engagement des pères par nos politiques publiques?» sera aussi diffusé par l’Observatoire des tout-petits.