«Une lumineuse fin du monde lançait l’idée qu’on est inquiet par le climat social et politique, explique Marie-Pier Lebeau Lavoie du duo Pierre & Marie. Ici, on présente un univers qui est un peu fantasmagorique, qui vient refléter comment on se sent par rapport au monde qui nous entoure, par rapport à la pandémie, à la crise environnementale et à toutes les opinions polarisées.»
Dix yeux qui observent
Si la commissaire de l’exposition avait à représenter l’exposition en quelques mots, ce serait les mots «grotesque», «bizarrerie» et «étrangeté». «On retrouve autant du jeu, de la douceur, de la tendresse», considère Ève De Garie-Lamanque. Dans la manière de magnifier les yeux des animaux en peluche, on voit beaucoup d’amour, selon elle. «Il y a ce côté très doux, très intime de notre relation à certains objets qui sont inanimés. En même temps, il y a un côté un peu plus “dark” parce qu’installés au mur, ça fait presque penser à des trophées de chasse.» On peut aussi y voir le cabinet des curiosités ou les spectacles de monstres des fêtes foraines du 19e siècle.
À ces aspects de l’exposition s’ajoutent d’autres perspectives. «Quand on présente un œil unique, ça fait référence à des symboliques très anciennes qui datent des débuts de la chrétienté, comme l’oeil de la Providence. C’est une surveillance bienveillante et toute puissante en même temps. On a cette ambivalence dans le travail.»
On reconnaît la démarche de Pierre & Marie dans l’utilisation des objets utilisés. «Depuis plusieurs années, on a un langage personnel, confirme Marie-Pier Lebeau Lavoie. Il y a plusieurs objets qui reviennent et qui font partie de notre vocabulaire artistique. On s’attarde à créer des objets qui soient à la fois bienveillants et inquiétants. C’est tout doux, c’est beau et c’est tendre. En même temps, c’est vraiment dénaturé. On se sent observé en entrant dans l’exposition. On a dix yeux, tous différents.»
Il y a quelques années, le duo d’artistes avait le réflexe de découper les yeux de certaines peluches. «On voyait le toutou défiguré et c’était quand même intéressant, raconte Pierre Brassard du duo Pierre & Marie. On collectionnait les yeux. On avait parfois l’idée d’en prendre juste un, ce qui donnait un petit côté étrange. On trouvait ça intéressant d’avoir ces yeux dans l’atelier qui nous observaient constamment. On voulait aller vers cette idée au départ.»
De l’avis de Mme De Garie-Lamanque, lorsqu’on voit des sculptures avec des peluches au Québec, on pense automatiquement à Pierre & Marie. «Il y a ce côté collection, fétichisme.» Elle compare la démarche des deux artistes qui consiste à inventorier pour documenter à un scientifique ou à un botaniste qui tente de répertorier les différents types d’herbes ou d’insectes dans une région. Selon elle, le duo Pierre & Marie a fait l’inventaire de tous les types d’yeux que l’on retrouve dans les peluches sur le marché.
L’exposition est présentée jusqu’au 10 octobre.