Vérification faite: la lune peut-elle amener du temps froid?

La lune peut-elle influencer la température?

L’AFFIRMATION: «Nous venons d’avoir du temps anormalement frisquet pour la fin de mai. Mon beau-frère me dit que ce n’est pas surprenant parce que ce serait dû au fait que la lune de juin n’était pas encore terminée. Devant mon scepticisme, il a rétorqué que pourtant tous les cultivateurs connaissent cette vérité. Mais je ne vois toujours pas comment la lune peut influencer la température. Existe-t-il des études scientifiques confirmant ou infirmant cette croyance?» demande Michel Renaud, de Charlesbourg.


LES FAITS

Après la «canicule» des 20-22 mai, il a effectivement fait très froid (pour la saison) au cours des jours suivants. Le mercure a même descendu sous 0°C les matins des 27 et 28 mai, et a atteint à peine 1°C au lever du soleil les 29 et 30 mai. Je ne suis pas sûr de ce que le beau-frère de M. Renaud voulait dire par «lune de juin pas terminée» mais, s’il faisait référence à la pleine lune, il avait tort : la lune a été complète juste avant cette «vague de froid», le 26 mai.

Quoi qu’il en soit, la lune a très, très peu d’influence sur le temps qu’il fait, indique Simon Legault, météorologue chez Environnement Canada. «Ce qui guide la météo, ce sont surtout deux forces. D’abord le soleil, qui va chauffer le sol et l’air, ce qui va créer de la convection [ndlr : l’air chaud qui s’élève]. Et ensuite la rotation de la Terre. Ce sont les deux principales. Il y a aussi, bien sûr, une série d’autres facteurs qui entrent en ligne de compte, comme les océans, mais c’est moins fort. (…Et en ce qui concerne la quasi-absence d’effet de la lune), pensons simplement au fait que Québec et New York sont deux villes relativement rapprochées et qui ont donc la même lune en même temps, mais qui peuvent malgré cela avoir des météos très différentes.»

Cela ne veut pas dire que la lune n’a absolument aucune influence sur la météo, poursuit M. Legault. Juste que «c’est vraiment minime».

Ainsi, l’attraction lunaire crée deux marées : les marées océaniques et les moins connues marées atmosphériques, soit un petit «surplus» d’air qui est attiré du côté de la Terre où la lune se trouve. Alors on peut par exemple imaginer que la marée océanique a une certaine influence sur la température de l’air proche des côtes, en grossissant la masse d’eau — ce qui aurait un effet refroidissant en été et réchauffant en hiver. Sauf que ça ne peut pas faire autre chose qu’une différence absolument infime, précise M. Legault, parce que «la marée ne brasse pas vraiment la colonne d’eau, donc elle ne facilite pas les échanges thermiques avec l’eau plus froide en profondeur». En outre, ajoute-t-il, «sur les rives du fleuve, l’eau ne s’avance pas à 50 mètres à l’intérieur des terres, c’est beaucoup moins que ça». Cela signifie que la surface de l’eau ne change presque pas avec les marées et, comme c’est par cette surface que l’eau peut prendre ou donner de la chaleur à l’atmosphère, la marée ne peut donc à peu près pas influencer ces échanges thermiques.

On peut aussi imaginer qu’en attirant un peu plus d’air sur une face de la Terre, la lune puisse jouer un peu sur les vents. Mais encore ici, dit M. Legault, l’effet est infinitésimal. «Les vents sans lune auraient une direction, et peut-être qu’avec la lune, c’est un poil à côté. Mais si ça fait une différence, alors c’est en altitude. En surface [ndlr : juste au-dessus du sol], c’est d’abord la position des systèmes météo qui joue parce que l’air est attiré vers les zones de basse pression, et ensuite le relief.»

De toute manière, signale-t-il, si la lune a une influence sur la météo, elle ne peut être que globale, et non régionale. À cet égard, il existe bel et bien certains travaux qui ont montré un effet de la lune sur la météo. Il est absolument imperceptible, à moins de disposer d’énormes moyens techniques, mais il existe. Par exemple, en 1995, deux chercheurs américains ont publié dans la revue Science une étude montrant que l’atmosphère terrestre était plus chaude pendant la pleine lune que pendant la nouvelle lune, et ce par une marge de… seulement 0,02 °C. Le mécanisme derrière ce phénomène n’est pas clair, mais cela s’explique possiblement par le fait que la pleine lune reflète plus de lumière du soleil vers la Terre que la nouvelle lune.

De même, d’autres travaux parus en 2016 dans les Geophysical Research Letters ont pour leur part montré que les marées atmosphériques induites par la lune provoquent des changements dans l’humidité relative, qui à leur tour augmentent les précipitations quand la lune se trouve environ au quart de son cycle. Mais cela fait une différence de moins de 1 % sur la pluie qui tombe, et il a fallu analyser les données de plusieurs milliers de stations météorologiques pour le détecter.

Notons enfin que la vague de froid de la fin de mai peut très bien s’expliquer par le fait que les masses d’air au-dessus du Québec sont moins stables au printemps et en automne. Ce qui détermine la température, explique M. Legault, ce sont principalement les masses d’air dans lesquels nous nous trouvons à un moment donné, et ces masses d’air se déplacent généralement avec les courants-jets — soit des vents très puissants qui soufflent à quelques kilomètres d’altitude. Grosso modo, quand ces courants-jets passent au nord, nous nous trouvons dans une masse d’air chaud; c’est généralement ce qui se passe en été. Et quand ces courants passent plus au sud, alors nous nous trouvons dans une masse d’air provenant du nord et qui est plus froide; c’est habituellement la situation qui prévaut en hiver. Cependant, dit M. Legault, ces courants-jets alternent plus souvent au nord et au sud de nous au printemps et à l’automne, ce qui peut causer de grands écarts de température, comme ceux que nous avons connus en mai.

VERDICT

Faux. Si on ne peut pas dire que la lune n’a absolument aucune influence sur la météo, il reste qu’elle est un facteur extraordinairement mineur dans le temps qu’il fait. Le froid que le sud du Québec a connu à la fin de mai s’explique bien mieux par l’instabilité des masses d’air caractéristique du printemps.

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