Pour essayer de comprendre pourquoi l’heure est-elle si grave pour les organisations, Le Soleil est allé à la rencontre d’entrepreneurs chevronnés et de dirigeants d’entreprises qui sont tombés dans la marmite de la transformation numérique. Ils nous donnent leur recette et débusquent les pièges qui se cachent derrière cette démarche ambitieuse qui bouscule les organisations et leurs employés.
Jean Laflamme est président de Meubles South Shore (1000 employés au Québec et au Mexique), un fabricant de meubles de Sainte-Croix, dans la région de Lotbinière, qui a maîtrisé l’art du commerce électronique. Il réalise 90 % de ses ventes totales en ligne.
Jean Bélanger est pdg de Premier Tech (4700 employés dans 27 pays). Faisant son pain et son beurre dans l’agroalimentaire, les équipements industriels, l’horticulture et les technologies environnementales, l’entreprise de Rivière-du-Loup développe aussi des solutions digitales innovantes pour les PME par l’entremise de son groupe Premier Tech Digital.
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«Le numérique est un outil qui nous permet d’être à l’écoute du consommateur, de bien comprendre ses besoins afin de pouvoir lui offrir une expérience aussi personnalisée que possible tout en étant présents sur toutes les plateformes qu’il fréquente», résume Jean Laflamme.
Pour Jean Bélanger, la transformation numérique permet de «libérer le potentiel de nos employés» qui peuvent dorénavant s’affairer, autant dans les usines que dans les bureaux, «à améliorer la business» puisqu’ils n’ont plus à effectuer les tâches manuelles et répétitives qui n’apportent pas une valeur ajoutée à l’organisation.
N’en jetez plus, la cour est pleine
Les deux hommes d’affaires partagent un même constat : les entreprises québécoises tardent à prendre le virage numérique. Un sondage réalisé à la fin de 2020 par Léger révélait que 28 % des patrons interrogés au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique estimaient que la transformation numérique n’était pas urgente à leurs yeux.
«Il n’est pas trop tard, mais le temps presse», insiste Jean Bélanger. «Il faut que la cadence s’accélère au cours des 6, 12 ou 18 prochains mois afin que l’on puisse atteindre une masse critique d’entreprises qui ont emboîté le pas», estime le pdg de Premier Tech qui comprend, par ailleurs, que la simple mention du mot numérique peut «faire peur» à certains entrepreneurs. «C’est pourquoi il faut continuer de démystifier tout ce qui entoure la transformation numérique.»
Jean Laflamme affirme, de son côté, que des chefs d’entreprises repoussent leur virage numérique tout simplement parce qu’ils parviennent à peine à tenir leur tête hors de l’eau par les temps qui courent.
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«On ne demande pas au propriétaire d’un restaurant de peaufiner son site Internet alors qu’il n’a plus de chef dans sa cuisine. Sa priorité, c’est d’aller préparer les repas pour ses clients.»
Selon le président de Meubles South Shore, la pénurie de main-d’œuvre force les entrepreneurs à aller au plus pressant, c’est-à-dire à livrer les produits que leurs clients attendent d’eux plutôt que de se lancer dans la transformation numérique.
La pression est forte sur les manufacturiers. À la rareté de personnel dans tous les métiers et professions — notamment en informatique — s’ajoutent les difficultés d’approvisionnement rencontrées par les entreprises de fabrication au cours des derniers mois et la baisse de productivité provoquée par la crise pandémique.
«Et là, vous demandez aux entrepreneurs d’investir dans la transformation digitale de leur organisation! Ils vont vous répondre : “N’en jetez plus, la cour est pleine!” Il n’y a quand même que 24 heures dans une journée et sept jours dans une semaine», insiste Jean Laflamme.
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Le piège à éviter, selon Jean Bélanger
«Penser qu’une transformation numérique va tout changer d’un seul coup de baguette. Qu’elle deviendra un fourre-tout pour tout ce qui ne marche pas au sein de l’organisation. C’est pourquoi il faut prendre de petites bouchées. Se faire la main. Aller chercher des petits gains, les célébrer et les communiquer.»
Les clés du succès, selon Jean Laflamme
«L’adaptation aux technologies numériques, c’est incontournable. Cependant, c’est impossible d’être toujours à la fine pointe au sein d’une organisation. Il faut se faire accompagner pour développer notre expertise, notamment pour comprendre et interpréter toutes les données disponibles. Il faut aussi demeurer continuellement en contact avec les clients.»