À peine a-t-il fait quelques pas dans la ville où il a grandi qu’il croise des amis perdus de vue.
Quand il retrouve son plus vieil ami, Jacques (Paul Doucet), on apprend que Pierrot souffre d’un cancer, qu’il est en phase terminale et que ce retour à la maison est sa façon de boucler sereinement la boucle d’une vie tumultueuse.
Jacques est aux antipodes, bouleversé et profondément révolté par la nouvelle. Il décide d’accompagner son vieux chum dans le dernier droit. Ce qu’on découvre aussi, c’est que Pierrot a un plan quant à cette fin de vie, qui implique un voyage et qu’il compte sur Jacques pour l’accomplir.
Le récit du scénariste et réalisateur Claude Gagnon est relativement simple à dessiner parce que son film est tout de dense simplicité. L’essentiel se passe ici d’effets de caméras ou de ruses narratives. Il est ici question de l’essentiel: la vie, la mort, l’amitié, la colère, le legs. Au-delà des évènements, des actions, le cinéaste se penche sur les émotions des hommes avec intelligence et sensibilité.
Il a le mérite de ne pas tenter de tout expliquer. Il exprime la profonde colère qui habite Jacques, mais ne cherche pas trop à nous en faire connaître l’origine. Gagnon (Kenny, Karakara) laisse des pistes pour échafauder des hypothèses. À quoi bon chercher plus loin?
Ce qu’on peut comprendre, c’est que la colère est le dernier ancrage de la peur. C’est vrai que c’est l’idée de l’amitié virile et du pouvoir que la mort peut avoir sur le parcours des vivants qui l’intéressent ici.
La beauté de son scénario, ce sont ses couches de sens à travers lesquelles se dessine une grande bienveillance, une lumière. Au-delà de ce qu’on perçoit se cache une autre vérité plus discrète mais plus riche. Les vieux chums est un film sans prétention teinté même d’un certain humour qui se voit avec le cœur et se digère avec le temps.
La mise en scène se caractérise par sa simplicité pour laisser toute la place au propos. Si la caméra élargit son cadre pour adopter le regard de Pierrot, le plus souvent, elle témoigne simplement et scrute les visages, surtout celui de Patrick Labbé qui connaît probablement ici son plus riche rôle au cinéma.
Il joue en retenue en faisant de la douleur physique de son Pierrot sa justification. On saisit qu’il a eu une vie difficile et mouvementée. L’acceptation de sa mort prochaine lui donne une sérénité qu’il n’aurait pu imaginer avant.
Il est soutenu par Paul Doucet, irréprochable encore en ami révolté. Claude Gagnon a certainement le sens du casting. Il a trouvé au personnage du père de Jacques, discret, mais néanmoins important quant au sens de cette histoire, un rôle parfait pour Pierre Curzi qui cumule avec beaucoup de doigté la sérénité et le malaise du père qui voit son fils lui échapper.
Malgré la gravité du propos, le film baigne dans une lumière, morale et physique pour la dernière portion, assez remarquable. C’est une production à contre-courant de ce que le cinéma commercial aime diffuser, mais d’une redoutable pertinence dans le contexte actuel. C’est un beau film. Pas parfait, certes, mais qu’est-ce qui l’est en ce bas monde?
Les vieux chums est présenté au cinéma.
Au générique
Cote : *** ½
Titre : Les vieux chums
Genre : Drame psychologique
Réalisateur : Claude Gagnon
Acteurs : Patrick Labbé, Paul Doucet, Luka Limoges
Durée : 1h49