Michel Jean est reconnu en tant que romancier, journaliste et chef d’antenne. Mais il est aussi renommé pour avoir dirigé et participé à la création d’Amun, «le tout premier recueil de nouvelles autochtone publié au Québec», en 2016.
Cinq ans plus tard, l’écrivain repousse ainsi encore une fois les limites de la littérature en faisant imprimer Wapke, «le tout premier recueil de nouvelles d’anticipation autochtone» paru dans la province. L’ouvrage collectif est composé par ses fidèles collaborateurs et amis.
«Louis-Karl Picard-Sioui et Isabelle Picard, deux Wendat originaires de la région de Québec, me parlaient de futurisme autochtone. Et c’est vrai que, au Canada anglais, c’est un genre qui est reconnu, apprécié et pratiqué. […] J’ai fini par me dire que c’était une opportunité, étant donné le débat actuel, de se projeter dans l’avenir et de discuter de sujets politiques, sociaux et environnementaux», précise Michel Jean, en entrevue au Soleil.
Il n’était donc pas question de faire un «Amun 2».
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«Je souhaite écrire des choses qui sont différentes. C’est plus stimulant et intéressant pour le public. [… ] Moi, je ne veux pas lire des livres qui sont tout le temps pareils: c’est dans ma nature de faire ça», souligne-t-il, en nommant entre autres Tsunamis, un de ses romans qui baigne beaucoup plus dans le suspense.
Si les quatorze histoires se rassemblent sous le même thème qu’est «l’anticipation», elles présentent toutefois différentes époques en plus d’aborder des enjeux distincts. Alors que certaines nous font glisser dans un univers rappelant presque La Matrice, d’autres évoquent le quotidien ou la nature et flirtent parfois avec le fantastique.
Selon Michel Jean, les différents niveaux de lecture apportent une «grande richesse» au livre. Qu’on y plonge pour se divertir ou pour réfléchir, tout le monde peut y trouver son compte.
Entre les nouvelles qui portent sur la vieillesse, la mort, l’Histoire, la dégradation de l’environnement ou encore sur des questions identitaires se glissent toutefois beaucoup d’espoir et d’optimisme.
«Les gens ont souvent l’impression que, quand les autochtones abordent ce genre d’enjeux, ils sont revendicateurs et accusateurs. Mais ce n’est pas le cas en réalité. On a juste envie d’exposer les choses et de montrer la façon dont on les vit. Pour présenter l’autre côté de la médaille. […] L’idée, ce n’est pas de faire sentir les autres coupables», insiste le lauréat de l’édition 2020 du Prix France-Québec.
Le bon moment
Pourquoi ne pas avoir fait paraître ce genre de projet avant?
Parce qu’on ne peut pas marcher sur un lac à moitié gelé, soutient Michel Jean. «Mais si la glace est bien prise, tu peux courir dessus».
Pour l’auteur de Kukum, ce succès littéraire de 2019 qui trouve toujours sa place dans le top 10 des palmarès de ventes de livres, Wapke n’aurait pas pu être publié il y a cinq ou dix ans.
Il faut «mettre un pas devant l’autre».
«On doit se rappeler dans quel état d’esprit on était à l’époque. Lorsque tu es en haut de la montagne, tu te dis qu’elle n’était pas si pire que ça. Mais quand tu commençais à la monter, elle avait l’air très haute. […] On doit laisser le temps aux gens de lire et de développer leur goût pour ce genre-là. Changer les esprits et les mentalités, ça prend un certain temps. Il ne faut pas nécessairement aller trop vite», estime-t-il, tout en saluant l’ouverture et la curiosité que montrent aujourd’hui les lecteurs québécois.
Les quatorze auteurs publiés dans Wapke sont : Joséphine Bacon (Innue), Katia Bacon (Innue), Marie-Andrée Gill (Innue), Elisapie Isaac (Inuk), Michel Jean (Innu), Alyssa Jérôme (Innue), Natasha Kanapé Fontaine (Innue), J.D. Kurtness (Innue), Janis Ottawa (Atikamekw), Virginia Pésémapéo Bordeleau (Crie), Isabelle Picard (Wendat), Louis-Karl Picard-Sioui (Wendat), Jean Sioui (Wendat) et Cyndy Wylde (Anicinape et Atikamekw).