«L’heure la plus sombre est celle qui vient juste avant le lever du soleil», cite la maman d’Olivia. Elle se rappelle un ouvrage du romancier brésilien Paulo Coelho qu’elle a lu au chevet de sa fille, alors hospitalisée.
Entre l’incertitude et les longs, mais surtout nombreux séjours à l’hôpital, les premières années de la vie d’Olivia n’ont pas été de tout repos. Ni pour elle ni pour sa famille.
Olivia est née en 2015 avec des malformations cardiaques congénitales passées inaperçues. Ce n’est que de retour à la maison, que l’état de la petite a alerté ses parents. Âgée d’à peine quelques semaines, Olivia peinait à s’alimenter et ne prenait pas suffisamment de poids, contrairement à ses deux grands frères.
Quatre fois à cœur ouvert
Le verdict est tombé lors d’une première de plusieurs visites aux soins intensifs: le cœur du bébé de cinq semaines était épuisé, parce qu’une de ses valves fuyait. Elle souffre d’insuffisance de la valve mitrale qui l’empêchait alors de bien s’oxygéner et qui causait une accumulation de liquides dans ses tissus.
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Les résultats d’une première opération à cœur ouvert ont redonné confiance aux spécialistes et à la famille. «En finalisant la chirurgie, les médecins avaient espoir que ça irait mieux. Son cœur était reparti contre toute attente, c’était miraculeux, raconte la maman d’Olivia, Laurie Suzor-Pleau.
L’optimisme est disparu en fumée quand des complications ont forcé le poupon à être hospitalisé de nouveau. Avec une valve mécanique, les pronostics ne s’avéraient plus si roses. «Ce n’était pas très positif comme avenir, on attendait plusieurs complications qui peuvent avoir des conséquences qu’on ne veut pas dire», se souvient sa mère.
«Elle est restée plusieurs mois à l’hôpital et quand on l’a ramenée à la maison, elle était très fragile», relate-t-elle. Les appréhensions des médecins sont rapidement devenues réalité, puisque la présence d’un caillot de sang a mené à une troisième opération, où la valve mécanique a été remplacée par une valve biologique Mélody.
S’en est finalement suivie une quatrième chirurgie, avant que son état ne se stabilise, enfin.
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«Au final, Olivia a eu toutes les complications pas possibles et inimaginables, témoigne Mme Suzor-Pleau. Elle vit avec plusieurs séquelles parce qu’elle a frôlé la mort, elle a des retards de développement, elle ne parle pas et elle est gavée».
«Mais sa santé va bien depuis cinq ans et demi, elle se développe, elle fait des apprentissages constamment et elle est tellement belle à voir aller. D’où elle est partie, juste qu’elle soit avec nous, c’est merveilleux.»
Le beau avant tout
Malgré les allers-retours entre la maison et le centre hospitalier, la peur et la tension, la jeune mère n’a jamais cessé d’espérer, se souvient-elle. L’espoir fait partie intégrante de sa vie, depuis quelques années.
«On n’a pas le choix, sinon on tombe trop profond et notre enfant a besoin de nous.»
Cet espoir, Laurie Suzor-Pleau a voulu le partager avec d’autres familles d’enfants malades.
Dans une histoire sombre, il y a toujours de la lumière. Olivia a un parcours atypique, mais on ne voulait pas tomber dans le malheur et les complications. On voulait lancer un message d’espoir: c’est difficile, mais il y a quand même du beau à travers tout ça.
Avec l’aide de la Fondation En Cœur, à la recherche d’une activité pour sensibiliser la population aux maladies du cœur chez les enfants, car «la maladie ne prend pas de pause en pandémie», la maman photographe a ainsi eu l’idée d’user de son art pour illustrer dans un touchant parcours une parcelle de l’histoire de sa petite combattante.
La famille Suzor-Pleau a elle-même bénéficié des services de la Fondation En Cœur, qui œuvre depuis 35 ans auprès des familles d’enfants cardiaques en leur offrant des services d’information et de soutien.
«La fondation, une chance qu’elle est là, témoigne la maman d’Olivia, précisant qu’un enfant sur 100 naît avec une malformation cardiaque au Québec chaque année.
«Les bénévoles nous supportent et viennent nous visiter quand on vit des moments difficiles. C’est vraiment un baume, ils sont là, comme un soutien enveloppant».
Ainsi, à travers 10 photos installées tout le mois de mai près de la Place Jean-Béliveau, l’exposition Fragment transporte les passants dans l’univers d’Olivia, afin de les sensibiliser aux malformations cardiaques chez les enfants. Le circuit éphémère se termine à l’intérieur du Grand Marché, où une œuvre d’art signée Nikolina Okuka, créée spécialement sur le sujet, est exposée jusqu’à la fin septembre.
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Samedi matin, lors de la première journée de l’exposition, la présence d’infirmières ayant pris soin de la fillette au cours des dernières années et qui s’étaient déplacées pour admirer le projet a donné lieu à de touchantes «retrouvailles».
«Fragment, ça représente un élément brisé, comme le cœur d’un enfant malade ou sa famille. Mais il faut se rappeler que le fragment peut renforcer, surtout», rappelle Laurie Suzor-Pleau, heureuse de pouvoir revoir ces personnes significatives dans la vie de sa fille.
En noir et blanc, pour «garder le focus sur l’essentiel», les images prises dans le vif du quotidien montrent d’abord Olivia à l’hôpital, puis à la maison. Comme quoi le «courage» et la «détermination» l’ont ramenée chez elle.
On y retient avant tout la «lumière», souligne la maman artiste. Pas le lit de soins intensifs, les solutés ou les machines médicales.
«Un fragment, un cœur brisé qui a changé notre famille. La vie d’Olivia a fait basculer la nôtre, mais nous avançons dans la lumière pour elle, avec elle et pour nous. Cette histoire se veut remplie de lumière, malgré la noirceur que nous avons traversée», écrit la photographe sur la toute dernière photo du parcours, où Olivia et ses deux frères aînés posent de dos et main dans la main.
Ne sachant pas de quoi sera fait demain, la famille d’Olivia compte avancer en se souvenant chaque matin, à la lumière du soleil, que la noirceur est derrière eux.
«L’heure la plus sombre est celle qui vient juste avant le lever du soleil», garde-t-elle en mémoire.
Le parcours sensibilisant Fragment a été mis sur pied avec le Groupe Conseil Khalil de la Financière Banque Nationale, Gestion de Patrimoine, en collaboration avec la Ville de Québec, le Service de la Culture de la Ville de Québec, le Grand Marché de Québec, ExpoCité et plusieurs artistes de la ville de Québec.