Avec son tout nouveau livre, la Montréalaise offre au public de se plonger dans la vie de Kim Delorme, une jeune femme qui souhaite devenir youtubeuse. L’écrivaine présente ainsi toutes les étapes de l’ascension de «KimChiChi» sur les réseaux sociaux, de ses débuts en tant que fille végane et athlétique à celle qui dévore des montagnes de fast-food. Son seul et unique objectif : avoir de plus en plus d’abonnés en repoussant ses limites.
Mukbang n’est pas une critique du Web ou des influenceurs, précise d’emblée Fanie Demeule. Il s’agit plutôt d’un «constat» sur ce qui se passe en ligne.
«On est dans l’ordre du portrait un peu plus grand que nature, grinçant et noirci. Mon objectif n’est pas de faire une condamnation ou un jugement de cet univers-là. C’est un simple rappel de prendre conscience de nos relations face aux réseaux sociaux et au Web. Il ne faut pas dormir au gaz et penser que tout est magnifique. Je crois qu’on doit rester vigilant», explique-t-elle, en entrevue au Soleil.
En plus d’imaginer le contenu que crée sa protagoniste sur YouTube, l’autrice montre ce qui se passe derrière la caméra : les hauts et les bas, la détermination de celle qui est «prête à tout pour réussir», la réception des commentaires – positifs ou négatifs –, la gloire éphémère, etc.
Jus verts, diètes louches, psycho pop et sites à potins peuplent également le roman qui baigne dans cette culture du Web et des réseaux sociaux, de la fin des années 1990 à aujourd’hui.
Un «roman laboratoire»
Fanie Demeule souhaitait, au départ, trouver un moyen d’informer ses lecteurs sur les récentes tendances dont elle fait mention dans Mukbang. Le code QR, un type de code-barres, semblait être la formule idéale à utiliser pour renseigner les gens sur la gargarisation à l’huile de coco, le slutshaming ou encore sur le glutamate monosodique.
Or, cette technologie est rapidement devenue, pour l’autrice, une «boîte à surprise», un moyen d’«ouvrir de petites dimensions» parallèles à son histoire principale.
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«Au finale, on se ramasse avec un paquet d’onglets qu’on ouvre à côté de notre roman et qui nous plongent dans un dédale de pages Web. Un peu comme les personnages qui se perdent dans leur relation face aux technologies», affirme l’autrice de Roux clair naturel et Déterrer les os.
Au fur et à mesure de sa lecture, le public est donc invité à scanner, à l’aide de son téléphone intelligent, les codes QR imprimés sur les pages de Mukbang afin d’être redirigé vers une vidéo, un clip de musique, un GIF, un blogue ou un article.
L’expérience crée ainsi «une immersion totale» dans le monde du Web en plus d’établir une connexion entre le public et l’œuvre, souligne Fanie Demeule.
Bien que non nécessaires à la compréhension de l’ouvrage, ils apportent toutefois une large «gamme d’émotions» et un petit «côté épicé» à l’œuvre, insiste l’autrice.
«C’est sûr que ça diffracte le lectorat, mais c’est aussi ça que je recherchais. C’est une approche qui nous remet en pleine face une habitude qu’on a parfois qui est celle de googler des choses sans cesse en lisant.»
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En plus d’expérimenter cette formule, Fanie Demeule a ajouté «de la texture» à son roman grâce à une liste de chansons qu’elle écoutait elle-même en l’écrivant. Ce type de «trame sonore», accessible via des plateformes d’écoute en ligne, permet au public de «syntoniser l’univers de Mukbang» et de s’y immerger encore plus.
De plus en plus d’auteurs et de maison d’édition créent ce genre de contenu pour accompagner leur ouvrage. Les listes comptent notamment des morceaux cités dans l’œuvre elle-même ou des pistes ayant inspiré les écrivains pendant leur rédaction.
Marier le numérique et le papier
Qui a dit que le numérique était l’ennemi du papier?
Les hyperliens, codes QR et autres pourraient compléter à l’avenir certaines œuvres, estime la responsable éditoriale chez Hamac et Tête première.
Même dans un ouvrage dont le sujet ne va pas nécessairement «de soi» comme avec Mukbang : «Je suis certaine que d’autres livres, qui abordent d’autres thématiques, peuvent tout de même tirer leur épingle du jeu. Je suis sûre qu’il y a quelque chose à faire avec ça. Non seulement dans le projet même de l’ouvrage, mais aussi dans la manière dont ça remet en question nos habitudes de lecture».