Il s’est passé quelque chose d’inédit, mardi, à l’Assemblée nationale. Les députés ont adopté à l’unanimité une résolution dans laquelle ils demandent aux juges de respecter leurs pouvoirs d’élus.
Le texte a été soumis aux partis d’opposition par le ministre Simon Jolin-Barrette. Il porte sur la partie de la décision de la Cour supérieure visant l’obligation pour les élus de l’Assemblée nationale de siéger à visage découvert. Il répond à un aspect précis du jugement prononcé la semaine dernière par le juge Marc-André Blanchard.
Voici un extrait du texte adopté à l’unanimité : «Que l’Assemblée nationale réaffirme le rôle fondamental des tribunaux et de l’Assemblée nationale dans une société démocratique; qu’elle rappelle que le principe de la séparation des pouvoirs vise à permettre à chacune des composantes de l’État de jouer son rôle en étant à l’abri de l’empiétement sur ses compétences exclusives par l’autre (…); qu’elle affirme son droit de déterminer elle-même les règles applicables dans le cadre des délibérations parlementaires, ce qui comprend le droit d’exiger que les membres y prennent part à visage découvert, sauf dans certaines circonstances particulières, notamment en raison d’un motif de santé ou d’un handicap.»
La résolution gouvernementale a été appuyée par le Parti québécois, mais aussi par le Parti libéral du Québec et par Québec solidaire.
Ces deux derniers partis ne l’ont pas appuyée à leur corps défendant. Mais ils ont pu se sentir entraînés par la situation ou estimer qu’ils n’avaient pas le choix dans le contexte actuel.
Quoi qu’il en soit, ils ont souscrit à un principe, celui de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance de ceux-ci les uns par rapport aux autres.
Il s’agit d’une petite victoire stratégique pour le gouvernement Legault. Mais probablement aussi d’un gain politique dont il voudra se servir lorsque la cause sera entendue en appel.
Profitons-en pour insister sur un élément de ladite motion : le rôle fondamental et indispensable des tribunaux dans une société démocratique. La motion ne dit pas le contraire, certes, mais il vaut la peine de le répéter afin que certains ne perdent pas de vue ce rôle aussi essentiel que fondamental.
Ce que les députés ont dit, en fait, c’est : nous avons le droit de régir les travaux parlementaires comme nous l’entendons. Et ils ont, au minimum, voulu rappeler aux tribunaux leurs pouvoirs et leurs prérogatives.
Une dynamique semblable à celle de ce mardi s’était déroulée à l’Assemblée nationale la semaine dernière. Elle concernait cette fois la partie du jugement sur les commissions scolaires anglophones, dont le personnel pourrait se soustraire à l’interdiction du port de signes religieux.
Caquistes, mais aussi libéraux et solidaires ont été unanimes à soutenir une motion du Parti québécois stipulant que «la nation québécoise peut légitimement établir ses règles de vivre-ensemble», que «tous les Québécois sont égaux devant la loi» et que «les lois adoptées par l’Assemblée nationale s’appliquent sur tout le territoire du Québec».
C’était un message politique.
Là aussi, libéraux et solidaires sont passés par-dessus leur opposition à la loi 21 pour réitérer des principes.
Scrutin proportionnel: la fin
Un tout autre sujet avant de conclure, puisque le gouvernement Legault a très officiellement déchiré, mercredi, son engagement de tenir un référendum sur un scrutin proportionnel en même temps que les prochaines élections au Québec — une consultation qui elle-même brisait une promesse électorale de la CAQ.
C’est sans surprise. Pas parce que le projet déplaisait à de nombreux caquistes, mais parce que ce gouvernement est très sensible à l’opinion publique et qu’il n’a pas senti un très gros appétit public pour ce projet depuis qu’il est au pouvoir.
Je le répète : ni les médias ni les partis d’opposition n’en ont beaucoup parlé. Encore moins depuis un an, alors que la pandémie a pris beaucoup de place. Le gouvernement a donc beau jeu d’affirmer que l’épidémie a modifié ses priorités, même si cette crise n’explique pas tout, puisque différents projets de loi sont constamment étudiés par des parlementaires.
Mais il est certain qu’il était trop tard depuis un certain temps pour aller de l’avant.
Dommage pour la ministre Sonia LeBel, qui croit sincèrement à ce projet.
Aujourd’hui, on doit surtout retenir que le gouvernement n’a senti aucune vraie pression depuis très longtemps à propos du scrutin proportionnel. Le Mouvement Démocratie Nouvelle a été bien seul dans son coin, malheureusement.
Le gouvernement Legault en a tiré des conclusions.