En 2011, la US Gypsum décide fermer son usine à Empire, Nevada, et, conséquemment la ville (le même funeste sort que Gagnon, au Québec, en 1985). Pour Fern (McDormand), la fatalité s’avère immense. Son mari Bo vient de mourir et elle perd aussi tout son réseau.
La sexagénaire investit ses économies dans l’achat d’une camionnette et part sur la route afin de trouver des emplois temporaires — à commencer par un boulot dans un centre de distribution Amazon…
Nomadland documente les aléas de ce difficile périple et les rencontres de Fern avec des personnes, contraintes comme elle ou par choix, de tirer un trait sur le métro-boulot-dodo pour épouser le nomadisme.
Farouchement indépendante, Fern refuse (poliment) toutes les mains qui lui sont tendues, même dans les moments plus difficiles. Dave (David Strathairn), qui lui ouvre pourtant son cœur, ne réussit pas à percer sa carapace.
L’idée éculée que nous perdons notre vie à la gagner prend ici tout son sens parce que Nomadland n’est pas un film à thèse. Ces nomades des temps modernes existent — Chloé Zhao a adapté l’essai Nomadland: Surviving America in the Twenty-First Century de Jessica Bruder. Et mis à part McDormand et Strathairn, tous les autres y jouent leur propre rôle (à peu de chose près).
Pour augmenter la véracité de la mise en scène, la cinéaste a opté une approche documentaire, dans la lignée de son long métrage précédent, The Rider, qui a terminé dans le top 10 de beaucoup de critiques en 2018.
Nomadland présente ainsi l’envers du décor de la Van Life, vendu comme un idéal de liberté et de vie sans contraintes à voyager. Pour Fern, il ne s’agit pas d’un choix, mais d’une nécessité. Pour paraphraser, elle n’est pas une sans-abri, mais une sans-maison...
Loin de l’esthétique léchée des pubs et des vidéos sur les réseaux sociaux, Chloé Zhao et son directeur photo Joshua James Richards ont souvent opté pour des tonalités hivernales ou nocturnes, malgré plusieurs magnifiques plans solaires des paysages sauvages de l’Arizona et du Dakota du Sud.
La cinéaste joue d’ailleurs du contraste entre ces grandes étendues, cadrées très large, et des plans rapprochés de Fern dans l’exiguïté de sa camionnette. Sa solitude est accentuée par la mélancolique trame sonore néoclassique de Ludovico Einaudi.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/F4YRZDSREFBZLL24KWF5YMAN6I.jpg)
Malgré le doigté de Chloé Zhao, ce film n’aurait pas une telle résonance sans la présence de l’exceptionnelle Frances McDormand dans le rôle-titre. Gagnante de l’Oscar pour Fargo (1996) et Trois affiches tout près d’Ebbing, Missouri (2017), elle pourrait compléter sa triple couronne, bien que la compétition soit très relevée.
Au fond, la chose importe peu : Nomadland mérite toutes ses accolades. Il faut savoir reconnaître un vrai film quand on en voit un.
Nomadland est présenté au cinéma et sur Disney +.
Au générique
Cote : ****
Titre : Nomadland
Genre : Drame
Réalisatrice : Chloé Zhao
Acteurs : Frances McDormand, David Strathairn, Charlene Swankie
Durée : 1h48