Garçon chiffon : Maudite jalousie ***

Jérémie Meyer (Nicolas Maury), jeune trentenaire angoissé dont la carrière ne décolle pas, va quitter Paris pour retrouver sa mère dans son Limousin natal.

CRITIQUE / Les cinéastes mettent beaucoup d’eux dans un premier long métrage. Encore plus s’ils s’attribuent le rôle principal comme Nicolas Maury dans Garçon chiffon — malgré que nous ne soyons pas dans l’autofiction à la J’ai tué ma mère de Dolan. La comparaison n’est pas fortuite, même si leur registre esthétique se trouve aux antipodes : il s’agit du genre de film qui provoque généralement une réaction épidermique.


Maury mène une carrière florissante au théâtre, à la télé (Dix pour cent) et au cinéma (Perdrix). Tout le contraire de Jérémie Meyer, jeune trentenaire angoissé et efféminé, qui conduit — maladroitement — le spectateur à une réunion des Jaloux anonymes. C’est pas parce qu’on rit que c’est drôle…

L’acteur entretient des doutes sur la fidélité d’Albert (Arnaud Valois). Plus son copain vétérinaire prend ses distances, plus Jérémie s’enfonce, allant même jusqu’à installer une caméra pour le surveiller.

La séparation devient inévitable et le Parisien d’adaptation va trouver refuge chez sa mère, dans le Limousin, pour se réparer et trouver un sens à sa vie. Bernadette (Nathalie Baye) va tenter du mieux qu’elle peut de l’aider.

Ce retour à la maison offre plusieurs moments burlesques, notamment avec la grand-mère démente.

Le film ressemble parfois à un jeu de pistes. Jérémie répète le rôle de Moritz dans L’éveil du printemps (1891) de Frank Wedekind, jeune homme mélancolique dans un monde hostile. Il multiplie aussi les références à Vanessa Paradis (avec qui il a joué dans Un couteau dans le cœur) — enfant, il l’imite chantant Marilyn et John devant le miroir ; adulte, il va voir Noce blanche (1989) au cinéma...

Outre la jalousie, Garçon chiffon creuse beaucoup le rapport à la mère, surprotectrice ici, peut-être parce qu’elle a mal aimé cet enfant capricieux. Dans le genre, j’avais préféré le très bon Les garçons et Guillaume, à table ! (2013), plus assumé et subtil.

Parlant de mère, Nathalie Baye, qui en jouait une dans Juste la fin du monde (2016) de Xavier Dolan, offre une prestation remarquable, aussi convaincante que touchante. Nottament dans une longue conversation où ses aveux à son fils servent de révélateur.

Bernadette (Nathalie Baye) se retrouve à prendre soin de son fils et de se mère démente.

Puisque Garçon chiffon adopte le point de vue de Jérémie, Maury prend un soin particulier à filmer Baye, avec amour. L’apprenti cinéaste se débrouille d’ailleurs plutôt bien, alliant travellings délicats à des plans-séquences bien chorégraphiés.

Autre point positif : le polissage personnages secondaires, notamment Sylvie, la réalisatrice hystérique. Laure Calamy (Antoinette dans les Cévennes) a le droit à une scène mémorable de pétage de plomb.

Soyons honnête : Jérémie ne s’avère pas particulièrement attachant, au mieux, on ressent une forme de pitié pour lui. Ce protagoniste dépressif, jaloux maladif, agace ou ravit, c’est selon.

Cet effeuillage de l’âme, où Maury incarne un personnage fragile et dépassé par ses émotions, nous est apparu trop égocentrique pour réellement atteindre sa cible. Sans parler de la fin discutable.

Garçon chiffon a tout de même obtenu le sceau de la sélection officielle Cannes 2020 et été nommé au César du meilleur premier film.

Garçon chiffon est présenté au cinéma.

(Axia Films)

Au générique

Cote : ***

Titre : Garçon chiffon

Genre : Comédie dramatique

Réalisateur : Nicolas Maury

Acteurs : Nicolas Maury, Nathalie Baye, Arnaud Valois

Durée : 1h50