Rénover le barrage Samson pour redonner la rivière Saint-Charles aux citoyens

La Ville de Québec prépare une rénovation majeure du barrage Joseph-Samson situé à l’embouchure de la rivière Saint-Charles, sous le boulevard Jean-Lesage.

La Ville de Québec prépare une rénovation majeure du barrage Joseph-Samson situé à l’embouchure de la rivière Saint-Charles, sous le boulevard Jean-Lesage. Ces travaux d’une quinzaine de millions de dollars, qui s’étireront sur plus de trois ans, seraient un prélude aux activités de canotage, de pêche et de patinage sur le segment le plus urbanisé du cours d’eau.


«Dans le cadre de son projet Rêvons nos rivières, la Ville de Québec souhaite mettre en valeur quatre rivières d’importance qui sillonnent son territoire, dont la rivière Saint-Charles», rappelle-t-on dans une étude préliminaire livrée en octobre 2019 par la firme CIMA+, mais rendue publique il y a peu. Les auteurs enchaînent : «En effet, la Ville de Québec souhaite augmenter les usages récréotouristiques, culturels et éducationnels de cette rivière dans le secteur à l’amont du barrage Joseph-Samson qui est situé à son embouchure au niveau du fleuve Saint-Laurent.»

«La Ville désire, entre autres, favoriser la pratique d’activités aquatiques en période estivale et aménager une patinoire sur la rivière en période hivernale», précisent les ingénieurs. «La Ville veut aussi favoriser le développement de la faune, de la flore et de la vie aquatique dans la rivière ainsi que limiter l’ensablement et les risques d’inondation.»

Désuet, rouillé et usé

Pour atteindre ces objectifs, il faudra cependant modifier et restaurer le barrage Joseph-Samson construit entre 1963 et 1970. Désuet, rouillé, usé, il ne permet pas une gestion automatisée efficace du niveau de l’eau et de la vitesse d’écoulement.

Avant de nous laisser naviguer et patiner sur la rivière Saint-Charles, il faudra donc mieux gérer le débit et l’accumulation de sédiments parfois contaminés en son lit. D’où les travaux annoncés au barrage Joseph-Samson, selon l’expertise consultée.

Le barrage Joseph-Samson est situé à l’embouchure de la rivière Saint-Charles, sous le boulevard Jean-Lesage.

Dispendieux

Aussi, la Ville vient d’octroyer un contrat de 1,7 million $ à une autre firme, Stantec, pour produire les plans finaux du barrage avant d’aller en appel d’offres pour les travaux.

Selon les évaluations de CIMA+, le chantier coûtera entre 13,6 millions $ et 16,4 millions $.

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TROIS SAISONS

Afin de permettre les activités récréatives sur la rivière Saint-Charles, les experts ont détaillé comment devra être géré le barrage Joseph-Samson d’une saison à l’autre:

- Hiver (1er décembre au 15 mars) : maintenir le niveau d’eau le plus stable possible malgré les marées du fleuve pour faciliter l’aménagement, par exemple, d’une patinoire sur la rivière Saint-Charles en amont du barrage;

- Printemps (15 mars au 15 mai) : profiter du débit de la crue printanière en ouvrant le barrage au maximum ce qui forcera l’évacuation des sédiments accumulés au fond vers le fleuve;

- Été et automne (15 mai au 30 novembre) : tolérer les marées, mais les réguler, pour faciliter la pratique d’activités récréatives (canotage, pêche, etc.) en amont du barrage. L’apport d’eau du fleuve aidera à améliorer la qualité de l’eau qui laisse parfois à désirer, surtout lorsque les égouts débordent dans la rivière. Car la qualité de l’eau est jugée «satisfaisante» dans le haut de la Saint-Charles, mais de «très mauvaise qualité» en aval, en ville. «Ce sont les rejets urbains qui constituent la principale source de contamination.»

Source : Rapport d’étude d’avant-projet, remplacement de la vanne de fond du barrage Joseph-Samson, 30 octobre 2019, CIMA+

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TROIS ANS ET DES CONTRAINTES

À l’origine, la Ville de Québec pensait pouvoir réaliser les travaux au barrage Joseph-Samson en 2021. Mais selon le plus récent échéancier, les plans seront peaufinés cette année, puis les ouvriers entameront leur besogne au printemps 2022. Ils devraient être sous le pont Joseph-Samson jusqu’à la fin 2025, peut-être même jusqu’en février 2026.

«Pour ce qui est du délai de 3 ans et demi, c’est qu’il n’est pas possible de travailler à l’année au barrage», explique une conseillère en communication de la Ville, Wendy Whittom. «La période où ce sera possible peut varier selon les glaces. Donc, potentiellement, les mois de novembre à avril pourraient ne pas être disponibles pour travailler.»

Elle ajoute : «La durée est suggestive, l’entrepreneur retenu aura le loisir d’organiser son horaire, et les travaux pourraient être réalisés sur une période plus courte.»

Elle souligne également que la Ville a choisi de ne pas rebâtir complètement le barrage «puisque les travaux de mise à niveau sont efficaces et plus économiques».

Le barrage Samson a été construit entre 1963 et 1970 sous le pont Joseph-Samson. Sur cette photo de 1969, on voit aussi le pont ferroviaire Sainte-Anne qui aurait été construit avant, vers 1890.

Sous le trafic

Le chantier comportera plusieurs contraintes importantes, notamment parce qu’il faudra détourner l’eau afin de réaliser les travaux au sec. Et le cours d’eau ne pourra être complètement bloqué sans risquer d’inonder la piste cyclable et des terrains en amont.

Aussi, l’accès au chantier pourrait se faire depuis le pont du dessus où passent en moyenne quelque 15 800 véhicules par jour, sans compter les piétons et cyclistes. Il devrait y avoir des entraves à la circulation.

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DE 1890 À 1983

Avant les autos et les camions, il y avait les trains. Le pont ferroviaire Sainte-Anne a été la première structure érigée à cet endroit pour enjamber la rivière Saint-Charles vers 1890.

Le pont, lui, est apparu en 1930, puis refait en 1983.

Quant au barrage de 150 mètres, il a été construit entre 1963 et 1970. Il a été modifié en 1976 afin de bloquer plus efficacement les marées hautes et les glaces.

Pour les nostalgiques de la patinoire de la rivière Saint-Charles, cliquez ici pour voir la version 1978!

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DES SÉDIMENTS JUSQU’AU PONT SCOTT

Depuis la construction du barrage Joseph-Samson, complétée en 1970, les sédiments se sont accumulés, remplissant le lit de la rivière Saint-Charles. Il y en aurait jusqu’au pont Scott, dans le secteur Vanier, lit-on dans l’étude de CIMA+.

On y rappelle que le cours d’eau a déjà été perçu comme un dépotoir par les Québécois, d’où la pollution. «Les sédiments situés dans les étages inférieurs du lit de la rivière Saint-Charles sont contaminés, notamment par des métaux lourds et des produits pétroliers.»

À l'origine, le pont Samson pouvait se lever. Cette photo a été prise en 1956. Le pont Samson a été construit en 1930. Il a été renommé pont Joseph-Samson en 1984.

Selon les auteurs, il faudra un meilleur débit au barrage pour lessiver le lit de la rivière. «Une augmentation de la capacité d’évacuation du barrage apparaît donc essentielle à l’atteinte des objectifs de transport des sédiments vers l’aval.» 

Leur recommandation : investir pour ajouter des portes dans le barrage. Ces vannes pourront être ouvertes quand on voudra évacuer le sable et une partie des souillures accumulées au fond.

La Ville n’a toutefois plus l’intention de brasser les couches inférieures de sédiments, celles qui sont le plus contaminées, indique Wendy Whittom. Une étude de l’INRS et de l’Université Laval a «permis de conclure que les enjeux de décontamination étaient trop risqués pour l’environnement par rapport aux gains présumés par l’abaissement du lit de la rivière Saint-Charles». Ces sédiments sont là depuis des décennies et influeraient peu sur la qualité de l’eau en surface.

Qualité de l’eau

Néanmoins, l’amélioration de la qualité de l’eau est essentielle à la pratique d’activités récréatives dans la portion urbanisée de la rivière Saint-Charles. Car, même si la Ville a investi beaucoup pour la renaturaliser et limiter les déversements d’eaux usées, il arrive encore que les tuyaux municipaux recrachent leur contenu contaminé dans la nature, surtout les jours pluvieux.

Voilà qui justifie l’interdit de baignade, même de navigation. Dans un ancien article du Soleil, la Société de la rivière Saint-Charles faisait valoir qu’il y trop de coliformes fécaux pour autoriser le canot et le kayak.

La Ville garde cependant espoir d’améliorer la qualité de l’eau notamment avec une meilleure gestion du barrage ainsi que par la plantation de végétaux aquatique sur les rives dénudées, note Wendy Whittom.

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ET LES POISSONS?

«La Ville de Québec examine la possibilité de mettre en place une passe migratoire à même le barrage pour permettre à certaines espèces de poissons (le grand brochet, la barbue de rivière et l’éperlan arc-en-ciel) de franchir l’ouvrage pour accéder à la rivière Saint-Charles», dixit CIMA+.

Aussi, la nation huronne-wendat a demandé à la Ville l’installation d’un passage migratoire pour les anguilles afin de réintroduire l’espèce dans la Saint-Charles.

Wendy Whittom confirme que la Ville a toujours l’intention d’aider les poissons à sauter le barrage

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JOSEPH-OCTAVE SAMSON

Joseph-Octave Samson (Saint-Isidore, 1862 - Québec, 1945) était un industriel, raconte la Commission de toponymie du Québec. «Il fut maire de Québec de 1920 à 1926, puis député libéral à l’Assemblée législative de 1927 à 1935. Il est probable qu’il fut impliqué dans le projet qui aboutit à la construction du pont Samson en 1930, lequel changea de nom pour celui de pont-tunnel Joseph-Samson en 1984, à la suite de la construction du tunnel et des travaux de modernisation du pont. Il fut aussi l’un des promoteurs des entrepôts frigorifiques pour les pêcheurs de la Gaspésie. Son fils, Wilfrid, devint député libéral de 1944 à 1948.»

La Ville de Québec publie quelques infos supplémentaires ici.