Annie Baillargeon et les amazones au temps des algorithmes

Vue de l’exposition d’Annie Baillargeon à l’Université Laval

Mixant performance, photographie et vidéo, Annie Baillargeon a toujours mis son corps en scène et le thème de la féminité — vécue et perçue — à l’avant-plan. Avec Les soins des amazones@squarefeminity, elle plonge, outils de beauté bidons à la main, dans l’angoissant algorithme de l’antivieillissement.


L’exposition s’inscrit dans la programmation soulignant les 50 ans de l’École des arts visuels de l’Université Laval.

Près de 20 ans après avoir reçu son diplôme, l’artiste prend la mesure du chemin parcouru — «Mon travail s’est défini ici, et j’ai atteint un point de maturité qui peut être intéressant pour la génération qui est formée maintenant», note-t-elle — et se permet un clin d’œil à ses années universitaires, en intégrant sa perruque blonde du collectif des Fermières obsédées à une des installations.

Le «Square feminity» du titre évoque le format d’image privilégié par la plateforme Instagram, mais aussi les attentes très rectilignes et formatées envers la femme d’aujourd’hui.

L’année de confinement a été fructueuse. Une quinzaine de montages photographiques, des scènes ritualisées composées à partir de séances photos réalisées lors de performances, sont présentés sur les murs de la Galerie des arts visuels.

Annie Baillargeon s’y met en scène dans un déferlement de vêtements, de drapés et de ruban de satin aux teintes de lilas et de rose, les préférées des fabricants d’objets pour raffermir, adoucir, illuminer et lisser l’anatomie féminine.

«C’est un questionnement sur l’aliénation qui vient avec l’antivieillissement et sur le fait qu’après la ménopause, on est considérées comme invisibles», souligne Annie Baillargeon.

Au centre de l’espace, quelques pièces de l’arsenal pour lutter contre le vieillissement disponible sur Amazon et autres GAFAM sont posées sur des socles : pince-nez, pulpeur à lèvres, raffermisseur de périnée ou de menton…

Une série de photos du visage de l’artiste, copieusement déformé par des filtres esthétisants, défile sur une tablette électronique. Au mur, une vidéo, montrant une performance où elle détourne les objets de soins (voire de sévices), joue accompagnée d’une trame sonore où des voix de tutoriels beauté sont ralenties et déformées jusqu’à devenir matière sonore.

Dans la vitrine, des paquets de viandes sont enrubannés dans des bandes soyeuses de différentes couleurs, soulignant l’uniformisation des standards de beauté sous l’apparente diversité des options de soins présentées. La viande morte — steak épais en guise de masque ou caillots étalés autour d’elle comme un rappel sanglant de l’inéluctable horloge biologique — apparaît comme un motif contrastant dans les décors de soie. 

L’exposition est présentée jusqu’au 11 avril au 155, Charest Est, Québec.

Une performance sera présentée en ligne le 26 mars à 16h. Info : www.art.ulaval.ca/galerie.

Une autre partie de ce projet à plusieurs ramifications sera présentéeà la réouverture de l’espace d’exposition de la Bande vidéo, après les travaux de réfection de Méduse.