Les derniers rejets toxiques hors normes de l’incinérateur de Québec?

Incinérateur à déchets de Québec.

C’est un classique : chaque fois que la Ville de Québec fait des tests à la sortie des cheminées de son incinérateur à déchets, le niveau de contamination dépasse les normes environnementales. Les plus récentes données en témoignent encore… Mais le problème pourrait être bientôt réglé, si l’on en croit les autorités municipales.


Serait-ce donc la dernière fois que le journaliste du Soleil écrit que l’usine où flambent nos poubelles crache trop de produits toxiques? Selon l’échantillonnage de l’automne 2020, dont les résultats ont récemment été mis en ligne, les rejets de trois des quatre fours de l’incinérateur surpassent toujours le seuil fixé par le ministère de l’Environnement pour le monoxyde de carbone. De 2 à 18 fois plus que le maximum autorisé.

Le rapport d’analyse souligne cependant que les autres poisons recherchés à la demande du ministère n’étaient pas, cette fois-ci, présents en grande quantité: «Respect des normes pour tous les autres paramètres échantillonnés (matières particulaires, acide chlorhydrique, mercure, dioxines-furannes).»

Autres tests

Sans y être contrainte, la Ville vérifie également la présence d’autres contaminants en appliquant les lignes directrices du Conseil canadien des ministres de l’Environnement. Et puis ? Les niveaux observés de chlorophénols et de chlorobenzènes ont été jusqu’à 28 fois plus élevés que la «teneur guide».

L’administration municipale se veut néanmoins rassurante. Certes, «certains des paramètres non réglementés ont présenté des concentrations supérieures aux teneurs types», convient la conseillère en communication Mireille Plamondon. Mais elle affirme que les concentrations relevées sont «non significatives sur le plan de la qualité de l’air».

+

BRÛLEURS ET ESPÉRANCE

Les plus attentifs ont remarqué plus haut qu’un des quatre fours de l’incinérateur municipal expulse moins de pollution que les trois autres. Le no 1 respecte les normes québécoises quant au taux de monoxyde de carbone rejeté dans l’air du voisinage.

C’est que la Ville y a ajouté des brûleurs au gaz naturel. Ceux-ci ont pour mission de faire grimper rapidement le thermomètre dans le four et d’atteindre des températures telles que la combustion génère moins de contaminants.

Dans sa Vision pour une saine gestion des matières résiduelles, la Ville annonçait son intention de fixer des brûleurs dans les 4 fours de l’incinérateur en 2018-2019. L’échéancier a cependant été étiré : elle vient tout juste de réaliser cet engagement.

«Les brûleurs au gaz naturel dans les trois autres fours sont maintenant installés», annonce Mireille Plamondon. «La Ville finalise actuellement les étapes d’approbation de l’Association canadienne de normalisation. La prochaine campagne d’échantillonnage prévue en juin 2021 sera la première avec les 4 fours munis de brûleurs au gaz et permettra de confirmer l’efficacité des brûleurs.»

Les autorités espèrent alors qu’elles seront en mesure de respecter les normes du ministère de l’Environnement et de suivre les recommandations du Conseil canadien des ministres de l’Environnement.

+

MAINTENIR LA PRESSION

Le Mouvement pour une ville zéro déchet regrette que les brûleurs ne soient toujours pas pleinement fonctionnels et entend maintenir la pression sur la Ville pour qu’elle réduise le recours à l’incinération.

Les derniers rejets hors normes de monoxyde de carbone confirment que ces brûleurs auraient dû être installés depuis longtemps, selon un des porte-parole du groupe militant, Jean-Yves Desgagnés. Il déplore «le laxisme de la Ville de Québec dans ce dossier».

Aussi, M. Desgagnés a déposé une plainte au ministère de l’Environnement. Il compte sur l’État pour serrer la vis.

Le chef d’équipe secteur municipal du Centre de contrôle environnemental local, Alain Bouchard, lui a répondu : «Depuis 2012, le [ministère de l’Environnement] agit de façon coercitive en imposant plusieurs sanctions administratives pécuniaires et amende pénale visant à inciter l’exploitant à prendre les mesures nécessaires afin de se conformer aux normes règlementaires.»

Le ministère a réclamé quelques dizaines de milliers de dollars à la municipalité, tel que Le Soleil le rapportait dans cet article.

Dans sa réponse écrite à la plainte, Alain Bouchard souligne cependant que l’ajout des brûleurs — ainsi que d’autres améliorations au système de filtration — devrait avoir un impact favorable. «Les campagnes d’échantillonnage à venir devraient être révélatrices quant à l’efficacité des mesures prises par l’exploitant».

Le Mouvement pour une ville zéro déchet poursuivra malgré tout ses sorties publiques pour que plus de matières soient détournées de l’incinération. Il cultive l’espoir qu’il sera éventuellement possible de fermer un, deux voire trois des fours de l’incinérateur municipal.

+

DEPUIS 1974

L’incinérateur à déchets de la Ville de Québec est entré en fonction en 1974.

Quelque 150 camions déversent quotidiennement le contenu de nos poubelles dans une immense fosse. Puis les détritus sont répartis par un opérateur dans un des 4 fours.

Bon an, mal an, entre 250 000 tonnes et 300 000 tonnes de déchets y sont réduites en cendres.

La Ville a maintes fois fait remarquer que les citoyens pourraient aider en envoyant moins de «n’importe quoi» à la poubelle. Dans les détritus, il y a beaucoup de matières qui devraient se retrouver ailleurs : des vélos, résidus de construction, tables, matelas, bombonnes de propane (qui explosent dans les fours), pneus, chauffe-eau, ampoules fluocompactes, piles, pièces de voiture… Pour que les cheminées crachent moins de poison, tout cela devrait être apporté à l’écocentre le plus près.

Boues des égouts

Des milliers de tonnes de boues provenant des égouts sont également brûlées à l’incinérateur. Ce sont les solides récupérés aux usines d’épuration des eaux usées. Dès cette année, la Ville compte cependant être en mesure de traiter les boues dans son centre de biométhanisation. Elles y seront transformées en gaz naturel et en engrais.