Serge Bouchard: le devoir de penser

Dans <em>Un café avec Marie</em>, Serge Bouchard ose plonger au plus profond de lui-même.

Un café avec Marie rassemble 70 «micro-essais» rédigés par Serge Bouchard et diffusés à l’émission de radio C’est fou sur ICI Première. Avec la poésie et la maîtrise des mots qu’on lui connaît, l’anthropologue cerne précisément, dans ce tout nouveau recueil, le monde qui l’entoure. L’éducation, la culture, la mémoire, la maladie, la vie ou encore la mort traversent ainsi doucement l’ouvrage.


Mis l’un à la suite de l’autre, les courts textes variés réfléchissent globalement sur l’humain, la société québécoise et son évolution tout en formant certaines critiques par rapport à celle-ci. Serge Bouchard déplore ainsi notre perte de mémoire collective, le savoir et la culture qui nous quittent.

Dans Un café avec Marie, dans son texte Un petit garçon dans la nuit, l’anthropologue avoue d’ailleurs craindre «l’échec de l’humanité», lorsqu’il observe nos voisins du Sud. 

«Aujourd’hui, on avance sur le plan technique, considérablement. On fait des miracles avec Internet. La révolution numérique a été extraordinaire. Mais sur le plan humain, il ne s’est rien produit qui fasse la différence entre l’humain d’aujourd’hui et l’humain d’autrefois. 

«[…] Ce qui m’a frappé avec Trump, c’était le retour du cruel, du méchant. Là-dessus, on n’a pas énormément évolué même si on fait semblant [du contraire]», explique-t-il, en entrevue au Soleil. 

Selon M. Bouchard, «l’humanité a beaucoup de travail à faire sur le plan moral», pour enfin s’établir sur «des bases de paix, de créativité et de beauté».

S’il admet que la pause forcée à laquelle la pandémie nous a soumis aurait pu être un bon moment pour s’arrêter, réfléchir et retrouver nos assises collectives, Serge Bouchard affirme toutefois qu’il est toujours le temps de changer les choses. 

«La pandémie nous donne une leçon, nous humilie, nous rappelle à l’ordre. Nous ne sommes pas invulnérables», insiste celui qui est convaincu que le Québec doit faire face à «des réformes de notre système d’éducation et de notre système de santé ainsi qu’une réforme économique».

En ce sens, Un café avec Marie intime donc aux lecteurs le «devoir de penser», de réfléchir et de créer un monde qui prône, entre autres, l’égalité et la justice. 

«Ce livre est un exercice d’humilité», affirme l’écrivain qui demeure optimiste, malgré tout.

L’amour, puis le deuil

Bien qu’Un café avec Marie porte sur de grands thèmes philosophiques, l’ouvrage baigne avant tout dans les petits bonheurs du quotidien, mais aussi dans l’amour et le deuil. Un sentiment, puis une épreuve que Serge Bouchard ne pensait pas vivre une deuxième fois. 

Dans ce 23e ouvrage qui rend hommage à Marie-Christine Lévesque, sa deuxième femme emportée le 16 juillet 2020 par un cancer, l’écrivain met sur papier la douceur de l’être aimé, son amour, leur complicité. Des souvenirs qui vont au-delà de l’intime, qui sont plutôt «des choses fondamentales», affirme l’homme.

Avec de touchants et puissants passages, dont un épilogue inédit qui témoigne de ses derniers moments auprès d’elle, celui qui étudie l’être humain depuis une cinquantaine d’années ose plonger au plus profond de lui-même et témoigne de son humanité. 

«Je n’hésite plus à parler de ma vie pour proposer l’universel. […] Sur ce chemin où nous avançons tous, il nous arrive des choses qui sont parfois agréables, mais très souvent cruelles», souligne M. Bouchard, qui partage ainsi ses épreuves et ses joies, en conservant toujours ce regard unique et fasciné qu’il a pour tout ce qui l’entoure.