Pourquoi «épidermes» si le but de l’ouvrage est d’investir le corps?
Parce que la peau est «le premier contact de notre corps avec le monde extérieur», affirme la codirectrice.
Parce que cette première couche de tissus appelle une expérience sensorielle : l’un des aspects principaux que tentent de partager les auteurs d’Épidermes avec le public, précise le codirecteur.
Selon Sophie-Anne Landry et Mattia Scarpulla, l’un des objectifs du recueil est de faire vivre aux lecteurs différentes histoires lors desquelles la trame narrative se focalise sur les personnages et l’enveloppe charnelle qu’ils habitent. D’une «manipulation physique ou psychologique» à leur «transformation» complète. Au total, quatorze voix variées et originales pratiquent l’exercice allant du simple quotidien aux limites de la réalité, de la poésie au conte.
La violence conjugale, la mort, la vieillesse, la maladie qui gruge la chaire, le sexe, l’itinérance ou encore la surdité : Épidermes passe la loupe sur différents aspects de la vie tout en gardant l’humain au cœur de sa démarche.
Pour les deux écrivains responsables du recueil, une réflexion sur la façon dont on perçoit collectivement les corps devait être intrinsèque au projet. Parce qu’il intègre, entre autres, cet aspect social dans ses recherches au doctorat et parce qu’elle fait notamment partie du Collectif les Bourrasques, qui tente de se «réapproprier la parole sur le corps […] et de remettre en question les conventions établies».
«Nous, on croit qu’il faut s’accepter pour ce qu’on est. Même si notre beauté est composée de défauts et qu’elle choque le regard des autres. Nous avons décidé d’appliquer cette idée, cette réalité [dans le recueil]. Le côté léché ou cliché de la beauté ne nous correspondait pas intimement», explique Mattia Scarpulla, qui a publié Errance, son tout premier roman, en juillet dernier.
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Pour déranger cette «société qui est pudique au niveau des cinq sens», les auteurs d’Épidermes montrent ainsi sans filtre les cicatrices, les poils, les sécrétions, les organes, les blessures, etc. Ils braquent la réalité du commun des mortels sous les néons avant de l’envelopper de sensibilité et d’humanité, précise toutefois Sophie-Anne Landry.
«Sortir des préjugés et sortir de ce qui se fait actuellement pour diversifier [les points de vue], ça fait forcément partie de ma démarche de création et de celle de Mattia», ajoute-t-elle.
Une littérature «viscérale»
Les univers littéraires des quatorze artistes qui collaborent dans Épidermes sont tous très variés. Une thématique récurrente à leur œuvre les relie toutefois entre eux : le corps. De manière différente, de près ou de loin, tous ont déjà porté un intérêt particulier pour la façon dont leurs personnages ressentent et habitent le monde qui les entoure, expliquent les codirecteurs, qui se décrivent d’ailleurs comme «une seule direction à deux têtes».
Les deux écrivains se sont ainsi entendus pour diriger avec beaucoup de respects leurs collègues tout en leur laissant une grande liberté artistique.
«Quand on écrit sur le corps, et surtout sur soi, comme l’ont fait certains auteurs, on partage quelque chose de très personnel, d’intime. Mattia et moi ne voulions surtout pas forcer chez eux un genre [littéraire] ou une voix [narrative]», souligne Sophie-Anne Landry.
Qu’on parle de performances scéniques, de rédaction ou de lecture, Mattia Scarpulla estime quant à lui que la littérature est toujours «viscérale».
Les auteurs ayant collaboré à Épidermes sont : Alain Beaulieu, Jean-Paul Beaumier, Fanie Demeule, Anne-Marie Desmeules, Natalie Fontalvo, Ariane Gélinas, Nicholas Giguère, Sophie-Anne Landry, Stéphane Ledien, Marie-Ève Muller, Anne Peyrouse, Mattia Scarpulla, Miruna Tarcau et Alex Thibodeau.