Dans l'oeil de Patrick Dom: une année sans Tournoi Pee-Wee [VIDÉO]

Le directeur général Patrick Dom replonge dans les coulisses menant à la décision d'annuler la 62e édition du Tournoi Pee-Wee de Québec.

En temps normal, le Tournoi International de Hockey Pee-Wee de Québec battrait son plein et vivrait pleinement sa 62e édition. Son directeur général, Patrick Dom a accepté de nous faire voyager dans les coulisses de celui-ci en nous transportant dans les semaines menant à la décision d’annuler le plus grand rendez-vous du genre au monde. Bienvenue dans les bureaux duTournoi Pee-Wee.


Je l’avoue, je ne passe pas une belle semaine. Normalement, on serait tous dans le jus à s’assurer du bon fonctionnement du tournoi et je n’aurais pas eu le temps de prendre une heure pour faire ce reportage. On a beau se faire à l’idée qu’une mauvaise nouvelle s’en vient, on n’est jamais préparé à cela. Encore aujourd’hui, je ne peux pas croire qu’il n’y a pas de tournoi.

Le Tournoi Pee-Wee, ce n’est pas juste ma job, c’est aussi une grosse partie de ma vie. J’y ai joué avec FIC de Québec en 1979, j’ai fait mes débuts comme bénévole en 1984, d’abord aux équipements et ensuite au transport, et j’y occupe mon poste actuel depuis 29 ans.

Sans faire un mauvais jeu de mots, nous étions sur une belle vague depuis quelques années, on avait — et on a encore — de bons projets dans nos cartons pour l’avenir. Je dis souvent en riant que même une tempête ne pouvait pas venir à bout de nous. En fait, il y avait juste la pandémie qui pouvait nous arrêter.

Si j’ai accepté de vous raconter comment nous en sommes arrivés à l’annulation de la 62e édition, c’est par respect pour les gens de Québec. Le Tournoi Pee-Wee n’est pas l’affaire d’un seul homme, il appartient à toute la population de Québec qui en a fait l’événement qu’il est devenu au fil du temps.

Sans prétention, on peut dire que le tournoi a toujours été visionnaire. Nous avons toujours été créatifs pour offrir de la nouveauté à nos spectateurs. Le gros coup de 2020 avait été la venue d’Eric Lindros. Mais même avant que le tournoi ne commence, on voyait qu’il était en train de se passer quelque chose de bizarre en Chine. Des gens tombaient, carrément. Comme nous avions des équipes du Japon et de la Corée qui s’amenaient à Québec, ça nous inquiétait un peu. On suivait ça de loin, mais on gardait un œil là-dessus sans penser que ça pouvait s’en venir chez nous.

Le 3 février 2020, j’avais demandé à la direction de la santé publique de la Capitale-Nationale ce qu’on devrait faire si un enfant, un parent, un entraîneur ou un accompagnateur développait des symptômes pendant son séjour parmi nous. Quelles mesures devait-on prendre si ça arrivait? On posait des questions, on nous disait que l’on devait être vigilant.

On va s’entendre sur une chose : à peu près tous les jeunes qui arrivent du Mexique et de Los Angeles attrapent la grippe ou développent un rhume lorsqu’ils participent au tournoi ou qu’ils reviennent d’une journée au Village Vacances Valcartier. Est-ce qu’on a eu des cas, l’an passé? Aucune idée, mais si oui, on peut dire qu’on a été chanceux. Le Tournoi s’est bien passé, mais je pense que nous avons été bénis des dieux. Notre tournoi a pris fin le 20 février, et 20 jours plus tard, le Québec était mis sur pause.

Nous avions deux clubs italiens au tournoi, et là-bas, c’était l’enfer. J’avais jasé avec une de nos responsables, elle me disait qu’en revenant dans son pays, c’est comme s’ils étaient sur une autre planète tellement il y avait des cas et que les hôpitaux débordaient.

Six mois de travail

Lorsqu’ils ont annoncé, en mars, que les Jeux olympiques de Tokyo étaient reportés en 2021, j’ai réalisé que l’édition 2021 de notre tournoi était peut-être menacée.

En avril, j’ai dit à nos employés : ne vous surprenez pas s’il n’y a pas de tournoi l’an prochain. Ben voyons, ça ne se peut pas. J’ai pensé que le virus allait disparaître, comme le SRAS, mais il y avait une réalité avec la pandémie qu’on ne pouvait effacer et ignorer, il y avait des décès.

Pour bien du monde, le Tournoi Pee-Wee, ça dure deux semaines. Mais pas pour nous, une édition, c’est six mois de travail. Avec la pandémie et les questions sans réponse qu’on avait, on s’est demandé quelle était notre date limite pour décider si on tenait ou pas le Tournoi en 2021. J’avais rencontré notre C.A. et on s’était donné jusqu’au 31 août 2020.

Pendant plusieurs semaines, je recevais des appels de partout dans le monde. Mais je ne pouvais pas rassurer personne. À ce moment-là, on n’avait pas les mêmes mesures qu’aujourd’hui. Sachant qu’une grande partie de nos revenus proviennent de la billetterie, on se demandait si les rassemblements seraient encore limités à 250 personnes en février 2021. On ne savait pas non plus si les frontières allaient encore être fermées ou s’il y aurait une quarantaine; on ignorait aussi s’il y aurait du hockey mineur et si nos familles d’accueil voudraient recevoir des jeunes d’autres pays. J’ai l’impression qu’on va se poser encore les mêmes questions au cours des prochains mois.

Finalement, on n’a pas eu à prendre la décision. Elle allait de soi, elle s’est prise toute seule.

Nous avons préparé notre communiqué de presse pour le sortir le lundi 31 août. Mais le 28, juste avant, je me suis mis sur le téléphone et les courriels pour rejoindre tous nos partenaires pour leur faire part de notre décision. On ne voulait pas qu’ils l’apprennent dans les journaux. On leur avait seulement demandé de respecter l’embargo et de garder ça pour eux jusqu’à ce qu’on le sorte officiellement.

Ça m’a touché de voir comment ils ont apprécié qu’on les avise personnellement, et ça m’a touché encore plus de les entendre dire, quand vous allez repartir, on va être là. On organise des petits événements en lien avec le tournoi, ces temps-ci, et ils sont avec nous.

Lorsqu’on a annoncé publiquement que le tournoi n’aurait pas lieu, ç’a eu l’effet d’une bombe dans la population et dans le hockey mineur. Nous, à l’interne, notre décision était prise depuis le 1er août. Comme personne ne pouvait prévoir ce qui allait arriver le lendemain, on se gardait une petite porte ouverte, au cas où.

Les gens ont compris notre décision, même s’il y en a qui m’ont traité de peureux. Je savais aussi que ça ne ferait pas l’affaire des parents dont les enfants sont nés en 2008 et dont c’était leur année de participation. Étrangement, l’annulation du tournoi n’a pas été ma décision la plus difficile à prendre. Ce que je trouve le plus dur, dans mon travail, c’est de dire à une équipe qu’elle ne peut pas y participer. S’il y a un élément que je changerais dans mon emploi, ce serait celui-là, le reste, la critique, etc., je peux vivre avec cela.

Je trouve cela triste pour les jeunes, les bénévoles, les employés, les parents et pour tout le monde qu’il n’y ait pas Tournoi Pee-Wee. Mais dans la vie, je me pose toujours la même question lorsqu’il survient quelque chose : est-ce que c’est grave ou est-ce que c’est plate?

Je pense que c’est vraiment plate que ça arrive, on va passer à travers, mais pour les hôteliers et les restaurateurs, c’est pas mal plus grave, plusieurs ont perdu leur emploi.

Pour la suite des choses, je ne suis pas du genre négatif. Je pense qu’il y aura un tournoi en 2022, bien que la prochaine date du 31 août sera encore importante. Je ne fais pas de politique, mais ça aiderait que tout le monde soit vacciné à ce moment-là… Propos recueillis par Carl Tardif



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UNE SAVEUR PLUS NORD-AMÉRICAINE EN 2022

Qu’arrivera-t-il en 2022? Cette question, on me la pose souvent. Il faudra attendre à 2023 pour que le Tournoi Pee-Wee revienne dans sa forme habituelle. Pour 2022, il pourrait avoir une saveur plus nord-américaine qu’internationale.

Si on devait prendre la décision prochainement, c’est sûr que ça n’aurait pas lieu, mais on ne sait même pas où on va en être demain avec la pandémie. J’ai beau regarder loin devant moi, je vais faire ce qu’on me dit et contrôler ce que je peux.

Patrick Dom

Une chose est sûre, je n’ai pas peur que quelqu’un profite de notre absence pour organiser un tournoi comme le nôtre, pour prendre notre place. Jamais, une telle chose ne peut pas arriver.

D’abord, il serait impossible de recréer le Tournoi Pee-Wee ailleurs qu’à Québec, il y a trop d’histoire qui y est rattaché. Gérard Bolduc et Alex Légaré ont laissé un héritage qui ne peut pas disparaître. Ils ont construit quelque chose de solide, et nous, on n’a fait que l’entretenir et l’embellir avec le temps. Les fondations sont solides et l’âme du tournoi est intouchable.

Après le 50e, on pensait que plusieurs bénévoles partiraient et nous avions une liste d’une centaine de noms pour se joindre à nous. Au total, seulement cinq sont partis, il a fallu que j’en appelle 95 pour leur dire qu’on ne pouvait pas les prendre.

Je me souviens d’un voyage personnel en Autriche. J’étais arrêté dans une station-service pour demander la direction pour me rendre à Vienne parce que j’étais perdu. La personne avait vu le logo du tournoi sur mon chandail, il avait fait venir son fils qui avait participé au tournoi, l’année précédente. Quelles sont les chances pour que ça arrive? Des anecdotes du genre, j’en ai à la tonne. Le tournoi, c’est aussi ça.

Des mois critiques

Nous sommes cinq employés au tournoi. Après l’annulation, on s’est demandé ce qu’on pouvait faire pour garder nos jobs. On a fait une liste de 177 projets et on a présenté cela au conseil d’administration. On a aussi choisi de réduire nos semaines de cinq à quatre jours. Comme tout le monde, je me suis quand même demandé ce que je ferais dans la vie si je perdais mon emploi.

Aucun employé n’est parti, mais si on en perdait seulement un, ce serait 20 % de notre équipe qui partirait. Ils font tous tellement de tâches que ce serait difficile de former quelqu’un du jour au lendemain. Présentement, on est confronté dans nos routines, on a l’habitude que nos dossiers soient réglés pour telle date pour ci, telle date pour ça. Mais s’il ne devait pas y avoir de tournoi en 2022, je pense qu’on va tous partir. Personnellement, pas sûr que je passerais une deuxième année comme ça. Pour ce qui en serait de l’avenir du tournoi, la décision ne m’appartiendrait pas.

Je me console en me disant qu’on est tous dans le bateau. Je parle à plein de gens, un peu partout dans le monde, et nos jeunes ne sont pas les seuls à ne pas pouvoir jouer, c’est la même chose en France, en Allemagne, en Autriche. En tout cas, j’espère que le prix des billets d’avion ne deviendra pas un obstacle dans l’avenir lorsqu’il sera possible de voyager.

Il n’y a pas une journée où je n’ai pas eu hâte de rentrer au bureau. J’ai longtemps refusé de l’admettre, mais je pense que c’est vrai. Ça m’a aidé à garder mon cœur d’enfant. Je parle de l’annulation du tournoi, je regarde notre vidéo, j’ai la larme à l’œil.