Selon les résultats de la dernière enquête annuelle de l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (APES), 9 % des pharmaciens sont manquants dans la région de Québec.
Sur un total de 233 postes, 20 d’entre eux n’étaient pas comblés dans les établissements de santé de la région de la Capitale-Nationale au 1er avril 2020.
Le taux provincial de pharmaciens manquants se situe à 19 %, c’est donc dire que la région de Québec s’en tire bien, mais n’est pas épargnée. La faculté de pharmacie de l’Université Laval sur son territoire représente un certain avantage, croit l’association.
L’enjeu de salaire compétitif se trouve évidemment au centre du problème.
«Il faut au moins six ans pour qu’un pharmacien dans le réseau public ait le même salaire qu’au privé. C’est notre grande difficulté d’attraction pour les jeunes. On se bat pour les mêmes ressources, on est vraiment en compétition avec le secteur privé», indique Linda Vaillant, pharmacienne et directrice générale de l’APES.
Seulement 1700 pharmaciens sur 10 000 dans la province se trouvent dans les établissements de santé. Le reste d’entre eux se tournent vers le secteur privé, qui regroupe notamment toutes les pharmacies sous différentes bannières.
«Il s’agit d’un groupe oublié de tout le monde incluant les gens au gouvernement. On n’est pas un très gros groupe, mais un groupe extrêmement crucial», soulève Mme Vaillant.
Entente gouvernementale
L'entente de travail entre les pharmaciens d’établissements et le gouvernement du Québec est venue à échéance le 31 mars 2020. De 20 % à 50 % de la rémunération des pharmaciens d’établissements repose toujours sur des mesures dites «temporaires», elles sont donc remises en question lors de chaque négociation, explique Mme Vaillant.
Lors du renouvellement de cette entente, l’APES souhaite que ces mesures soient pérennisées afin de mettre fin à l’incertitude entourant les conditions des pharmaciens en milieux publics. Cette négociation devient l’occasion d’intéresser davantage la relève à la pratique en milieux hospitaliers ou de soins de longue durée (CHSLD).
Les pharmaciens font partie intégrante des équipes de soins dans les hôpitaux. Mme Vaillant juge que le gouvernement doit mieux se soucier de leur sort.
«Il ne faut pas perdre de vue qu’un hôpital ne peut pas fonctionner sans pharmacien. Les médicaments sont au cœur des traitements. C’est la clé de la longévité actuelle», exprime-t-elle.
L’association ne demande pas plus d’argent. Les salaires actuels et mesures mises en place permettent au secteur public de bien compétitionner avec le privé.
«Il faut arrêter de craindre qu’on va nous en enlever. Il faut rendre le salaire plus stable, il va attirer davantage de candidats. Ça fait entre 10 et 15 ans que les mesures temporaires existent. Ce n’est plus temporaire!», ajoute Linda Vaillant.
De plus, le travail de pharmacien en milieux hospitaliers se veut plus complexe, étant donné les problèmes de santé variés à traiter. D’ailleurs, 80 % des membres de l’association ont un diplôme de deuxième cycle universitaire en poche. Ceux qui choisissent le public font généralement de plus longues études.
Conséquences sur le réseau
À titre d’exemple, le manque de pharmaciens dans les hôpitaux a des conséquences directes sur les temps d’attente à l’urgence.
«Si une personne âgée se présente à l’urgence, il apporte avec lui les médicaments qu’il prend. S’il y a un pharmacien à l’urgence, il va regarder et analyser les prescriptions. Il va accélérer le traitement et l’admission du patient. Ça traite les cas plus rapidement», explique Mme Vaillant.
Au Québec, une salle d’urgence sur deux ne profite pas d’un pharmacien.
Pour les CHSLD, les pharmaciens sur place peuvent assurer un suivi plus serré de la médication. Ils empêchent donc des risques d’incidents et d’accidents médicamenteux.
L’insuffisance de soins pharmaceutiques en établissement de santé engendre donc plusieurs conséquences négatives, notons aussi l’allongement de la durée moyenne des hospitalisations, une diminution de la qualité de vie des patients ainsi que des coûts supplémentaires pour le système de santé.
L'APES souhaite donc une entente claire avec le gouvernement qui assurera des salaires concurrents, afin d'attirer plus d'étudiants et éviter que la pénurie de pharmaciens en milieux publics s'aggrave.