«Je sens que j’ai été privilégié que ça se passe aussi bien», confie l’athlète natif de Sainte-Foy. «J’avais joué au hockey toute ma jeunesse. Et j’avais commencé à faire du patinage de vitesse sur le tard puisque c’est à l’âge de 15 ans que j’avais chaussé des patins à longue lame pour la première fois. J’étais peut-être un petit peu trop âgé pour aspirer un jour aux grands honneurs. Mais finalement, les choses se sont mises en place pour qu’à 25 ans, je me classe pour les Jeux et que j’en revienne avec une médaille d’or.»
C’est un peu par hasard que Drolet s’était initié au patinage de vitesse. Quelques années auparavant, ses parents avaient décidé de le retirer du hockey à la suite de l’arrivée de la mise en échec chez les pee-wee. À la suite d’une suggestion de sa tante, sa mère l’avait ensuite inscrit dans un club de patinage de vitesse.
«Le club offrait aussi du power skating. L’idée de ma mère c’était «on va lui faire faire du power skating. S’il veut jouer au hockey plus tard, il n’aura pas perdu son coup de patin.» Mais dès là première fois où j’ai essayé des patins à longue lame, j’ai aimé ça. De fil en aiguille, j’ai commencé à m’entraîner deux fois par semaine et à cheminer dans le monde du patin de vitesse. J’étais heureux dans le courte piste. J’aimais l’esprit de groupe.
«Au club Norbec, j’ai eu la possibilité de m’entraîner avec des gars comme Marc Gagnon et Frédéric Blackburn. Je suis tout de suite devenu chum avec ces gars-là. Ça m’a beaucoup motivé et inspiré de les voir performer.»
Une retraite annoncée
Avant même son départ pour Nagano, Drolet savait que ses premiers Jeux seraient aussi ses derniers. Ayant l’esprit d’entreprenariat dans les veines, il voulait de se lancer en affaires en achetant l’auberge que possédait son père. Il était clair pour lui que c’est dans ses études universitaires en administration qu’il se concentrerait dès son retour au Québec. Conscient que Nagano serait sa seule opportunité de participer aux JO, il se rendit au Japon avec la ferme intention de profiter au maximum de son expérience sans toutefois se laisser déconcentrer.
«J’ai eu un genre de lâcher prise. J’ai travaillé fort pour arriver aux Jeux prêt à 100 %. Mais pour ne pas être nerveux, je n’ai pas mis d’emphase sur mes résultats.»
Il n’y a pas de doute que l’équipe nationale s’était bien préparée pour Nagano. Drolet explique que le quatuor canadien avait commencé à travailler avec Nathalie Lambert afin d’établir l’ordre du relais dès qu’elle s’était qualifiée pour les JO. Le Fidéen ajoute qu’il a même «brassé» les choses pour que la formation quitte le Québec pendant la crise du verglas qui privait Montréal d’électricité afin d’aller s’entraîner à Calgary.
«Notre performance a été le résultat d’une bonne préparation et d’un bon esprit d’équipe, mais aussi du fait que nous sommes arrivés au Japon un peu plus relax que les autres. On le voit sur certaines photos. Avant le départ, tous les gars riaient. Mais on croyait en nos chances et on se faisait confiance. C’était «on y va et on donne tout ce que l’on a». C’est ce qui nous a permis de faire de bonnes courses au bon moment.
«On avait aussi tout fait pour ne pas nous laisser distraire par l’environnement. Si on voulait être prêt, on ne pouvait pas commencer à faire les touristes. Il ne fallait pas déroger de notre routine.»
L’ex-patineur mentionne que 1998 a été une année de rêve pour l’équipe canadienne. En plus de gagner la médaille d’or aux Jeux, le championnat du monde au relais et le championnat du monde par équipe, elle a réalisé un record mondial.
Comblé par sa médaille, l’ex-patineur l’a aussi été par l’expérience qu’il a vécue aux Jeux. Fan de sports, il a apprécié chaque moment de ses rencontres avec les Elvis Stojko, Jean-Luc Brassard, Dominick Gauthier, etc. Il a aussi croisé les joueurs de l’équipe de hockey canadienne qui, pour la première fois de l’histoire des JO étaient professionnels.
«Un moment donné alors que j’étais dans le salon de l’équipe canadienne et que je regardais un match de hockey, cinq ou six gars sont rentrés dans la pièce et sont venus s’asseoir à mes côtés. Je me suis retrouvé entre Wayne Gretzky et Joe Sakic. Je me suis dit : “je suis sur un pas pire trio”. Puis il y en a un qui s’est levé et c’est Steve Yzerman qui est venu s’asseoir. Pour moi, un jeune qui avait grandi en tripant sur le Canadien et en regardant le hockey, c’était vraiment quelque chose.»
Sa saison de patinage de vitesse terminée, Drolet se mit dans les livres afin d’obtenir son bac. Il acquit ensuite l’auberge de son père. Il indique que le temps et l’énergie demandés, son «bébé» avaient rendu sa transition entre sa carrière d’athlète et sa vie professionnelle plus facile. Il ne cache toutefois pas qu’à quelques reprises, il s’était demandé s’il n’aurait pas dû poursuivre sa carrière quelques années de plus.
«J’ai lâché alors que je commençais à être bon. Je me disais que ç’a aurait intéressant de faire un cycle olympique de plus. Mais à l’époque, quand j’avais pris ma décision, j’avais le goût de me lancer en affaires. L’autre question qui me trottait dans la tête était : “est ce que je pourrais retourner dans le patin?”. Mais j’étais tellement à 100 % dans mon projet que je n’aurais pas pu tout lâcher pour patiner.»
Drolet exploita le Manoir de Neuville pendant 14 ans. Rapidement, il se rendit compte que son bac en administration ne palliait pas son manque d’expérience dans le domaine de l’hôtellerie. Il est d’avis que de tous les défis qu’il a eus dans sa vie, son expérience en tant qu’aubergiste fut la plus difficile et la plus challengeante. Par la suite, le Fidéen renoua avec le patinage de vitesse quand Yves Hamelin, le directeur du programme courte piste à Montréal lui proposa un poste de technicien de l’équipement de l’équipe nationale.
«Comme athlète, j’étais très méticuleux en ce qui touchait mon équipement. J’avais aussi développé des façons de lire les lames et de les courber au niveau du profil qui sont demeurées même après ma carrière. Je suis donc allé travailler à Montréal. C’était un petit peu un défi. Ça faisait une quinzaine d'années que je n’étais plus dans le domaine. Il fallait que je regagne la confiance des athlètes et que je me remette à niveau. Mais ç’a quand même bien été. Je suis même allé avec aux Jeux de à Sotchi avec l’équipe.»
Nagano Skate
C’est quand il est devenu papa que Drolet a renoncé à son travail avec la formation canadienne. Il n’avait plus le goût d’être toujours parti loin de la maison. Parallèlement, sa flamme d’entrepreneur s’était rallumée. C’est quand Muncef Ouardi, du centre régional d’entraînement, lui a demandé son aide pour trouver des patins à roulettes pour l’entraînement estival de ses athlètes que Drolet s’est relancé en affaires.
«Je me suis aperçu que c’était difficile pour les patineurs de trouver de l’équipement au Québec. Alors j’ai démarré une petite entreprise pour les aider. Puis j’ai fondé Nagano Skate où j’ai impliqué Derek Campbell, Éric Bédard et Charles Hamelin. Avec cette entreprise, on ne se contente pas de juste vendre les produits qui existent. On développe et on fait manufacturer nos propres produits comme nos lignes de produits d’aiguisage avec des plaques au diamant et de petites profileuses. Aujourd’hui, nous exportons partout dans le monde. Presque toutes les équipes nationales utilisent nos plaques d’aiguisage Frank Signature de Nagano Skate. Et nous avons aussi commencé à travailler sur un projet au niveau de l’aiguisage et du profilage des patins dans le milieu du hockey.
«Nous avons aussi un volet formation pour les jeunes. Nous offrons des camps d’été. Ça nous permet de partager nos connaissances avec les jeunes et de les faire rêver un peu. C’est quelque chose que j’aime beaucoup.»
Après avoir comblé ses besoins de compétition et d’adrénaline sur les glaces des arénas, c’est sur celles du fleuve que l’ex-patineur qu'il les a nourris. Il y a environ quatre ans, il s’est joint à la légendaire équipe de canot à glace Château-Frontenac. Adepte de course à pied, il a aussi joué au dekhockey. Il explique que même s’il ne compétitionne pas au niveau olympique, il peut quand même se dépasser autant et avoir beaucoup de plaisir.
«Dernièrement, j’ai recommencé à patiner. J’ai essayé des patins clap et j’ai eu la piqûre. D’ailleurs, je suis devenu un adepte de l’anneau des Plaines. On peut vraiment dire que je suis impliqué dans le patin à tous les niveaux.»
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QUESTIONS/RÉPONSES
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Q Performance marquante?
R Ma médaille d’or au relais 5000m des Jeux olympiques de Nagano.
Q Moment clé?
R Les Universiades de Jaca, en Espagne (1995). À ce moment là, je pensais mettre fin à ma carrière. Les choses allaient un petit peu moins bien et j’avais décidé me concentrer sur mes études. À ma grande surprise, j’ai été capable de tenir tête aux meilleurs au monde et même de retourner à la maison avec une couple de médailles. Je n’en revenais pas d’être à ce niveau-là. Ce fut un moment très émotif, le plus émotif de toute ma carrière, Cette performance m’a ramené dans mon sport. Et une semaine ou deux après, j’ai fait partie de l’équipe nationale.
Q Entraîneurs marquants?
R Michel Delisle un gars de Québec qui avait déjà performé au niveau international et Nathalie Grenier. Ils m’ont permis de passer de bon athlète à un des meilleurs au monde.
Q Ce qui te manque le plus de ta carrière?
R Les voyages. J’ai toujours aimé voyager. C’est peut-être le côté que j’appréciais le plus de ma carrière. Et l’esprit de camaraderie que j’ai retrouvé un petit peu quand j’ai travaillé pour l’équipe nationale.
Q Ce dont tu ne t’ennuies pas?
R De me casser la tête avec mes lames. De toujours me demander si mon set up était correct, s’il était optimal. À la longue, c’était stressant. Quand j’ai commencé à faire de la course à pied, je me suis dit : «C’est dont bien le fun ce sport-là. Tu ne te casses pas la tête. Tu mets tes souliers et tu es certain que ça va fonctionner».
Q L’endroit que tu as visité où tu aimerais retourner?
R Je garde de très bons souvenirs de Bornio, en Italie. Frédéric Blackburn, un de mes bons amis, est justement rendu là. Il vient d’accepter un travail de coach avec l’équipe italienne. Je dirais qu’il y a de bonnes chances qu’il me voit retontir avant longtemps.
Q Idoles de jeunesse?
R C’est vraiment Frédéric Blackburn et Marc Gagnon. C’était mes idoles mais en même temps j’avais l’opportunité de pouvoir les côtoyer.
Q Dans 10 ans?
R Je me vois toujours travailler dans le domaine du patinage de vitesse avec Nagano Skate, une entreprise en santé qui sera rendue à maturité et qui aura pris sa part de marché dans l’aiguisage et du profilage des patins de hockey et des patins artistiques.
Q Regrets?
R Je n’ai pas de regrets. Je me suis souvent demandé si je n’aurais peut-être pas dû continuer de patiner quelques années de plus. Mais finalement, je ne regrette pas mon cheminement. Il m’a apporté beaucoup. C’est certain, mes années au Manoir de Neuville ont quand même été difficiles et assez stressantes. Mais je ne regrette rien.
Q Défis que tu aimerais réaliser?
R J’ai commencé à faire un peu de ski de fond dernièrement. Mon chum Jacques Anderson, qui me coach un peu là-dedans, m’a dit : «François tu devrais essayer de faire le Pentathlon des neiges à Québec». Il y a de grosses chances que je me donne ça comme défi, me taper le Pentathlon des neiges l’an prochain. J’aimerais aussi tenter de participer aux Championnats des maîtres de patinage de vitesse qui auront lieu au nouvel anneau de glace, à Québec en 2021. Ça pourrait être mes deux défis sportifs pour l’an prochain.