La transaction initiale a eu lieu peu avant juin 2016. Voyant que les chevaux n’arrivaient pas, M. Byler a contacté Réal Caissy pour ravoir son argent. Ils ont alors signé une entente appelée « commercial promissory note » dans laquelle le vendeur s’engageait à rembourser 60 000$ à l’Américain en fonction d’un horaire de paiement de 10 000$ toutes les deux semaines.
Le premier versement était prévu pour le 30 juin 2016, et il a été fait par Réal Caissy. Ce fut aussi le dernier versement. C’est ce qui a incité Urie Byler à intenter une action en justice, selon le droit civil, afin de récupérer le montant dû par Réal Caissy.
Le jour du procès, le 15 octobre 2020, l’avocat de Réal Caissy, Michel-Jacques Lacroix, aussi connu sous le nom de Michel Lacroix tout court, soumet comme défense que le recours de M. Byler est prescrit, en ce sens qu’il aurait attendu trop longtemps avant d’intenter son action en justice.
L’avocat Lacroix soumet aussi au juge Paradis que la « commercial promissory note », l’entente écrite entre les deux parties, est régie par la loi de l’État de l’Ohio et que les tribunaux québécois sont incompétents pour entendre le cas.
Dans sa décision, le juge Paradis rejette les deux arguments de la défense. Il démontre d’abord que la Cour du Québec a le droit d’entendre la cause.
Il souligne que l’accord écrit entre Réal Caissy et Urie Byler, bien qu’il opte pour les lois de l’Ohio à des fins réglementaires, ne reconnaît pas l’exclusivité des tribunaux américains en la matière, pas plus que le document prévoit qu’un litige doit être entendu aux États-Unis.
Le juge Paradis écrit aussi qu’un tribunal québécois pourrait « décliner compétence à la demande d’une partie s’il estime que les autorités d’un autre état sont en meilleure posture pour trancher le litige. La preuve doit être faite qu’il s’agit d’un cas exceptionnel d’une part, et que l’autre État est mieux placé pour régler le sort du litige ».
Or, le juge souligne que la défense n’a présenté « aucune preuve sur l’un ou l’autre de ces éléments (…) Il s’agit d’une action personnelle réclamant une somme d’argent, sans plus ».
Le lieu de résidence du défendeur Réal Caissy, le district de Bonaventure, au Québec, « milite en faveur de la thèse que les tribunaux québécois sont le forum approprié pour entendre le dossier », écrit aussi le magistrat.
De plus, le juge Paradis se range derrière l’exposé de Urie Byler et de son avocat, Samuel Lavoie, voulant que le défendeur, Réal Caissy, « ait reconnu la compétence des tribunaux québécois. Il produit une réponse, signe un échéancier, ne propose aucun moyen préliminaire, énonce ses moyens de défense et ce n’est que le matin du procès qu’il soulève l’incompétence de la Cour, soit quelques 16 mois après l’institution de la poursuite. »
Le magistrat souligne un traité de droit civil pour statuer qu’une « simple référence, dans une procédure écrite, à l’application de la loi d’un autre pays est généralement insuffisante ».
Sur le délai de prescription de trois ans, le juge Paradis est tout aussi catégorique. La seule tranche de remboursement effectué par Réal Caissy est survenue le 30 juin 2016. Les autres paiements de 10 000$, devant être faits le 15 juillet, le 30 juillet et ainsi de suite jusqu’au remboursement complet des 60 000$, ne sont jamais venus. Le point de départ du délai de prescription fut donc le 30 juin 2016.
« L’action est intentée le 27 juin 2019. Le recours n’est donc pas prescrit », établit le juge Paradis. Il n’a donc pas retenu l’argument de la défense selon lequel le point de départ se situait avant le 30 juin 2016 et qu’il était trop tard, le 27 juin 2019, pour intenter une action en justice.
La défense a choisi de ne pas faire entendre de témoin. En plus de condamner Réal Caissy, à verser 66 638,75 $ à Urie Byler, le juge Paradis lui impose aussi le paiement de l’intérêt au taux légal, plus l’indemnité additionnelle prévue au Code civil du Québec, et ce, à compter du 3 mai 2019, date de la mise en demeure envoyée par l’Américain au défendeur. Les frais de justice s’ajoutent à la facture de Réal Caissy. La somme totale de sa facture n’est pas mentionnée dans le jugement.