«Je pense que ce genre de sensation est quelque chose qui s’entretient au jour le jour», mentionne l’athlète originaire de New Richmond, en Gaspésie. «Et comme je ne pratique plus de sports extrêmes, ça me manque moins. Mais je suis d’avis que ce désir d’adrénaline demeure toujours en nous. Je faisais beaucoup de motocross quand j’étais skieur. Et je suis d’avis que si je recommençais à en faire, mon besoin d’adrénaline me pousserait à toujours aller plus vite et à prendre plus de risques. En vieillissant, je me suis demandé si le jeu en valait la chandelle.
«J’ai 36 ans et je suis travailleur autonome. Et ce qui est dangereux, c’est qu’à mon âge, le corps suit moins qu’avant. Probablement que même si mon esprit veut aller aussi vite qu’avant, le reste n’en est plus capable. Dans ma situation, puis-je prendre le risque de me blesser?»
Des risques, Bourque en prit régulièrement lors de sa carrière de skieur de vitesse. Et à quelques occasions, il perdit le pari qu’il prenait. Et c’est sans compter les caprices de Dame nature qui lui réservèrent parfois de mauvaises surprises. En descente, par exemple, le vent est le pire ennemi des skieurs. Une seule rafale peut déstabiliser un athlète alors qu’il est dans les airs ce qui complique son atterrissage qui se termine souvent en chute. Mais même s’il fut victime de trois blessures sérieuses au genou, le Gaspésien n’a pas à composer avec des séquelles de sa carrière sportive, lui qui travaille dans la construction.
«Je me considère très chanceux par rapport à tous ceux-là que je connais. Je pense qu’Éric (Guay) s’en sort très bien même s’il a eu plusieurs blessures au cours de sa carrière. Mais je connais d’autres gars victimes de grosses chutes qui doivent aujourd’hui sentir les changements de météo.»
Quatre podiums en Coupe du monde
La carrière de Bourque sur le circuit de la Coupe du monde s’échelonna de 2002 à 2010. Pendant cette période, il récolta quatre médailles, soit deux d’argent (slalom géant et super G) et deux de bronze (slalom géant). Il revendique d’ailleurs le dernier podium réalisé par un skieur canadien en slalom géant sur le circuit, un exploit qu’il a réalisé en 2007. Il prit aussi part aux Jeux olympiques de Turin où il termina quatrième au slalom géant, lui qui était premier après la première descente.
«Immédiatement après la course, j’ai ressenti de la déception. Sauf que à l’époque, j’étais quand même très jeune. En 2006, je participais à mes premiers Olympiques. Et je n’étais pas nécessairement parmi les favoris pour gagner ou même monter sur le podium. Les trois médaillés, Benny Raich, Joel Chenal et Hermann Maier, étaient plus à l’apogée de leur carrière. Avant les Jeux, je m’étais dit que je serais extrêmement heureux si j’obtenais un top 5. Là, j’étais quatrième. Ce qui fut surtout décevant, c’est la manière dont ça s’est produit.
«J’étais extrêmement nerveux parce que j’avais gagné la première manche. Et j’étais un petit peu moins décontracté. Ce n’est pas une erreur en tant que telle pendant ma course qui m’a fait perdre ma place sur le podium. C’est l’approche en général que j’ai eue pour ma descente. Dans des situations comme ça, il faut quand même que tu risques parce que les autres qui sont en arrière ne ralentiront pas. Ils seront au fond.»
C’est en 2012 que Bourque prit sa retraite. Blessé une troisième fois au même genou, il aurait pu, après une longue réhabilitation, remonter sur ses planches. Mais même si le ski demeurait sa grande passion, il décida, après avoir pesé les pour et les contre, de remiser ses skis. Trois raisons motivèrent sa décision. Une nouvelle blessure aurait pu laisser des séquelles avec lesquelles il aurait dû composer dans son après-carrière. Parallèlement, l’équipe canadienne avait dû composer, après les Jeux de Vancouver, avec une réduction importante de son budget. Résultat, les athlètes devaient payer pour être sur la formation nationale. Finalement, le Québécois aurait dû aller s’entraîner à Calgary pendant la période estivale. Il aurait donc passé 11 mois et demi par année loin de son épouse.
«Un moment donné, je me suis dit que j’avais eu une belle carrière et que je pouvais arrêter ça là. C’est certain. Je ressens toujours une petite déception de l’avoir vu se terminer prématurément et de ne pas l’avoir amenée là où je le souhaitais. Mais je pense que j’ai accompli des supers choses pour un petit gars de la Gaspésie qui, au début, skiait pour s’amuser. Ma carrière m’a permis de voyager, de vivre de belles expériences, de devenir bilingue, de me faire plein de connexions et elle m’a donné une éthique de travail qui me sert toujours aujourd’hui.»
C’est en travaillant comme entraîneur avec l’équipe de ski du Rouge et Or que Bourque a fait sa transition entre sa carrière d’athlète et sa nouvelle vie. D’abord entraîneur adjoint pendant deux ans, il occupa ensuite le poste coach en chef à la suite du départ de Vincent Lavoie. Parallèlement, il fonda son entreprise d’entretien ménager spécialisée dans le ménage des maisons ou des condos neufs avant que ceux-ci ne soient remis aux acheteurs.
Même s’il fut court, le passage de Bourque avec le Rouge et Or fut remarqué. Sous sa gouverne, Simon-Claude Toutant gagna le titre individuel masculin universitaire québécois deux fois, tandis qu’Ève Routhier fut couronnée en une occasion du côté féminin. L’ex-membre de l’équipe nationale explique qu’à la base, certains des skieurs qu’il avait dirigés avaient beaucoup de talent et qu’ils avaient eu de bonne carrière avant de se joindre au R-O.
«Ce sont des athlètes qui avaient fini leur carrière avec l’équipe nationale ou l’équipe du Québec et qui avaient dû composer avec beaucoup de pression. À la longue, c’est difficile de performer quand tu as toujours un petit peu le fusil sur la tempe, si on peut dire. Tout ce que nous avions à faire, c’était de créer un environnement pour qu’ils aient du plaisir et qu’ils étudient en même temps pour avoir de bons résultats scolaires. Je pense que c’est pratiquement normal que ces coureurs-là aient fait de super résultats en fin de carrière. Même avec moins de ski. Mon mérite, c’est peut-être que je comprenais bien leur situation parce que je l’avais vécue.
«J’ai adoré mon passage avec le Rouge et Or. Mais je pense que j’étais un meilleur coureur qu’un coach. Chose certaine, mon passage à l’UL m’a permis de faire une belle transition.»
C’est afin de s’occuper de son entreprise qui roulait à plein régime que Bourque quitta le RO. Sa conjointe travaillant dans le domaine de la construction, le couple travailla aussi sur quelques projets. Il fit notamment construire des unités d’habitation qu’il vendit ensuite. Depuis, Bourque a obtenu ses cartes de compétence de la Régie du bâtiment du Québec et il travaille comme charpentier-menuisier.
«Un métier que j’adore et qui me passionne même si c’est très difficile physiquement. Des fois, je me demande si ce n’est pas plus dur que le ski alpin. J’ai aussi commencé à travailler un peu en excavation avec un monsieur de Plessisville. C’est vraiment un domaine qui m’intéresse.»
Bourque ne le cache pas, le ski alpin n’occupe plus une grande place dans sa vie. Et quand il remet ses planches, c’est simplement pour le plaisir d’être avec des amis ou de la famille. Comme il le dit, il ne peut plus recréer ce qu’il a vécu du temps où il compétitionnait. «C’est en arrière de moi. Et ça ne me dérange pas. Je me suis recyclé dans autre chose et c’est correct.»
Passionné de chasse depuis sa tendre enfance, une activité que tous les membres de sa famille pratiquent, l’ex-skieur aime prendre du temps pour retourner dans sa Gaspésie natale afin de retrouver les siens dans le cadre d’une bonne partie de chasse.
«Ça fait 35 ans que nous allons chasser l’orignal à la même place à tous les ans. C’est un sport familial. Il y a trois ans encore, ma grand-mère venait avec nous autres dans le bois pour chasser l’orignal. J’ai initié deux de mes amis à la chasse et aujourd’hui ils font partie de la famille. J’adore chasser la sauvagine et le gros gibier. Si j’avais plus de temps, je ferais probablement tous les types de chasse. Et il n’y a rien de meilleur qu’un orignal bien bio.»
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QUESTIONS/RÉPONSES
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Q Faits marquants?
R Mes quatre podiums en Coupe du monde et ma participation aux Jeux olympiques de Turin parce que c’était mes premiers Jeux. Je me souviens de premier podium en Coupe du monde. C’était à Garmisch-Partenkirchen, dans une épreuve de super G. Et ce fut très spécial. J’étais très jeune. J’ai terminé troisième. J’ajouterais mes premiers points en Coupe du monde et mon premier top 30. Quand tu arrives à tes premières courses, c’est très impressionnant. Et tu es loin d’arriver à te qualifier. Tu finis dans le «pit» comme on dit. Quand tu réussis à percer le top 30 la première fois, c’est assez magique.
Q Performances marquantes?
R J’ai fini deux fois deuxième en slalom géant. C’était à Kranjska Gora et à Hinterstoder. J’ai aussi gagné des médailles d’or aux Championnats du monde junior.
Q Idoles de jeunesse?
R Je n’avais pas d’idoles en particulier. J’ai commencé à faire des courses à l’âge de neuf ans. Et je n’ai pas eu la culture de la compétition de ski quand j’étais jeune. C’est venu comme de fil en aiguille. D’ailleurs quand j’étais jeune, j’écoutais beaucoup les courses de Formule 1 la fin de semaine avec mon père. J’étais quand même assez multisports, mais je n’avais pas d’idole en particulier.
Q Entraîneurs marquants?
R Il y a eu plusieurs. Je pense que tous mes entraîneurs, peu importe à quel niveau, m’ont apporté quelque chose pour m’amener au niveau suivant. Je dirais d’abord Michel Roy et Jojo (Johanne) Thibeault, mes premiers coachs quand j’étais en Gaspésie. Ce sont eux qui ont parti le club alpin quand j’étais là. Et ils m’ont comme donné le goût de la compétition. S’ils n’avaient pas été là, je ne serais probablement pas arrivé à faire ce que j’ai fait. Il y a aussi Mike Sutherland, qui est décédé aujourd’hui. Il fut mon coach avec l’équipe du Québec. Il m’a apporté beaucoup. À l’époque, j’aurais pu faire l’équipe canadienne junior après ma première année sur l’équipe du Québec. Il avait discuté avec moi et il m’avait dit que j’étais jeune, que je n’avais pas terminé mon secondaire, que je devrais aller dans l’Ouest et que je ne parlais pas anglais super bien alors que l’équipe junior était pas mal anglophone à ce moment-là. Pourtant, ce n’était pas à son avantage de faire ça. Je pense que pour un coach, plus vite tes athlètes passent à un niveau supérieur et plus c’est gratifiant. Il y a finalement eu Burkhard Schaffer. Il a été mon premier coach avec l’équipe canadienne. C’est lui qui m’a amené à mes premiers podiums. Il était là vraiment pour les athlètes. Quand tu es jeune et que tu te mets à faire de bons résultats, il arrive souvent que les entraîneurs t’envoient dans la gueule du loup et te font faire beaucoup de courses en Coupe du monde. C’est l’erreur typique. Tu peux souvent brûler des athlètes parce qu’ils n’ont pas assez d’expérience pour courir autant. Et toi tu es jeune et irréfléchi et tu prends beaucoup de risques qui ne sont pas toujours calculés. Un coach doit être très intelligent dans la manière dont il gère ses athlètes dans ce genre de situation. Et c’est quelque chose que Berky faisait. Il voyait quand j’étais fatigué. Il me disait alors : «hum! je pense que tu serais bon pour une journée de congé» ou «cette course-là, on va attendre. C’est en beaucoup, tu es jeune» alors que moi j’aurais probablement continué. C’était une attitude admirable parce qu’elle est rare.
Q Ce qui te manque le plus?
R De la liberté et l’adrénaline quand je descendais. Et aussi beaucoup aussi tout l’aspect technique avec les skis et le travail que je faisais avec mon technicien. Ce sont des choses que j’aimais beaucoup aussi.
Q Ce dont tu ne t’ennuies pas?
R De voyager. Pas pantoute. Et je ne m’ennuie pas de la pression que l’équipe nationale mettait sur les athlètes.
Q Dans 10 ans?
R Je me vois encore dans le domaine de la construction et de l’excavation.
Q Rêve?
R C’est de garder la passion dans ce que je fais, peu importe le domaine. Que ça soit dans ma vie amoureuse, dans ma vie professionnelle, etc.. J’espère toujours rester passionné.