En réalité, plus de 15 % des responsables de services de garde en milieu familial reconnues ont rendu leur tablier au ministère québécois de la Famille au cours des 12 derniers mois, selon les informations obtenues par Le Soleil. Presque une sur six.
Du 1er janvier au 31 décembre 2020, 1929 responsables de services de garde en milieu familial ont mis un terme à leur reconnaissance ministérielle (15,6 %), tandis que 815 ont obtenu un nouveau permis durant la même période. Résultat : on compte maintenant 11 226 garderies en milieu familial à travers la province, contre 12 340 à pareille date l’an dernier. Diminution nette de 9 % en un an.
En gros, le double de la baisse annuelle moyenne des six années précédentes, qui s’élevait à 590 responsables de services de garde en milieu familial de moins chaque année.
Surplus de travail
«Il y a d’abord un élément qu’on ne contrôle pas, la crise de la COVID», explique le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, pour déchiffrer la baisse plus drastique cette année que par les années précédentes.
«Beaucoup de femmes ont décidé de fermer les portes de leur service de garde devant la menace de la COVID. Il faut comprendre que ces femmes-là accueillent chaque jour des petits étrangers en quelque sorte dans leur maison. Sans oublier que ces enfants viennent avec deux parents chacun avec qui la responsable du service de garde doit être en contact», dit le ministre Lacombe.
«Elles ont aussi vu leur charge de travail augmenter de façon considérable et trouvaient que ce n’était plus approprié pour elles. Puisqu’elles accueillent des enfants dans la maison, elles doivent tout désinfecter chaque jour. C’est comme si vous faisiez le ménage de votre maison chaque jour!» illustre-t-il.
Lendemains de négos
La rude négociation entre le gouvernement et les éducatrices en milieu familial pour le renouvellement de leurs conditions de travail, en 2020, a aussi laissé des traces, croit M. Lacombe.
«Les syndicats sont arrivés à la table probablement marqués par la négociation précédente avec le gouvernement libéral, où elles avaient eu seulement 2 % [d’augmentation salariale] en quatre ans. Je comprends qu’elles soient arrivées avec le couteau entre les dents pour défendre leurs membres et être sûres de ne pas se faire faire le même coup, indique-t-il.
«Mais ç’a donné une négociation où pendant des mois, ce que les Québécois ont entendu, c’est qu’être responsable de service de garde en milieu familial, c’est la pire job au Québec ou à peu près. Disons que ça n’a pas beaucoup aidé la rétention. Même si au final, on leur a accordé 12 % [d’augmentation salariale] sur quatre ans», fait valoir M. Lacombe, parlant d’une responsabilité partagée sur cet enjeu, «comme dans un couple».
Pas fermées pour autant
Mais attention : une éducatrice qui met fin à sa reconnaissance au ministère ne cesse pas nécessairement ses activités. Elle peut continuer à fonctionner sans permis, toujours à la maison, avec un service de garde non reconnu. Avenue facilitée depuis la fin 2017.
«Beaucoup de ces femmes offrant des services de garde en milieu familial décident de fermer leurs portes pour aller vers la garde non reconnue. Elles font sensiblement la même chose qu’avant, mais sans permis. Parce que c’est moins compliqué et qu’elles ont moins de paperasse à remplir. Ces places ne sont pas perdues, même si on voit une baisse dans nos reconnaissances de services de garde», constate le ministre.
Sauf que cette solution a sans doute été moins populaire en 2020 que par les années passées, selon le ministre Lacombe. Puisqu’un soutien financier gouvernemental a été octroyé aux responsables des garderies en milieu familial reconnues durant la pandémie. Lors du confinement, elles ont obtenu leur pleine subvention tout en demeurant fermées.
Plus d’enfants par garderie
Reste que pour le ministre, les services de garde non reconnus constituent un problème pour assurer la sécurité des enfants et un développement conséquent du réseau.
Il compte «apporter des correctifs» pour espérer réintégrer ces éducatrices au réseau officiel «dans l’honneur et l’enthousiasme», le ministre reprenant l’expression de l’ex-premier ministre canadien Brian Mulroney.
Alléger la bureaucratie, oui. Mais aussi offrir des incitatifs pour que les responsables en milieu familial reconnues gardent plus d’enfants. En ce moment, les trois quarts des responsables de services de garde en milieu familial accueillent au plus six enfants. Avec l’embauche d’une assistante, elles pourraient en garder jusqu’à neuf.
Le ministre voit là une occasion de créer des centaines, voire des milliers de nouvelles places.
Le quart des petits Québécois en services de garde à la petite enfance fréquentent un milieu familial, soit environ 75 000 sur 300 000.
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Au cours des sept dernières années, soit depuis 2014, le Québec aura perdu 3 responsables en services de garde en milieu familial reconnues sur 10.
Voici des statistiques fournies par le ministère de la Famille :
- Au 31 mars 2014 : 15 607 responsables en services de garde en milieu familial reconnues
- Au 31 mars 2015 : 15 262 (-345 / -2,2%)
- Au 31 mars 2016 : 14 858 (-404 / -2,6%)
- Au 31 mars 2017 : 14 159 (-699 / -4,7%)
- Au 31 mars 2018 : 13 435 (-724 / -5,1%)
- Au 31 mars 2019 : 12 779 (-656 / -4,9%)
- Au 31 mars 2020 : 12 066 (-713 / -5,6%)
- Aujourd’hui, au 31 décembre 2020 : 11 226 (-840 pour le moment / déjà -7%)
À l’aide d’une règle de trois, on peut évaluer la diminution officielle pour l’année financière se terminant le 31 mars prochain à 1120 garderies en milieu familial, le total passant sous la barre des 11 000. Avec une estimation de 10 946, c’est 30 % de moins que les 15 607 de 2014.
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Pour l’année calendaire 2020, voici la répartition régionale :
Régions / Fin de reconnaissance / Nouvelles reconnaissances / Écart net
Montérégie 606 230 -376
Estrie 170 64 -106
Montréal 132 50 -82
Capitale-Na. 121 53 -68
Chaudière-Ap. 127 68 -59
Laurentides 119 60 -59
Lanaudière 102 46 -56
Outaouais 86 36 -50
Mauricie 79 32 -47
Laval 64 19 -45
Centre-du-Québec 73 31 -42
Saguenay-Lac-St.-J. 79 43 -36
Bas-Saint-Laurent 71 41 -30
Côte-Nord 35 14 -21
Abitibi-Témisc. 39 19 -20
Gaspésie-Îles-de-la-M. 24 8 -16
Nord-du-Québec 2 1 -1