Chronique|

COVID-19 : le prochain «médicament miracle»?

SCIENCE AU QUOTIDIEN / «Au printemps dernier, j’avais lu un article qui disait qu’un médicament couramment utilisé contre les poux, l’ivermectine, était très efficace contre la COVID-19. Mais depuis, plus rien... Est-ce qu’il y a d’autres études qui ont été faites à ce sujet ?», demande Marilène Pilon, de Saint-Basile-le-Grand. Quelques autres lecteurs m’ont questionné sur ce médicament, certains le décrivant comme «LE traitement choc» contre la COVID-19. Alors voyons voir…


L’ivermectine est une molécule bien connue en médecine, habituellement utilisée comme un «antiparasitaire» pour traiter les poux, oui, mais aussi contre d’autres parasites comme des vers microscopiques à l’intérieur du corps. Elle a d’ailleurs valu le prix Nobel de médecine 2015 [https://www.nobelprize.org/uploads/2018/06/press-29.pdf] à ses découvreurs parce qu’elle a beaucoup réduit le fardeau de certaines maladies — notamment la «cécité des rivières», qui touche près de 15 millions de personnes en Afrique sub-saharienne, dont 1 million souffrent de perte de vision à des degrés divers.

Ce serait donc une excellente nouvelle si l’ivermectine, médicament bon marché et bien toléré (à doses pas trop fortes, du moins, j’y reviens tout de suite), permettait de traiter la COVID-19. Et il faut dire que l’étude à laquelle Mme Pilon réfère avait de quoi alimenter de beaux espoirs, ce qui explique sans doute le retentissement médiatique relativement grand qu’elle a connu en avril. Il s’agit des travaux d’une équipe australienne publiés dans la revue médicale Antiviral Research, dont les résultats furent a priori spectaculaires : au bout de 48 heures, dans les cultures cellulaires «traitées» avec l’invermectine, la réplication de la COVID-19 avait été drastiquement réduite, par un facteur 5000 ! Autant dire que le virus avait été anéanti, purement et simplement.

Ce n’était pas la première fois, disons-le, que l’on soupçonnait une activité antivirale à l’ivermectine. On pense qu’une fois qu’un virus a traversé la membrane d’une cellule, ce médicament nuirait à son transport jusque dans le noyau cellulaire, où il doit absolument se rendre pour être répliqué. Il est également possible que l’ivermectine se «colle» aux protéines de la COVID-19 qui lui permettent d’entrer dans nos cellules.

Il est donc tout à fait possible que ce célèbre antiparasitaire ait un effet contre le nouveau coronavirus. L’ennui, cependant, c’est que l’étude d’Antiviral Research portait sur des cultures de cellules (in vitro), et non sur des «vrais» humains — et l’histoire de la médecine est jonchée de traitements qui étaient formidablement efficaces dans des éprouvettes mais qui ne donnaient finalement rien du tout dans de vrais organismes. En outre, pour atteindre les mêmes concentrations que dans les cultures cellulaires d’Antiviral Research, il faudrait qu’un patient ingère entre 50 et 100 fois les doses habituelles d’ivermectine, avertissait au printemps l’American Journal of Tropical Medicine and Hygiene dans un éditorial appelant à la «rigueur».

Il y avait donc là une avenue potentiellement intéressante, mais il fallait procéder avec prudence. Surtout que a médecin a déjà joué dans ce film encore tout récemment. Par exemple l’hydroxychloroquine, ardemment défendue par le célèbre médecin français Didier Raoult, n’a pas tenu les promesses que certains résultats préliminaires avaient initialement fait miroiter, et on peut jusqu’à un certain point dire la même chose au sujet du remdésivir, qui a été autorisé (dans certaines circonstances) l’été dernier par Santé Canada mais dont l’efficacité a été remise en question par la suite.

Or depuis la parution en avril de l’article dont parle Mme Pilon, quelques études ont été publiées, mais dans l’ensemble, leurs résultats ne sont pas très clairs. Certaines donnent des raisons d’espérer, comme cette petite étude (72 patients) publiée en décembre dans l’International Journal of Infectious Diseases. Mais d’autres, comme celle-ci publiée dans PLoS-ONE en novembre, ne lui ont trouvé aucun avantage. Et c’est sans compter que le design de ces études n’était pas toujours très robuste non plus, ce qui embrouille encore davantage le portrait.

Dans l’ensemble, estiment les National Institutes of Health aux États-Unis dans de nouvelles lignes directrices publiées jeudi dernier, «il n’y a présentement pas assez de données pour recommander ou déconseiller l’usage de l’ivermectine contre la COVID-19. Des essais cliniques ayant la puissance statistique nécessaire, bien conçus et bien menés devront être complétés afin de fournir des orientations plus précises et basées sur des preuves.»

Et il y en a plusieurs, de ces essais cliniques sur l’ivermectine, qui sont en route, mais ils n’ont pas encore eu le temps d’accoucher de résultats. À suivre, donc.

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