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L’emblématique Empire State Building, qui domine le quartier touristique et des affaires depuis les années 30, pourrait être coiffé par deux nouvelles tours.

Le Madison Square Garden (MSG), associé depuis plus d’un demi-siècle aux Rangers et à des spectacles marquants, serait relocalisé au pied de ces tours, face au grand magasin Macy’s.

Le cas échéant, l’amphithéâtre actuel serait «vidé» de ses estrades et converti en un grand hall et de nouvelles plateformes pour la gare ferroviaire congestionnée Penn Station, qui se trouve dessous.

Ce projet a franchi une étape significative il y a quelques jours avec l’approbation de nouveaux «rendus» visuels par le comité consultatif Community Board Five.

On peut voir toutes les illustrations à newyorkyimby.com, un site d’architecture et d’urbanisme dont je ne me lasse jamais.

Il est connu que le MSG, vieillissant et un peu obsolète malgré d’importantes rénovations, sera un jour relogé.

Son permis d’occupation vient à échéance en 2023. La Ville de New York devra sans doute le renouveler, mais plus tôt que tard, le glas va sonner.

Depuis dix ans, d’autres sites de relocalisation ont aussi été envisagés.

Histoire à suivre. Les grands projets sont longs à mettre en chantier. Rien ne dit que les immeubles à venir ressembleront vraiment aux images approuvées la semaine dernière. Ces dessins aident cependant à imaginer la ville en mouvement.

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Dominer le ciel est dans l’ADN de New York, comme dans celui de Chicago, Dubai, Hong Kong, Guangzhou, Shanghai et combien d’autres. Aujourd’hui des gratte-ciel; en d’autres temps, c’était avec des pyramides ou des cathédrales.

Se rapprocher de Dieu. Au sacrifice parfois, de paysages et skylines qu’on avait fini par croire éternels tant ils ont habité nos imaginaires et souvenirs de voyage. Le paysage des villes change.

Dépouillée du World Trade Center, New York s’est donné d’autres repères. Que l’Empire State Building ne soit plus un jour le maître du midtown est dans l’ordre des choses.

Les sensibilités au patrimoine et aux paysages ne sont décidément pas les mêmes partout. On imagine le tollé si on voulait «déloger» les maîtres du Vieux-Québec, Le Price et le Château Frontenac, par des tours modernes.

Je n’ai pas lu que les New-Yorkais soient réfractaires à de nouveaux gratte-ciel sur la 34e Rue. La préoccupation de plusieurs est plus terre à terre.

Dans la ville de l’après-pandémie, les tours du centre-ville auront-elles le même attrait?

Le télétravail, l’appel des banlieues, l’essor du commerce en ligne et la crainte des transports en commun vont-ils couper les ailes aux gratte-ciel?

La question a surgi dès le début de la pandémie. À New York comme dans d’autres grandes villes du monde, dont Montréal et (un tout petit peu) Québec.

Était-ce la fin des centres-ville comme on les a connus?

La réponse est vite venue. Si les gens ont déserté les centres-ville, c’est uniquement parce qu’on les y a contraints en fermant leurs bureaux, restaurants, bars, commerces, salles de spectacles, lieux de culture et d’enseignement, etc.

Les interdits levés, les centres-ville vont retrouver leur vigueur.

L’explication tient à la fois de l’économie, de la sociologie et de la démographie. Les forces et tendances qui donnaient leur élan aux villes y sont toujours.

«Les gens ont besoin de se rencontrer et de se voir pour des échanges», expose Mario Polèse, spécialiste émérite de l’économie des villes à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).

Faire des dîners d’affaires, se regarder dans les yeux, se serrer la main. En affaires, le contact personnel est essentiel à la confiance, rappelle M. Polèse.

Les données montrent que les jeunes des startups aiment les «milieux vivants», ajoute-t-il. Ils veulent sortir le soir, aller prendre une bière, prendre un café dans un Starbuck avec leur laptop.

Ils recherchent des quartiers dynamiques et n’iront «pas dans un champ quelque part». «Cette fonction-là va rester» et c’est souvent au centre-ville qu’on la trouve.

Ce qui ne changera pas non plus, c’est la démographie. Les petits ménages, qui sont de plus en plus nombreux, vont vers les centres-ville, observe M. Polèse.

L’âge de l’entrée dans une résidence pour personnes âgées au Québec continue de reculer un peu chaque année. Cela crée de nouveaux besoins de logement, souvent dans les centres urbains.

Ce qui va changer, c’est la façon de concevoir et occuper les immeubles. Deux tendances poussent ici dans des directions contraires, observe le professeur d’administration et finance François Des Rosiers de l’Université Laval.

Le télétravail va faire baisser la demande pour les espaces à bureaux. Mais les employés voudront une meilleure qualité de vie au travail avec des espaces plus grands.

S’ajoute une «autre force», très importante aussi dit-il, qui est de réduire les coûts pour les propriétaires et grands locataires de surface à bureaux.

M. Des Rochers ne se risque pas à prédire quelle tendance va l’emporter. «Je n’ai pas de boule de cristal».

Si on fait l’hypothèse que 30 % des emplois se prêtent au télétravail et que ces employés resteront deux jours par semaine à la maison, cela pourrait réduire de 12 % les déplacements, calcule-t-il.

Mais cela ne veut pas dire que les besoins en bureaux vont baisser d’autant.

Les employés demanderont une meilleure ventilation des lieux de travail. Des espaces de travail plus grands et aérés; des aires communes plus larges. Il y aura davantage d’aires de travail partagées.

Peut-être plus d’ascenseurs, suggère Mario Polèse. Les gens ne voudront plus s’entasser comme avant dans des boîtes de sardines.

La finalité même des immeubles à bureaux sera en jeu, prédit le professeur Des Rosiers.

Le bureau pourrait devenir davantage un «endroit de socialisation» qu’un simple lieu de travail avec des postes individuels.

La tendance des dernières décennies a été «d’optimiser» les édifices à bureaux, rappelle Stéphane Dion, directeur régional de l’Institut de développement urbain (IDU), qui regroupe les grands propriétaires et acteurs immobiliers.

Le mouvement vers des espaces individuels plus petits a coïncidé avec l’essor des administrations «sans papier» nécessitant moins d’espace de rangement.

Depuis 20 ans, la superficie occupée par chaque employé a chuté de 200 à 80 pieds carrés, notait Vincent Chara, président de Groupe Mach, dans une entrevue de fin d’année au magazine Espace Québec.

La pandémie pourrait donner le signal d’un renversement de cette tendance et d’un retour vers des espaces individuels plus grands. Cela compensera, en partie du moins, pour la baisse de demande résultant du télétravail.

On pourrait assister aussi à une conversion d’immeubles à bureaux en résidentiel avec des commerces en rez-de-chaussée, imagine M. Des Rosiers.

Un des premiers signaux tangibles des changements qui s’annoncent est la signature dans la dernière année de baux plus flexibles ou de plus courte durée. Incertains de la suite, des locataires hésitent à s’engager à long terme.

La pandémie aura-t-elle permis d’amorcer un virage vers une ville plus saine, vouée au bien-être, plutôt qu’à des préoccupations d’ordre fonctionnel et économiste?

La professeure de design de l’environnement Anne-Marie Broudehoux, de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), pose l’hypothèse dans un article paru à la fin de l’automne sur le site du Réseau d’information municipale du Québec.

Des recherches, nombreuses déjà, parlent d’une reconnaissance accrue de l’importance de l’espace public pour répondre aux «besoins primaires de la population», à leur bien-être physique et psychologique.

Un remède à l’isolement, à la solitude et à l’anxiété, décrit Mme Broudehoux.

La pandémie a ainsi ravivé le plaisir des ruelles, balcons, rues piétonnes et parcs comme lieux d’échanges sociaux en période de distanciation.

«La marche à pied, un des seuls exercices accessibles à tous [sauf après 20h désormais], a permis d’échapper à l’enfermement», note-t-elle aussi.

À travers le monde, les villes ont compris l’importance de maximiser l’accès à espace public, constate la chercheuse.

J’ajouterais que la Ville de Québec en a été un très bel exemple.

On a vu beaucoup d’initiatives «créatives» et «peu coûteuses, relève Mme Broudehoux.

Et même si ce n’était pas l’intention, elle note que «la pandémie a peut-être fait une victime imprévue : la vision automobiliste de la Ville». Il y a là un beau sujet. Il faudra y revenir.

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