Le son du silence : le batteur sourd **** [VIDÉO]

Reuben (Riz Ahmed) est désespéré quand il se rend compte qu'il perd l'ouïe.

CRITIQUE / Le son du silence (Sound of Metal) début sur un long plan de Reuben (Riz Ahmed) derrière sa batterie, concentré, en sueur. Puis la guitare distorsionnée et le chant guttural de sa copine Lou (Olivia Cooke) envahissent l’écran. La décharge d’énergie entre la dépense physique et le rythme tribal procure un high au musicien. Qui va bientôt perdre sa raison d’être lorsque son ouïe disparaît soudainement…


Le premier long métrage de Darius Marder comme réalisateur se sert de ce prétexte pour raconter les difficultés d’un homme à outrepasser ses dépendances (Reuben est sobre depuis quatre ans), à accepter son sort cruel et à dépeindre avec beaucoup d’acuité le quotidien dans la communauté des sourds.

Notre batteur joue donc le soir au sein de Blackgammon, un duo métal bruitiste (on rassure les oreilles sensibles, ça ne dure pas longtemps). Mais le jour, Reuben s’entraîne et prépare des smoothies santé pour son amoureuse avant de prendre le volant de leur véhicule récréatif. Jusqu’à un matin où il n’entend pratiquement plus rien.



Sa détresse s’avère immense et il suit les phases habituelles de deuil : un déni total, puis une violente colère. De là à accepter son sort...

Lou réussit à rejoindre son parrain, qui leur conseille une communauté pour les sourds spécialisée dans le traitement des dépendances, qui accueille aussi une école pour les jeunes.

Reuben y rencontre Joe (Paul Raci). Cet ex-alcoolique qui a tout perdu — y compris l’ouïe — après son séjour au Vietnam sait bien qu’il s’agit d’abord d’une question de santé mentale. Pour retrouver son équilibre, Reuben doit donc se conformer à une cure fermée, sans contact avec Lou…

Dans cette communauté, on croit que la surdité n’est pas un handicap qui doit être réparé. L’intégration, on s’en doute, s’avère difficile, mais l’homme va trouver une paix et un bonheur qui semblent lui faire cruellement défaut. Mais Reuben n’a pas oublié Lou pour autant !



Lou (Olivia Cooke) chante et joue de la guitare en duo avec son copain Reuben.

Pour arriver à vraiment faire ressentir le trouble de celui-ci, Darius Marder et son équipe ont réalisé un travail admirable sur le son, alternant entre ce que le spectateur entend habituellement et l’audition (très diminué) de l’ex-batteur, allant même jusqu’à plonger dans le silence lors des échanges en langage signé (que l’acteur a appris pour les besoins du film).

L’image n’en devient que plus signifiante — un réel bonheur cinématographique. Le long métrage compte sur une performance (c’est le bon mot) physique et intense particulièrement saisissante de Riz Ahmed (Le rôdeur, Star Wars : Rogue One…). Une prestation attentive aussi, puisqu’il joue avec des acteurs amateurs malentendants.

Malgré quelques raccourcis, le scénario s’avère singulièrement solide, recourant aux ellipses avec fluidité. Marder avait coscénarisé le très bon Au-delà des pins (2012) avec Derek Ciafrance et celui-ci lui a rendu la pareille pour Le son du silence. C’est ce qu’on appelle une collaboration très fructueuse.

Les deux auteurs ont imaginé un dernier acte qui implique le père de Lou, joué avec aisance par Mathieu Amalric (007 Quantum), et une fin ouverte, superbe et déchirante.

Le son du silence se révèle une des plus belles surprises de 2020, aussi puissant qu’émouvant.

Le son du silence est présenté sur les plateformes du Clap et des cinéma du Parc, Moderne et du Musée.



(TVA Films)

Au générique

Cote : ****

Titre : Le son du silence

Genre : Drame

Réalisateur : Darius Marder

Acteurs : Riz Ahmed, Olivia Cooke, Paul Raci

Durée : 2h00