La comédienne Ingrid Falaise connaît ces combats. Elle en mène un contre la violence conjugale depuis plusieurs années, raconté dans son livre Le monstre, il y a cinq ans, et la série qui a suivi. Victime d’un manipulateur violent, elle s’en est sortie, mais aurait pu en mourir. Ce long cauchemar est derrière elle, mais l’a changée à jamais.
Pas surprenant que des femmes se reconnaissent en elle, lui confient leurs propres drames. Elle a choisi d’en présenter cinq dans le documentaire Guerrières, diffusé à Canal Vie mercredi à 20h. Leurs combats vous bouleverseront autant qu’ils susciteront votre admiration.
J’admets avoir été particulièrement ému par celui de Zainabou Ouedraogo, victime d’excision dans son pays d’origine, le Burkina Faso. Je vous préviens : son récit du drame, alors qu’elle n’avait que sept ans, est dur à entendre. Mais au nom de toutes ces jeunes filles et de ces femmes qu’on charcute littéralement encore aujourd’hui, il doit être entendu.
«Vous savez, ce cri que tout un quartier entend?» Avec d’autres petites filles, elle devait subir la même chose, sans comprendre ce qui lui arrivait. La femme qui lui a infligé cette souffrance a trouvé le moyen de lui faire des reproches. «Tu vas pas être une bonne femme si tu cries comme ça.» Ces mots, Zainabou ne les a jamais oubliés.
«Cette journée a tué la petite fille que j’avais en dedans de moi, que je chéris encore autant», dit-elle à une Ingrid Falaise, la gorge nouée par ce mélange de tristesse et de colère.
Zainabou vit maintenant à Sherbrooke et déplore que cette pratique barbare existe encore et toujours, même au Québec. Les statistiques n’existent pas, tout est fait dans la clandestinité. Des exciseuses entrent illégalement au pays pour exercer leur «métier».
«Les femmes excisées ont assez pleuré, crié», considère Zainabou, qui veut éviter à d’autres sa propre souffrance.
D’autres histoires mettent en lumière les failles absurdes du système, comme on en lit régulièrement dans les chroniques de ma collègue Mylène Moisan.
C’est le cas d’Annie St-Onge, dont la sœur a été tuée au Mexique par son ami de cœur. Les enfants de la victime n’ont pas droit aux prestations pour les orphelins parce que le meurtre n’a pas eu lieu sur notre territoire. Si elle avait péri dans un accident de la route, la famille aurait été indemnisée. Allez comprendre.
Nathalie Richard a donné naissance à un enfant lourdement handicapé. David, 13 ans, est lumineux, rit à la caméra, mais accuse un retard intellectuel lourd et des problèmes de digestion sévères, ce qui nécessite des soins constants tels que vous ne pouvez les imaginer.
Disposant d’une allocation d’à peine 14 000 $ par année, Nathalie Richard a créé la Fondation L’étoile de Pacho en 2013, pour soutenir les parents qui, comme elle, n’avaient plus la force de prendre soin de leur enfant.
La fille de Diane Vachon a été tuée dans un accident de voiture avec sa meilleure amie; un chauffard ivre conduisait le véhicule. Elle a consacré quatre ans de sa vie à se battre jusqu’en Cour suprême pour faire rétablir la peine initiale de six ans et demi, un jugement qui va faire jurisprudence.
Isabelle Simpson, qui a sombré dans la toxicomanie et la prostitution, doit rembourser le fisc pour des revenus qui ont été dépensés par son proxénète, pourtant arrêté et reconnu coupable. Elle se bat aujourd’hui pour sortir les femmes qui, comme elle, sont enfermées dans ce cercle de violence et de pauvreté.
Certaines histoires sont très récentes, l’équipe ayant mis la touche finale au documentaire en septembre dernier. Pour protéger ces femmes, on a pris soin de ne pas tout dire, de ne pas entrer dans ces détails qui pourraient nuire aux procédures judiciaires en cours. De toute façon, les histoires parlent d’elles-mêmes.
Ingrid Falaise, qui les rencontre séparément devant la caméra, le fait avec une humanité rare, une grande bienveillance. Elle pourrait s’écrouler devant ces femmes qu’elle rencontre tant leurs histoires sont tristes et horribles; elle les soutient au contraire, leur apporte ce sourire réconfortant, cette force tranquille. «Ce ne sont pas des victimes, elles vont au front», précise la comédienne, dont l’empathie est contagieuse.
L’équipe de N12 Productions pense déjà à d’autres guerrières et même des guerriers qui pourraient témoigner à leur tour. Parce qu’elles et ils sont plusieurs à détenir cette force insoupçonnée qui surgit quand l’humain en soi est attaqué. Parce qu’il faut que ça change.