Qui est Jules Sioui? Un «héros tragique», selon son petit-neveu. Le protagoniste principal de cet essai, qui mélange nouvelle, journal personnel, archives, BD et légendes, est le «précurseur d’un paquet de mouvements» importants chez les peuples autochtones du Canada, affirme Jocelyn Sioui après avoir interrogé des gens l’ayant connu et fait de multiples recherches.
«Il a fait de grandes choses, mais comme dans la tragédie grecque, les héros finissent souvent mal pour toute sorte de raisons. Et je pense que c’est ça, Mononk Jules. Son combat a été oublié, mais il a quand même bouleversé beaucoup de choses à son époque. […] Les pensionnats, la ségrégation… L’Histoire est sale, mais ce n’est pas parce qu’elle est sale qu’on ne doit pas la raconter», explique l’auteur, qui narre la vie de Jules de sa naissance à sa mort, ses moments de gloire comme sa déchéance.
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Dans Mononk Jules, l’écrivain décrit le personnage comme un activiste, un défenseur du nationalisme autochtone. Pas un chef, mais un homme qui s’est battu pour ses droits et ceux de son peuple toute sa vie, qui maîtrisait la Loi sur les Indiens sur le bout de ses doigts. Bien connu pour sa grève de la faim en prison, il est également le premier à avoir réuni plus de cinquante «chefs, sages et activistes autochtones». Rassemblement qui donnera naissance à l’Assemblée des Premières Nations telle qu’elle existe aujourd’hui.
L’écrivain s’est enraciné dans l’histoire de son grand-oncle afin de mieux réfléchir sur l’Histoire, celle avec un grand H. «J’ai réalisé que je pouvais raconter une partie de l’histoire du XXe siècle, l’histoire autochtone, à travers le prisme de Mononk Jules. Ça me permettait de rebondir sur sa vie à lui, mais aussi sur ce qui se passait [au pays] au même moment», explique l’auteur qui est également dramaturge, comédien et marionnettiste.
Accompagné d’archives, d’extraits de lois et de jugements, Mononk Jules survole l’histoire canadienne en incluant tous les acteurs concernés par celle-ci, de 1534 à aujourd’hui. C’est d’ailleurs l’un des messages du livre. «On doit intégrer dans notre ligne du temps les autochtones et arrêter de faire comme s’il y avait seulement eu les Anglais et les Français et à un moment donné des autochtones. Il faut retenir que cette Histoire-là a été créée à plus que deux têtes», affirme Jocelyn Sioui.
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L’arrivée de Cartier, la «Proclamation royale» de 1763, l’«Acte de Québec» de 1774, la Loi sur les Indiens (1876), la Seconde Guerre mondiale… Des événements de manuel scolaire que Jocelyn Sioui souhaitait raconter, cette fois-ci, sous un nouvel angle et sans être monotone.
«Je viens du milieu du théâtre. Mes spectacles sont toujours grand public. Je me questionne toujours sur ça : comment rendre accessible ce qui peut sembler parfois aride, souligne-t-il. J’essaie de parler aux gens pour vrai.»
En utilisant l’humour, le sarcasme, les anecdotes personnelles et différents tons, l’auteur avait envie, parfois, de certains sujets plus sombres.
Pour une histoire juste et complète
En rédigeant la vie de son grand-oncle et sur la façon dont on a collectivement écrit l’histoire canadienne, Jocelyn Sioui sentait le besoin de scruter les faits en pleine face et d’en discuter ouvertement avec ses lecteurs, sans cachotterie.
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«Il y a deux côtés à une médaille. On peut décider d’en regarder seulement un. On l’a fait beaucoup en histoire. […] Si on m’avait appris [à l’école] que Jacques Cartier avait kidnappé Donnacona et que celui-ci était mort en France, j’aurais eu une image plus juste du personnage. Ça n’empêche pas ses actes héroïques», nuance-t-il.
S’il a fait cet exercice pour le Canada et les personnalités importantes de l’époque, l’écrivain l’a également fait pour son grand-oncle qui n’est, lui aussi, pas sorti du grand périple de l’Histoire sans taches.
À la fin de Mononk Jules naît donc une nouvelle réflexion, un vaste débat de société auquel Jocelyn Sioui convie ses lecteurs : doit-on distinguer nos héros de «leurs failles impardonnables»?