Devant l’augmentation des surdoses non-mortelles dans la Capitale-Nationale pendant la crise sanitaire de la COVID-19, l’ouverture du premier service de consommation supervisée (SCS)* dans la région arrive à point.
Après presqu’une décennie de tentatives ratées pour procéder à l’ouverture d’un SCS à Québec, les services seront désormais disponibles dès février 2021, a promis le Centre intégré universitaire de santé et services sociaux (CIUSSS) de la Capitale-Nationale lors d’une conférence de presse, mercredi.
«Dans le contexte sanitaire actuel, l’ampleur des enjeux liés à la consommation, et l’augmentation recensée des surdoses confirment la nécessité d’implanter à très court terme les services à Québec», a mentionné Claudine Lemay, directrice adjointe à la direction santé mentale et dépendance au CIUSSS de la Capitale-Nationale.
«Services adaptés»
La coopérative de solidarité SABSA est devenue son partenaire à l’issue d’un appel de projets lancé au printemps dernier, notamment en raison de son emplacement «avantageux» à la jonction des quartiers Saint-Roch et Saint-Sauveur. Il avait été déterminé que le SCS devait se situer en Basse-Ville, la majorité des consommateurs étant concentrée dans ce secteur.
Ainsi, les locaux actuels de SABSA, qui accueillent déjà des personnes qui consomment de la drogue, leur offriront un «environnement sécuritaire». Sous la supervision d’infirmières et d’intervenants, ils jouiront de «services adaptés à leurs besoins».
«Ce serait un euphémisme de dire que l’année 2020 va avoir bouleversé nos habitudes […] Pour certains, cette réalité-là c’est leur quotidien. Combattre l’adversité et la détresse c’est au menu de tous les jours, pas juste en 2020. C’est une réalité qui est loin d’être agréable, mais qu’il est important de se rappeler», a souligné la directrice générale de SABSA, Amélie Bédard.
Cinq cubicules d’injection, un espace d’accueil de même qu’une salle de répit seront à leur disposition. En temps normal (lire ici sans distanciation sociale), une quinzaine d’utilisateurs pourront bénéficier en même temps des services.
«La coop SABSA a su bâtir des liens de confiance auprès des usagers grâce à son ancrage dans la communauté et à son approche de réduction des méfaits et à la qualité des soins qui y sont dispensés», a ajouté Claudine Lemay, du CIUSSS.
Conscient qu’un certain nombre de surdoses est lié à la méconnaissance de la composition de la drogue, SABSA prévoit aussi éventuellement offrir l’analyse des substances.
En plus de «sauver des vies», estiment les deux partenaires, le SCS assurera aussi une sécurité dans les espaces publics en «améliorant la qualité de vie de tous les citoyens de la communauté dans laquelle il s’implante».
Environ 500 000$ seront destinés à la réalisation de travaux et l’achat de matériel. Par la suite, on estime des dépenses «en-deçà» d’un million de dollars par année pour opérer le service. L’embauche de six personnes est prévue, dont des infirmières, des pairs-aidants et des intervenants psychosociaux.
Par ailleurs, la clinique de proximité de SABSA sera relocalisée pour laisser toute la place au nouveau service. Elle se situera sur la rue de la Couronne, à compter de la mi-janvier.
Longue saga
Depuis plusieurs années que la Ville de Québec, le Service de police de la Ville de Québec et des organismes communautaires démontrent leur appui au projet de service de consommation supervisée à Québec, au fait des problèmes de consommation de drogues dans la capitale.
Entre 2008 et 2019, en moyenne 23 décès par année ont été causés par une intoxication aux drogues, dont 50% impliquaient des opioïdes, comme le fentanyl.
Depuis 2017, on a signalé 52 surdoses non-mortelles par an dans la Capitale-Nationale et la majorité étaient survenues dans des quartiers centraux tels que la Basse-Ville, Saint-Sauveur, Vanier et Limoilou.
L’annonce de mercredi met ainsi fin à toute une saga afin de doter la région d’un service de consommation supervisée.
Il avait initialement été annoncé au printemps 2018 que le site devait ouvrir près des bretelles de l’autoroute Dufferin, à l’angle des rues Sainte-Marguerite et Monseigneur-Gauvreau. Des questions logistiques et une levée de boucliers de citoyens qui craignaient une hausse du trafic de drogue et des rencontres fréquentes avec les consommateurs l’avaient toutefois forcé à retourner à la planche à dessin.
On prévoyait par la suite la construction d’un bâtiment de deux étages sur un terrain appartenant au CIUSSS de la Capitale-Nationale non loin du parc Victoria, au coin des rues Saint-Anselme et Prince-Édouard, en 2019. Des désaccords entre la Santé publique régionale et l’organisme alors impliqué dans le projet (Point de Repères) avaient à leur tour expliqué en partie l’avortement du projet.
En 2011-2012, des données faisaient état d’une clientèle cible de 900 usagers de drogues par injection. Il n’en existe pas de plus récentes pour la région, mais la Direction régionale de santé publique estime que ce sont particulièrement ceux et celles qui n’ont pas de «lieu sécuritaire» pour consommer la drogue qui sont susceptibles de bénéficier du service.
D’autres villes au pays ont déjà des SCS, dont Montréal et Ottawa.
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* Qu’est-ce que les services de consommation supervisée (SCS)?
Ils offrent un espace sûr et propre aux personnes, qui peuvent y apporter leur propre drogue à consommer sous la supervision d'un personnel formé. Cela permet d'éviter les surdoses accidentelles et de réduire la propagation de maladies infectieuses comme le VIH. Les sites de consommation supervisée peuvent offrir divers services de réduction des méfaits fondés sur des données probantes, comme la vérification des drogues. Les sites donnent également accès à des services sociaux et de santé essentiels, notamment le traitement de la toxicomanie destiné aux personnes prêtes à recevoir ce service. Source: Gouvernement du Canada