La plupart des organismes musicaux québécois en sont encore à apprivoiser le numérique. Le produit offert par l’Opéra de Québec était assez au point. L’idée de faire brièvement introduire chacun des numéros par le comédien Jean-Sébastien Ouellette était excellente et permettait de remplacer l’absence d’applaudissements tout en initiant le public au contenu de chacun des airs. L’ajout de surtitres aurait toutefois été un plus pour l’expérience des spectateurs, surtout les plus néophytes.
Sur le plan sonore, l’équipe technique a réalisé un sans-faute. L’acoustique sèche de la salle ne gênait nullement, ce que la direction très liée de Jean-Marie Zeitouni et la sonorité pleine de l’orchestre ont sans doute grandement facilité.
Les trois femmes du gala remportent toutes les palmes. On ne pouvait imaginer mieux que la soprano Karina Gauvin pour chanter le «Dove sono» des Noces de Figaro. Là, comme dans l’«Air de Lia» de l’Enfant prodigue de Debussy, la voix émeut par son timbre d’un velours capiteux et l’abandon total de la chanteuse.
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La voix de la soprano Hélène Guilmette alliait pour sa part la rondeur à la jeunesse. Le contrôle du souffle dans l’air «Deh vieni, non tardar» des Noces tenait de l’exploit. L’artiste mordait à pleines dents dans la langue italienne comme en un fruit juteux. Le célèbre «Air des bijoux» de Faust de Gounod était du même acabit, avec des cascades vocales aussi claires que le cristal.
La contralto Marie-Nicole Lemieux avait quant à elle opté pour un répertoire uniquement romantique, avec l’air «Condotta ell’era in ceppi» du Trouvère de Verdi et «Mon cœur s’ouvre à ta voix» de Samson et Dalila de Saint-Saëns. Si elle ravit dans le premier pour son implication vocale et dramatique, elle bouleverse dans le second par son raffinement (ah les descentes chromatiques legato!).
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Du côté des hommes, le bilan est moins reluisant. Le baryton et directeur artistique de l’Opéra Jean-François Lapointe réussit assez bien son «Avant de quitter ces lieu » de Faust, malgré des sol aigus quelque peu poussés, mais le «Di Provenza il mar» de la Traviata manque quelque peu de legato, le son peinant à rester accroché dans le masque.
Le ténor Éric Laporte, qui s’était fait avantageusement remarquer dans le Vaisseau fantôme de Wagner l’an dernier, nous a semblé extrêmement nerveux. Dans les trois hits qui lui étaient réservés (le «E lucevan le stelle» de Tosca, le «Nessun dorma» de Turandot, tous deux de Puccini, et «Pourquoi me réveiller?» de Werther de Massenet), le son du chanteur manquait singulièrement de rondeur, avec des voyelles trop claires, un déficit de legato et des aigus assez pénibles. Dommage que son confrère Frédéric Antoun, qui devait initialement participer au gala, n’a pu finalement en être.
Nous ne savons pas trop quoi penser du baryton Philippe Sly. Dans ses deux numéros, «Non più andrai» des Noces de Figaro et «Vous qui faites l’endormie» de Faust, il a incarné de manière très originale les personnages de Figaro et de Méphistophélès. Le grave et le médium de la voix sont magnifiques. Mais pourquoi ces aigus constamment chantés en voix blanche et ces ports de voix et glissandos d’un goût passablement douteux?
L’Orchestre symphonique de Québec, placé sous la direction de Jean-Marie Zeitouni, a offert un accompagnement de choix aux chanteurs, passant comme un caméléon de Mozart à Verdi. Les deux extraits orchestraux, les ouvertures des Noces de Figaro et de l’Étoile de Chabrier, ont été interprétés avec présence et de multiples couleurs.
Celles et ceux qui auraient manqué le gala numérique de l’Opéra de Québec pourront le retrouver sur le site de l’Opéra de Québec.