Je l’avoue: j’ai eu un pincement au cœur en entrant Chez Biceps BBQ il y a une quinzaine de jours. Voir les chaises empilées dans la salle à manger vide avait quelque chose de triste, malgré les guirlandes de lumières qui faisaient leur possible pour égayer la place. Ce resto, pour moi, est synonyme de party — certains de mes souvenirs de soupers là-bas sont d’ailleurs flous, mais je me rappelle qu’une amie y a déjà pris le contrôle de la sélection musicale et que notre gang avait dansé et chanté de façon ironique sur Souvent longtemps énormément de Diane Tell en buvant des shooters bourbon-bacon. C’est ce genre d’endroit. Normalement.

Malgré la pandémie et tout ce qui vient avec, le chef propriétaire Vincent Chatigny n’a pas éteint son fumoir texan au bois d’érable : il offre ses spécialités barbecue typiques du sud des États-Unis sous vide et congelées, pour emporter. (Après, il ne tient qu’à nous de reproduire l’ambiance de fête à la maison.) 

L’employé qui nous accueille, David et moi, est si enthousiaste lorsqu’il nous décrit le contenu du gigantesque congélateur-tombeau qu’on repart de là en ayant des repas pour la semaine, ou presque  — ne vous fiez pas au montant indiqué en fin de texte, il est beaucoup plus élevé que ce qu’il vous en coûtera pour un souper régulier pour deux.

Envie de fumé

En voulez-vous des grillades fumées, en v’là : ribs St-Louis, ribs coréens et brisket (poitrine de bœuf). On passe les sacs sous le robinet pour décongeler, puis on les plonge dans l’eau bouillante une dizaine de minutes. Pendant que ça chauffe, on déballe le beau morceau de saumon qui fera office d’entrée. Il a d’abord été mariné comme un gravlax, puis fumé à froid. L’étiquette indique qu’on peut le griller ou le poêler, mais nous le mangeons tel quel, coupé en tranches minces, avec un filet d’huile d’olive et quelques câpres. Saveur fumée subtile, texture tendre : c’est bon.

Seul mets qui nécessite un brin de préparation — et qui appartient au groupe alimentaire des légumes —, la poêlée de champignons doit être réchauffée… à la poêle. Je lui ajoute une touche de crème; elle en contient déjà, ainsi que du vin blanc, mais le foie gras habituel a été abandonné, car le résultat n’était pas aussi satisfaisant qu’en salle. Hop dans l’assiette, pleurotes, King Oyster, pieds de mouton et chanterelles, aux côtés de leurs acolytes viandeux qui, alignés côte à côté, composent un plat digne des Pierrafeu.

On craque pour la brisket, qui se défait d’un simple frôlement de fourchette. Marié au goût du bœuf, à la saveur fumée et aux épices, le café moulu contenu dans la saumure sèche apporte un petit quelque chose de magique. Les ribs coréens resteront eux aussi longtemps gravés dans notre mémoire sensorielle. Ces travers de bœuf coupés transversalement sont nappés d’une délicieuse sauce tirant sur le sucré, à base de jus de cuisson, sauce soya, ail et sauce hoisin. Même si elles jouent dans les ligues majeures, les côtes levées St-Louis nous emballent moins. Peut-être parce que nous n’avons pas eu la laque bière et sirop d’érable qui devait les accompagner?

Plutôt que des cocktails au bacon, c’est un excellent rouge portugais, acheté sur place, que nous buvons. Le côté poivré de ce Sensato Colheita (Quinta do Arrobe) en fait un compagnon de choix pour les saveurs fumées.

Coup de grâce au dessert avec un gâteau aux carottes aussi mémorable que la célèbre tarte au citron de Chez Biceps — décidément, le sucré est une autre de leurs forces. Moelleux et généreux en crémage fromagé, ce dessert se démarque surtout par sa sauce au caramel et whisky dans laquelle a été infusé du tabac. Tout ça mis ensemble dans votre bouche, avec un morceau de pacane pralinée, c’est plus que du bonheur. Dans un élan presque tragique, David s’exclamera d’ailleurs en léchant sa cuillère : «J’aurais voulu que ça ne finisse jamais».

Il ne sera pas exaucé pour le gâteau, mais pour les repas viandeux, oui : poulet effiloché, spare ribs et une excellente sauce à spaghetti à la poitrine de bœuf fumée prolongeront le plaisir tout au long de la semaine.

+

Chez Biceps BBQ

• Mets à réchauffer pour emporter du jeudi au samedi de 12h à 18h
• Pas de commandes, on se présente sur place au 5151, boul. Henri-Bourassa
• Coût de l’addition pour un énorme repas pour deux ayant généré beaucoup de restes, avant taxes, pourboire et alcool : 111,25 $