Facile, par exemple, de passer devant une de ses œuvres miroirs (en 2018 à la Galerie 3) en ne voyant pas que les motifs qui ornent la surface réfléchissante sont faits à partir des logos des plus gros empires commerciaux de la planète. Ou de confondre un gros cube blanc en verre dépoli (Mythe et évidence, en 2017 à Manif d’art) avec un banc de neige, sans voir qu’il contient une licorne.
S’il n’y avait pas eu de pandémie et de confinement, l’artiste du Saguenay aurait eu un printemps et un été bien remplis côté expositions et aurait passé une partie de l’automne en Allemagne. Mais les expositions ont été reportées, si bien que ses œuvres seront présentées en même temps au centre Bang à Chicoutimi, à la Galerie 3 à Québec et à Place Ville-Marie à Montréal, dans le cadre d’Art souterrain, puis dès la fin novembre au Musée d’art contemporain de Baie-Saint-Paul.
Au cœur de cette marée d’activités de diffusion, une résidence de quelques semaines à La chambre blanche lui permet de poursuivre ses explorations. Lors de notre passage la semaine dernière, une série de 21 aquarelles intitulée Étude de nuages attendait déjà bien sagement dans des cadres tout neufs. À partir de photographies couleur, qu’il prend avec son téléphone ou qu’il trouve sur le Web, Mathieu Valade se fait «l’interprète de la basse résolution», note-t-il.
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Son cerveau et sa main décomposent l’image en pixels de couleurs, comme pourrait le faire, bien plus rapidement, un logiciel comme Photoshop. Sauf que «l’ordinateur ajoute des lignes pour qu’on comprenne mieux l’objet qui est dans l’image», alors que l’humain, faillible, produit des erreurs beaucoup plus intéressantes. Placées dans l’ordre où il les a réalisées, les images de nuages blancs et de ciel bleu créent une galerie, une séquence, une expérience, une partition, dont les délicates imperfections émeuvent étrangement celui qui s’y plonge.
C’est plutôt un grand souffle qui nous emporte devant l’image des arbres qui dansent sur les deux gros panneaux fournis par Enseignes ESM, une entreprise de Jonquière qui a notamment produit tous les panneaux signalétiques de l’aéroport international Jean-Lesage. De près, on voit les petits points bleu, rouge et vert qui composent chaque pixel lumineux. On entend la machine vrombir, on prend conscience de la masse des boîtes, presque des monolithes, et du contraste avec l’élément de paysage qui s’y déchaîne, ces verts feuillus qui s’ébrouent avec vigueur. Lentement, un mouvement de travelling nous fait entrer dans ce diptyque. Le motif de feuilles au vent donne l’impression que le panneau scintille et notre œil se promène fébrilement dans les pigments lumineux.
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«C’est de la vidéo qui se présente comme un tableau, explique Mathieu Valade. C’est fragile, parce que pour que ça fonctionne, il ne doit pas y avoir d’événement ou de narration dans la vidéo. Ça doit être assez plastique, contemplatif, sans que ça devienne un screen saver, non plus.» Logée entre le sublime et le pittoresque, cette vidéo (Dans la forêt) se veut une nouvelle sorte de paysage romantique.
Une œuvre en construction est constituée de deux télévisions, tournées à 90 degrés et placées l’une au-dessus de l’autre. Sur celle du haut, des nuages gonflent sur un ciel sombre et sur celle du bas, on dirait que ceux-ci se reflètent dans l’eau. «Il manque de petits sapins, pour marquer l’effet de réflexion, et je me demande si je ne vais pas acheter des éléments de maquette (de petits arbres en trois dimensions) qui seraient collés sur le cadre du téléviseur», réfléchit à haute voix Mathieu Valade, à la recherche de la petite distorsion qui donnera un sens à sa nouvelle expérience.
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Si la nature est au cœur de Paysages par points, qui s’amorce cette fin de semaine (sur rendez-vous) à la Galerie 3, l’artiste n’a pourtant pas complètement délaissé son jeu avec les logos emblématiques du consumérisme. À la manière d’une tapisserie baroque, il a agencé les symboles de Lacoste, Honda, Playboy, MacDonald’s et autres sur un tissu rouge foncé. Il l’a fait encadrer avec un défaut, volontaire, qui devrait là encore semer le doute dans l’esprit du regardeur. Le tissu, d’abord bien tendu, se plisse progressivement dans le cadre, comme une feuille prise dans une imprimante, ou comme une réalité qui se froisse.
À voir jusqu’au 15 novembre au 247, rue Saint-Vallier Est, Québec. Info : www.lagalerie3.com