Avant le crash
La télésérie de dix épisodes, écrite par Éric Bruneau et Kim Lévesque-Lizotte, a constitué l’une des belles surprises de la saison automnale d’ICI Télé. Les hauts et les bas professionnels et sentimentaux d’un groupe de jeunes professionnels de la haute finance a littéralement captivé l’auditoire.
À des degrés divers, les ambitieux personnages interprétés par Éric Bruneau, Karine Vanasse, Émile Proux-Cloutier et Mani Soleymanlou ont fini par perdre leur âme à trop chercher la fortune et la reconnaissance. Impeccable à tous les niveaux, que ce soit dans sa distribution, ses dialogues et sa réalisation soignée (fruit du travail de Stéphane Lapointe), Avant le crash a judicieusement su respirer l’air du temps et surfer sur des thèmes d’actualité, comme le harcèlement sexuel, le mouvement #MoiAussi, la cupidité comme moteur de vie et l’appât du gain facile.
À voir sur Tou.tv
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The Crown, saison 5
Les fans de monarchie britannique ne seront pas déçus par la cinquième saison de The Crown (diffusée sur Netflix) qui s’intéresse aux années 90 au sein de la famille royale, alors qu’une reine Élisabeth II vieillissante (excellente Imelda Staunton) traverse le plus dur moment de son règne et que le mariage de Lady Di (émouvante Elizabeth Debicki) et du prince Charles (Dominic West) se dirige droit dans le mur.
L’année 1992, baptisée l’annus horribilis par la souveraine elle-même, sera aussi celle de l’incendie du château de Windsor.
L’affrontement entre Charles et Lady Di, qui fait la joie de la presse à scandales, occupe une place prépondérante dans cette nouvelle mouture. Le conte de fées s’est transformé en cauchemar, l’inconsolable princesse de Galles étant incapable de trouver sa place dans ce qu’on appelle le Système.
Réalisation ultra soignée, décors majestueux, montage de main de maître, sans oublier une distribution cinq étoiles avec de nouvelles figures qui font oublier les précédentes, comme si on avait cru la chose possible, autant d’éléments qui permettent de couronner The Crown 5 comme la télésérie reine de cette fin d’année.
Ce cinquième opus, encore une fois signé Peter Morgan, compte parmi ce qui se fait de mieux en télé actuellement, toutes plateformes confondues.
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LE PATIENT
Un thérapeute troublé, un tueur en série souhaitant se soigner. Une chaîne à la cheville et nous voilà devant une thérapie forcée. Avec la série Le patient diffusée sur Disney +, le souvent comique Steve Carell plonge dans un suspense psychologique captivant.
Récemment endeuillé par la mort de sa femme, troublé par ses relations avec son fils et les convictions religieuses orthodoxes de ce dernier, le thérapeute n’est pas au sommet de sa forme quand il commence à traiter Sam (Domhnall Gleeson), un jeune traumatisé par la brutalité de son père.
Les séances ne menant pas à grand-chose, le patient prendra les choses en main en séquestrant son psy. Il révélera dans la foulée sa vraie nature de tueur en série.
Dans cet intense huis clos, la thérapie a besoin d’avancer rapidement avant que le meurtrier ne récidive une nouvelle fois. En tant qu’otage enchaîné au sous-sol, le psy a des raisons de s’inquiéter...
Dans un relevé duel d’acteurs, Steve Carell campe avec une retenue très efficace un personnage qui aurait toutes les raisons de paniquer, mais qui se plonge dans une bouillante introspection.
La critique de la série est ici.
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SHE-HULK, AVOCATE
L’univers cinématographique et télévisuel de Marvel s’élargit encore un peu avec la série She-Hulk Avocate, sur Disney+.
Comme son nom l’indique, cette héroïne née dans les BD des années 80, fait partie de la famille de Bruce Banner, alias Hulk, qui se transforme un gros monstre vert quand il est contrarié.
Contaminée par le sang de son cousin, l’ambitieuse avocate Jen (Tatiana Maslany) subira la même transformation, mais sans perdre le Nord ni sa personnalité.
De quoi voir s’ouvrir devant elle une nouvelle carrière juridique, dans laquelle elle sera appelée à défendre ceux qui, comme elle, sont dotés de super pouvoirs.
Cette nouvelle plongée dans l’univers truffé d’autoréférences de Marvel a l’avantage de miser plus que jamais sur l’humour, en plus d’avoir aux commandes un personnage féminin fort sympathique.
Une nouvelle pièce dans la grande courtepointe qui, on s’en doute, n’a pas fini de s’agrandir.
La critique de la série est ici.
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C'est la panique quand la famille nombreuse de John Conley (Anthony Lemke), de descendance irlandaise, prend connaissance d'un drame qui vient de se produire: le fermier a été découvert inconscient sur sa terre par des travailleurs saisonniers.
Pour Elisabeth (Sandrine Bisson), son épouse, le choc sera grand, d'autant qu'il arrive à un moment où le couple se remettait en question.
On sent l'immense fossé entre elle et sa contrôlante belle-famille, dont personne ne voudrait! En particulier l'acariâtre Maureen (Anne Beaudry), la plus intransigeante du clan, qui dissimule des blessures insoupçonnées.
Sa belle-mère Martha (Micheline Lanctôt), mère de six enfants, veut avoir le contrôle sur tout, mais semble souvent la plus sensée du clan.
John leur avait tous caché un lourd secret avant de rendre l'âme. Un choc pour tout le monde, dont ses fils Junior, un ado sportif, et William, un enfant sensible, qui vit avec la surdité.
Dans cette série sur les difficultés de communiquer, le clivage avec les travailleurs saisonniers sur la ferme, toujours à l'écart, est manifeste. Quand ont lieu les funérailles de John, ses employés attendent sur le perron plutôt que dans l'église. Quand les «pure laine» s'adressent à eux, c'est chaque fois de façon maladroite.
En duo avec l'autrice Suzie Bouchard, Florence Longpré frappe encore un grand coup avec cette série de 10 épisodes, disponible sur Club illico et réalisée par le cinéaste Philippe Falardeau.
La critique de la série est ici.
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D.I.S.C.O.
Le rythme, la danse, les paillettes, la coke, le sexe, les nuits folles.
D.I.S.C.O. est vraiment un portrait fascinant de cette ère relativement courte mais combien intense. Une série extrêmement fouillée, riche en images d'archives et en témoignages, autant d'artistes que d'experts de la musique et de gens d'affaires, que ce soit Patsy Gallant, Danielle Ouimet, Judi Richard, le DJ montréalais Robert Ouimet, malheureusement décédé tout récemment à 74 ans, et les ex-propriétaires du mythique Lime Light, en couple depuis 47 ans, Yvon Lafrance et Claude Chalifoux.
Les cinq épisodes d'une heure vous mettront un grand sourire au visage et donnent l'effet d'une brassée à spin, pour emprunter les mots de Martin Stevens, star québécoise du disco. Le réalisateur Charles Gervais est parvenu à arracher des confidences étonnantes. D.I.S.C.O. n'a rien d'édulcoré; pas de cachette, on dit les choses crûment, comme elles ont eu lieu.
L'ensemble de la série est sur vrai.ca.
La critique de la série est ici.
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HEARTSTOPPER
Charlie, un garçon sensible et fragile, développe une amitié particulière avec Nick, champion de rugby de l'école. Une histoire d'amour se développe entre eux, alors que Nick est toujours à la recherche de son identité sexuelle, à travers ses racines sportives et son groupe d'amis homophobes.
Adaptée du roman graphique d'Alice Oseman, cette série britannique en huit demi-heures, dans la même veine qu'Avec amour, Victor, aborde avec franchise et beaucoup de sensibilité les questionnements amoureux à l'adolescence, qui chamboulent souvent les amitiés.
Autant les camarades d'école peuvent se montrer durs et intimidateurs, autant les parents font figure de modèles d'acceptation dans la série. Olivia Colman incarne la mère attentive et bienveillante de Nick, alors que Charlie a un père compréhensif et attentionné. Plusieurs parents devraient s'en inspirer.
La distribution est parfaite, particulièrement pour le couple vedette; il y a des étincelles entre Joe Locke (Charlie), qui fait ses débuts à l'écran, et Kit Connor (Nick). Chacune de leurs scènes suscite les frissons. Un romantisme comme on en voit rarement à l'écran entre deux adolescents issus de la communauté LGBTQ.
Disponible en anglais et en français sur Netflix.
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TOKYO VICE
Le journaliste américain Jake Adelstein, dont l'histoire bien réelle est racontée dans cette série de huit épisodes, est le premier Occidental à avoir été engagé dans un grand quotidien japonais.
Dès son embauche, on lui dit: «Vous devez suivre les règles et écrire ce qu'on vous dit d'écrire.»
Ce qui ne l'arrête pas dans sa quête d'infiltrer le monde des yakuzas, ces membres de la mafia japonaise, qui font la loi dans les bas-fonds de Tokyo.
Il se lie alors d'amitié avec un haut gradé de la police, qui devient son père spirituel et l'oriente dans ses recherches.
Fascinant de voir comment la presse fonctionne, tout le ballet des contacts des deux côtés de la ligne, en soutirant des informations et en ne se faisant pas trop manipuler.
Tout le premier épisode, réalisé par Michael Mann et qui compte très peu de dialogues, est une initiation au mode de vie japonais. Puis, on entre vraiment dans l'action au deuxième épisode.
La série est disponible en anglais et en français sur Crave.
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En regardant la nouvelle série Classé secret, signée François Pagé et Michel d'Astous, vous soupçonnerez chacun des personnages de traîtrise. Même les plus innocents pourraient être coupables du pire. La série repose beaucoup sur Mélissa Désormeaux-Poulin et Patrick Labbé, spécialistes du renseignement qui forment un couple, appelés à travailler ensemble. Des fois l'un avec l'autre, d'autres fois, l'un contre l'autre.
Dès le premier épisode, à la suite d'un grave attentat devant le consulat américain, on découvre qu'une taupe de la CIA a infiltré les Services de sécurité du Canada (SSC). Les soupçons pèsent aussitôt sur Rachel Miller (Désormeaux-Poulin), que son mari Émile Darcy (Labbé) devra espionner contre son gré, incapable de croire qu'elle puisse lui mentir à ce point.
Stéphan Beaudoin, qui fait un travail remarquable à la réalisation, parle d'une série complexe sans être compliquée. Si l'intrigue vous paraît un peu difficile à suivre après le premier épisode, persistez quand même. Ça décolle véritablement au deuxième, au point d'avoir une envie irrépressible de voir la suite.
La série est disponible sur AddikTV sur demande.
La critique de la série est ici.
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LAC-NOIR
Les séries de genre, qui mêlent horreur et surnaturel, sont rares au Québec. Il y avait bien eu l'excellente Grande Ourse à Radio-Canada et la décevante Prémonitions sur AddikTV.
Quand Valérie Roberge (Mélissa Désormeaux-Poulin) arrive à Lac-Noir, c'est pour y remplacer temporairement un policier du coin (Marc Fournier), parti mystérieusement sans donner de nouvelles et bras droit du chef de police Adrien Archambault (Stéphane Demers), encore sous le choc de sa disparition.
Sa première enquête concerne un vol à l'église, qui la mène vers d'autres pistes plus inquiétantes. Il y a assurément une menace qui plane sur ce village. Je ne donnerai qu'un indice: satanisme.
Avec Lac-Noir, Club illico cherche à atteindre un public plus jeune, enclin à apprécier ce type de fiction. Souhaitons que cette tentative saura en inspirer d'autres.
La série est disponible sur Club illico.
La critique de la série est ici.
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LE BUSINESSMAN ET SON BLUES
Il est inimaginable que le nom de Gilles Talbot nous soit si peu familier. Décédé prématurément à 43 ans, cet homme, avec Guy Latraverse entre autres, a forgé l'industrie du disque telle qu'on la connaît aujourd'hui. Le Québec lui doit beaucoup.
C'est pour mesurer son influence dans l'industrie du spectacle et aussi pour mieux connaître ce père absent que Martin Talbot a réalisé Le businessman et son blues, série documentaire de trois épisodes.
Ginette Reno, Paul Piché, Gilles Vigneault, l'album Jaune de Ferland, Starmania, les spectacles de la Saint-Jean sur le mont Royal, l'ADISQ, Kébec-Disc... il y a beaucoup de Gilles Talbot dans tout ça.
Fervent nationaliste, Gilles Talbot a péri dans un bête accident de Cessna en pleine mer en 1982; son fils Martin n'avait que 14 ans. Le réalisateur et scénariste le retrouve à travers les témoignages de tous ces grands personnages, qui l'ont visiblement beaucoup aimé, et c'est très touchant.
La série est disponible sur la plateforme Vrai (vrai.ca) de Vidéotron.
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THE DROPOUT
Après la fausse héritière Anna Delvey sur Netflix, c’est au tour de l’entrepreneure/arnaqueuse Elizabeth Holmes de voir ses escroqueries faire l’objet d’une série, The Dropout, sur Disney+.
Pendant que la première a détroussé des banques et des hôtels, la seconde a monté un bateau qui s’est rendu beaucoup plus loin… Avant de couler avec fracas : Elizabeth Holmes a été déclarée coupable de fraude en début d’année, après l’effondrement de Theranos, la compagnie qu’elle a fondée sur un rêve et beaucoup de vent.
Le projet semblait trop beau pour être vrai : offrir des tests sanguins à peu de coûts, grâce à une machine simple d’utilisation et une seule goutte de sang. Justement, ça n’a jamais fonctionné.
La série en huit épisodes — dont les trois premiers arrivent en ligne le 3 mars — revient sur l’ascension spectaculaire d’Elizabeth Holmes, qui a quitté l’université à 19 ans, sans diplôme, pour se consacrer à son ambition de devenir très, très riche.
Amanda Seyfried se glisse avec doigté dans la peau de ce personnage fascinant, parfois délirant, qui a réussi à mettre dans sa poche tous ces messieurs cravatés qui regardaient de haut la jeune femme sans expérience qu’elle était.
La critique de la série est ici.
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DOPESICK
On a tous entendu des histoires d’horreur sur les opiacés et la pandémie n’a rien arrangé. Tout au long des huit épisodes de cette série qui risque de vous indigner profondément, on se promène entre l’enquête sur Purdue Pharma au début des années 2000, qui sera suivie d’un procès, et la commercialisation de l’OxyContin au milieu des années 90, une histoire bien réelle.
Dans une ville minière de Virginie qui en arrache, le Dr Samuel Finnix (Michael Keaton) reçoit l’arrivée de cet antidouleur à l’efficacité éprouvée comme un baume sur les souffrances de ses patients. Tout le monde fait confiance au Dr Finnix dans cette ville minée par la pauvreté et la délinquance.
Le problème, c’est que Purdue Pharma n’hésite pas à présenter l’OxyContin comme un antidouleur presque miraculeux qui ne provoque aucune dépendance, sauf pour 1 % des patients. On en fait un médicament à usage personnel, alors qu’il a été conçu pour être administré à des malades en phase terminale de cancer.
Pour comprendre l’impact désastreux de l’OxyContin, et pour l’interprétation de Michael Keaton, attachant dans le rôle principal, Dopesick mérite qu’on s’y intéresse.
Les huit épisodes en anglais et en français sont disponibles sur Disney+.
La critique de la série est ici.