Pendant la semaine, Nancy Parent travaille comme secrétaire à Québec. «Je suis la petite fille modèle, le modèle type de celle qui travaille dans un bureau à faire des factures, à entrer des données dans un ordinateur.»
La fin de semaine, par contre, c’est une autre histoire. En saison, la dame de 50 ans chasse la perdrix, le chevreuil ou l’orignal. «Oh oui, le plus souvent possible!» ajoute-t-elle, un brin de fierté dans la voix.
L’idée la titillait depuis longtemps. Depuis des années, en fait. Mais ce n’est qu’en 2016 qu’elle a laissé sa curiosité prendre le dessus en suivant le cours Chasse au féminin à la zec Batiscan-Neilson, dans la région de Portneuf.
Pourquoi pas plus tôt? «Ç’a toujours été en moi, cet instinct. Mais quand j’étais plus petite, on disait que les femmes parlaient trop et faisaient trop de bruit pour la chasse, qu’elles n’étaient pas faites pour ça. C’était vraiment un monde d’hommes auquel je n’avais jamais eu la chance d’être initiée. Je m’étais faite à l’idée, raconte-t-elle. Mais en vieillissant, on s’affirme davantage. Et j’ai réalisé que j’avais un besoin toujours pas comblé, alors je me suis lancée!»
«Plus du double»
Vrai que giboyer a longtemps été réservé à ces messieurs. Une sorte de chasse gardée, sans mauvais jeu de mots. Les chiffres le prouvent, d’ailleurs. «La chasse est indéniablement une activité à prédominance masculine, la proportion d’hommes s’élevant à 88 %», révélait en 2016 l’Enquête sur les chasseurs québécois réalisée pour le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs.
Toutefois, les choses changent. Le sport se démocratise et, du coup, se féminise. Lentement, mais sûrement. «Il y a nettement plus de femmes chez la relève (25 %), soit proportionnellement plus du double que chez les chasseurs expérimentés», ajoutait le même rapport. «[Elles] constituent assurément un segment de la clientèle affichant un important potentiel de développement.»
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Depuis 2009, le ministère appuie donc financièrement plusieurs organismes de promotion et d’initiation. Et les groupes féminins ont été ciblés en raison de ce potentiel prometteur, dit-on au ministère.
«On sent vraiment que les femmes prennent leur place, affirme Emily Vallée, de la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs. Peu nombreuses avant, elles peuvent maintenant se parler et se regrouper grâce à Facebook. Il y a un engouement auprès des filles qui accompagnent leur chum ou qui sortent entre elles. Comme pour tout le reste, les femmes ont décidé qu’elles étaient capables.»
Responsable des formations dans la province, cette fédération est bien placée pour confirmer la croissance. «En 2019, les femmes ont compté pour 28 % des participants dans les cours d’initiation à la chasse avec armes à feu, un pourcentage qu’on a vu augmenter petit à petit», précise Mme Vallée.
Bonnes pour la relève
Quelle était cette barrière qui empêchait jadis ces aspirantes disciples d’Artemis de se planquer en forêt pour presser la détente? «Selon moi, l’obstacle était psychologique, comme pour de nombreux métiers réservés aux hommes. Y avait-il nécessairement une raison? Non, c’était la façon de faire, considère Mme Vallée. Mais les femmes ne sont plus celles qui restent à la maison, elles peuvent se permettre de partir un week-end à la chasse. La façon de vivre a évolué.»
Il y a plus de collaboration de la part des femmes qu’au niveau de bien des hommes, en général. Les femmes partagent plus leurs expériences. C’est bon pour la relève
Qui plus est, cette relève plus féminine a aussi du bon parce qu’elle encouragerait elle-même les recrues. Une sorte d’effet d’entraînement positif pour le sport. «Il y a plus de collaboration de la part des femmes qu’au niveau de bien des hommes, en général. Les femmes partagent plus leurs expériences. C’est bon pour la relève», affirme Olivier Jutras, responsable de la gestion et de la protection de la faune à la zec Batiscan-Neilson.
«On a amplement notre place, c’est sûr! Et les hommes ont bien accepté que les femmes aiment chasser, qu’on peut aller dans le bois avec eux et qu’on a les mêmes capacités», assure Nancy Parent.
«À la chasse, il nous arrive de vivre des moments magiques et puissants. Si d’autres femmes lisent ceci et décident de se lancer, ce sera fantastique, espère-t-elle. Je leur souhaite tellement d’essayer, de se retrouver à l’affût, dans le bois, à vivre cette passion!»
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La chasse au temps de la pandémie
Il semble que le confinement a eu un effet positif sur le désir des Québécois de renouer avec la chasse sportive. «L’intérêt pour aller dans le bois et jouer dehors dans notre cour est grand ces temps-ci. Les circonstances sont bonnes, dit Emily Vallée, de la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs. En plus, nous avons depuis cette année des cours en ligne d’initiation à la chasse. Le timing était parfait.»
Cela dit, la saison cause aussi du souci à la Santé publique, particulièrement en Gaspésie et sur la Côte-Nord. On redoute que des milliers d’amateurs se rendent en région, traînant avec eux un risque accru de transmission de la COVID-19. «Ce qui est recommandé aux résidents en zone rouge, c’est de ne pas se rendre dans une zone jaune», avertit le médecin-conseil en santé publique sur la Côte-Nord, Dr Richard Fachehoun. Une recommandation difficile à appliquer au fond du bois. À surveiller… Francis Higgins avec Steeve Paradis
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La «peur» des armes
Est-il vrai que des femmes boudent la chasse par crainte des armes? «Oui, c’était mon cas, confie Nancy Parent. Le gun intimide et fait peur. Les femmes ne sont pas venues au monde là-dedans, pas comme les hommes qui sont initiés par leur père et qui manipulent ça depuis qu’ils sont petits. Heureusement, les cours obligatoires démystifient tout ça. Même qu’on est peut-être meilleures avec la mire! Par expérience, les femmes [ont] le compas dans l’œil, même les hommes l’avouent!» lance-t-elle, admettant toutefois qu’elle n’oserait utiliser de très gros calibres d’armes à feu de peur de se blesser. Le débat est lancé! Francis Higgins
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VOUS ÊTES TENTÉE PAR LA CHASSE?
Voici les étapes à suivre pour celles — et ceux — qui caressent le rêve de s’initier à la chasse.*
1) Essayez pour voir si vous aimez ça. «Appelez au ministère pour obtenir un permis d’initiation qui permet d’essayer la chasse sans certificat de chasseur, avant de suivre les cours. On a droit à ça une seule fois dans notre vie. C’est une belle façon de commencer, avec un accompagnateur pour s’initier», dit Emily Vallée, coordonnatrice aux communications à la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs.
Info : 1 866 4CHASSE ou info.permis@mffp.gouv.qc.ca
2) Suivez les cours obligatoires. La fédération est mandatée par le gouvernement de former la relève. Faites le cours d’initiation à la chasse correspondant au type d’engin que vous utiliserez (arc, arbalète ou arme à feu). Ce cours en ligne dure six heures. Pour chasser à l’arme à feu, vous devrez ajouter à votre formation le cours de sécurité dans le maniement des armes à feu (une journée complète en classe avec examen pratique).
Info : fedecp.com
3) Trouvez un guide. «Idéalement, on aura quelqu’un pour nous accompagner là-dedans. Quelqu’un qui nous guidera dans nos sorties. Une bonne piste pour trouver des mentors ou des groupes est de consulter des programmes d’initiation ou d’information sur les réseaux sociaux comme Fauniquement femme, Chasse au féminin (appelé Chasse Ô féminin sur Facebook) ou Filles de bois», suggère Mme Vallée.
4) Trouvez l’endroit. Une fois votre permis en poche, vous pourrez chasser dans les zones d’exploitation contrôlées (zecs), dans les pourvoiries, sur les territoires publics, dans des parcs de la Sépaq, avec la possibilité d’embaucher un guide de chasse. Des pourvoiries et des parcs nationaux offrent même des forfaits «tout inclus».
Francis Higgins
*Notez que la démarche peut être plus compliquée ces temps-ci en raison des règles sanitaires en vigueur.