«Moi, je pense que c’est dans cette perspective-là que le gouvernement l’a fait», croit d’ailleurs Horacio Arruda.
Toutes ces décisions sont politiques en fin de compte, nous a-t-il dit.
Bien sûr! Et c’est normal. Gouverner, c’est prendre des décisions. Qui accuserait-on s’il devait y avoir une nouvelle flambée de décès dans les prochaines semaines au Québec?
À la Santé publique de recommander; au gouvernement, ensuite, de prendre ses décisions en prenant en compte une multitude de variables et de facteurs. C’est sa responsabilité.
Il y a une dizaine de jours, le gouvernement essuyait une volée de bois vert. Les partis d’opposition s’étaient enhardis. Les actions et les messages gouvernementaux manquaient de clarté, entendait-on partout. Ils étaient incohérents, répétait-on.
Au cabinet du premier ministre, on s’est dit lundi qu’on agirait désormais de manière à éviter un tel procès public. La semaine a finalement ressemblé à la précédente pour le gouvernement.
Le premier ministre, son entourage et le ministre de la Santé, encore en discussion lundi, ont jugé que l’objectif de réduire les contacts sociaux serait considéré comme bancal si seuls les rassemblements privés ainsi que l’industrie de la restauration et des bars étaient visés dans les zones rouges.
On a estimé qu’il fallait adopter une approche englobant le secteur du divertissement et des loisirs pour bien marquer le coup entre l’essentiel et le non essentiel en temps de pandémie — des notions forcément relatives et toujours discutables, on en conviendra tous.
Ce n’est que quelques heures avant d’annoncer les lieux qui allaient devoir fermer leurs portes pendant 28 jours qu’on a formellement ajouté entre autres les salles de spectacles, les cinémas, les théâtres et les musées. La décision concernant les salles à manger des restaurants et les bars avait été actée la veille, dimanche.
La haute direction nationale de la Santé publique n’a pas elle-même dessiné ce périmètre d’intervention, mais elle était d’accord.
L’annonce est tombée lundi à 17h30.
Or, pour cette décision englobant le secteur culturel, le gouvernement a encore une fois été accusé d’incohérence. Précisément ce qu’il voulait éviter!
Chacun a rapidement pu dire pourquoi tel type d’activité et pas tel secteur. Pourquoi nous? Pourquoi pas eux?
Et plusieurs ont noté que très peu d’éclosions avaient été enregistrées (voire, pas) dans le milieu culturel.
Venue le lendemain, l’explication des «contacts prolongés» de François Legault n’a pas convaincu.
Les derniers jours ont offert un démenti à cette idée selon laquelle les messages gouvernementaux étaient embrouillés il y a une dizaine de jours en raison de l’absence de M. Legault, qui était en isolement.
Quoi comprendre? Tout simplement qu’à moins de tout fermer ou de tout laisser ouvert, les incohérences sont inévitables, ainsi qu’un certain manque de clarté, quel que soit le messager. Tout sera toujours plus imparfait que d’habitude en cette période.
Qui plus est, le tir gouvernemental devra être réajusté en permanence, ce qui ne participera pas toujours à la clarté immédiate des choses.
Chacun son degré d’indulgence en la matière. Il est à peu près inévitable qu’il existe des incohérences quant aux lieux ayant dû fermer temporairement leurs portes. Par contre, les autorités gouvernementales auraient pu faire beaucoup mieux dès le départ en ce qui a trait aux rassemblements de personnes, d’amis par exemple, dans un lieu public extérieur.
Il aurait dû être d’emblée plus compréhensible pour chacun de savoir ce qu’il peut ou ne peut pas faire à l’extérieur.
Plus difficile encore?
Ne doutons pas que les décisions de cette semaine ont été difficiles à prendre. Elles ne vont pas sans coûts économiques, sociaux et humains. Aucun gouvernement ne peut se résoudre à aller jusque-là sans juger les raisons impérieuses.
Projetons-nous. Supposons que les mesures décrétées cette semaine puissent bel et bien être levées dans une vingtaine de jours. Serait-il par la suite encore plus difficile ou plus facile que ça ne l’a été cette semaine pour le gouvernement d’intervenir de nouveau de la sorte?
Le modèle de fermetures à la carte aura certes été rodé et aura gagné en précision avant un éventuel nouveau tour de vis. Il suffirait en quelque sorte de le réappliquer.
Mais les personnes directement concernées — propriétaires de bars et de restaurants, par exemple — l’accepteraient sans doute encore moins qu’aujourd’hui et de plus en plus de citoyens de bonne volonté seraient peut-être encore plus dubitatifs.
Une conclusion s’impose : soyons dès maintenant nombreux à garder en tête la nécessité d’agir individuellement de manière à protéger le système hospitalier; à faire en sorte que les autorités n’aient plus de décisions aussi difficiles à prendre. C’est ce que l’on peut faire de mieux.