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C’est terminé, raison : COVID.

En fait, avec les nouvelles directives qui viennent avec le palier orange, les portes des CHSLD se sont refermées. Il ne reste que les proches aidants qui peuvent y entrer et encore, à condition qu’ils apportent «une aide et un soutien significatif», dixit la fiche technique du ministère de la Santé.

Lors de la première vague, on a vu que des CHSLD n’acceptaient que les proches qui aidaient aux soins comme l’alimentation, être là seulement pour tenir compagnie, ou la main, ne suffisait pas. Les directives du ministère sont pourtant claires : «L’aide et le soutien apportés peuvent concerner l’accompagnement pour les repas, la surveillance et la vigilance face à l’état général, le soutien à diverses activités de la routine quotidienne ou de nature récréative, l’aide à la marche ou encore, être un soutien sur le plan moral ou apporter du réconfort.»

Le réconfort ne fait pas partie des soins de base.

Les résidents qui n’ont pas de proche aidant reconnu, qui n’ont qu’un peu de visite s’ils sont chanceux, n’ont plus personne parce que les visiteurs ne sont plus admis. Et ça se comprend, évidemment, on ne veut pas se retrouver avec une hécatombe comme celle du printemps.

Alors on coupe, on coupe le plus de contacts humains possible, on se dit que plus ils sont seuls, plus ils sont protégés.

Mais ils sont seuls.

Parce qu’on a coupé le plaisir aussi, le peu qu’il y avait grâce à des activités qui étaient organisées pour leur changer les idées, par les trop rares techniciens aux loisirs et aussi par les bénévoles. On ne parle pas assez de ces bénévoles dans les CHSLD, qui mettent un peu de couleurs, qui font que les jours ne sont pas tous pareils.

Qui mettent de la vie.

Et au palier orange, les bénévoles passent à la trappe comme les visiteurs. «Le gouvernement cherche des gens par jecontribue, mais il ferme la porte aux bénévoles, me confie une proche aidante. Et qu’est-ce qu’ils font ces gens-là si ce n’est pas de contribuer au bien-être des résidents?» Et ils n’arrivent pas comme un cheveu sur la soupe. «Ce sont des bénévoles qui sont accrédités», donc connus des CHSLD, un peu comme les proches aidants.

Et ils font plein de choses. Je vous ai déjà parlé de Monsieur Alexandre, qui poussait la chansonnette avec de beaux chapeaux.

Je vous ai aussi souvent parlé de Godelieve DeKoninck, qui fait de la lecture depuis 13 ans dans des CHSLD, les résidents sont en cercle autour d’elle, et bien plus loin qu’à deux mètres. Elle venait tout juste de recommencer depuis deux semaines «avec le masque et ça allait très bien», elle a appris mercredi que c’était terminé. Et elle n’est pas seule, elle a embarqué depuis des dizaines de bénévoles dans son projet Liratoutâge qui est maintenant un peu partout au Québec. «C’est arrêté partout», regrette-t-elle.

Pour certains résidents, c’était leur seule «visite».

Leur seule activité.

Rebelote, Godelieve se retrouve comme lors du confinement à chercher une façon de continuer à faire la lecture. Elle avait bien essayé de le faire à distance, mais disons que les CHSLD ne sont pas à la fine pointe. «À 85% des endroits, ils n’ont pas le wifi. La lecture virtuelle, ça ne marche pas. Tout le monde me disait “c’est beau”, mais ça ne se rendait pas aux gens dans leur chambre. Qu’est-ce qu’on peut faire? On ne peut pas les enfermer comme ça encore un an?»

Elle cherche une solution.

Dans un autre CHSLD, une proche aidante a demandé d’avoir des contacts vidéo avec son mari parce qu’elle veut éviter d’y apporter le virus comme l’a fait un autre proche lors de la première vague. On lui a refusé. «On m’a dit que j’ai le droit d’y aller, donc pas de contact vidéo…»

Logique.

Ailleurs, on a laissé un bénévole décorer pour l’Halloween, mais pas trop. «C’est toujours la même personne qui s’occupe de faire les décorations. Cette année, on lui a demandé de se restreindre au minimum, ça sera sûrement la même chose pour Noël. Tout est arrêté, toutes les activités sont abandonnées.»

Et là aussi, les contacts vidéo sont rares. «Il y a juste une personne qui peut le faire pour tout l’immeuble. Et il y a aussi des gens qui ne sont pas capables de téléphoner tout seul, qui ne sont pas capables d’ouvrir leur télé, ils ont besoin d’aide pour ça. Avant, comme proche aidant, on pouvait les aider, mais on ne peut plus.»

On fait tout ça pour qu’ils ne meurent pas de la COVID.

Quitte à ce qu’ils meurent d’ennui.

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Au Centre Louis-Hébert, les vieux de Godelieve ne voient plus rien, ils ne pourraient pas lire le journal même s'ils le voulaient. D'où ce silence quand elle s'installe, quand ils entendent le papier se froisser sous ses doigts."},"type":"paragraph"},{"position":8,"text":{"fr":"«Voulez-vous votre horoscope?» Tout le monde lève la main en disant «moi, moi!», comme des enfants d'école qui veulent donner la réponse à la question du professeur. Pendant que Godelieve lit, l'avenir est une suite d'improbables rebondissements. Ce matin-là, madame Poisson ne devait «pas hésiter à se permettre une dose de fantaisie». Ça l'a fait sourire, c'est déjà ça."},"type":"paragraph"},{"position":9,"text":{"fr":"Monsieur Lion aussi voulait savoir. «Si vous souhaitez apporter des modifications au fonctionnement d'un groupe, on ne devrait pas vous mettre de bâtons dans les roues.» La vie fait bien les choses, vu que monsieur Lion est en fauteuil roulant. Et puis le groupe, il est parfait comme ça."},"type":"paragraph"},{"position":10,"text":{"fr":"«On passe au roman ou au Sélection?» Le roman attendra. Godelieve a reçu le numéro de décembre, elle sait que ça marche toujours bien, le Reader's Digest. Il n'y a pas de lectures coupables. Elle s'arrête sur un article rappelant l'arrivée du bébé royal, vu par un journaliste qui a fait le pied de grue «à fixer une porte» pendant des jours pour «20 minutes très excitantes»."},"type":"paragraph"},{"position":11,"text":{"fr":"Ça marche, Godelieve connaît son monde. Elle dépose le Sélection. «Notre petit roman japonais?» Ça opine autour de la table. Elle rappelle ce qui s'est passé la semaine dernière, lit quelques pages, une histoire de famille dans les poussières de Nagasaki. Elle reprend le Sélection pour «l'heure des blagues»."},"type":"paragraph"},{"position":12,"text":{"fr":"Godelieve a apporté sept livres ce jour-là, elle a marqué les pages avec des Post-it de toutes les couleurs. 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