Dans son article, le signataire du texte, ingénieur écologue et professeur à l’Université Laval, n’y va pas de main morte en affirmant que les consommateurs ainsi que nos décideurs ne peuvent pas être plus à côté de la plaque en soutenant les circuits de proximité.
En affirmant une telle chose, il remet en question le travail de ceux qui, quotidiennement, assurent une saine alimentation et sécurisent la chaîne d’approvisionnement du Québec. Une prise de position préoccupante, surtout dans le contexte de la COVID‑19, qui a mis en lumière la fragilité du système export-import en agriculture et notre vulnérabilité en situation de crise.
J’ai été très choqué par ce texte puisque mes 15 années d’expérience en agriculture biologique m’ont confirmé que la majorité des affirmations présentées sont fausses. Mon expérience est loin de relever de l’anecdotique. J’invite d’ailleurs M. Parent à découvrir par lui-même ce qui se passe sur le territoire et à aller à la rencontre des agriculteurs.
J’ajoute donc mon grain de sel au faux débat créé par M. Parent et en complémentarité au billet de Roméo Bouchard dont je salue bien bas la justesse des propos pour clamer de la nécessité que les Québécoises et Québécois soutiennent une véritable révolution vers une concrète agriculture écologique.
L’agriculture de demain n’est pas chimique
Je suis animé par la mission de remplacer l’agriculture industrielle, chimique qui, à petite dose, empoisonne les gens, nos cours d’eau ainsi que les agriculteurs qui la pratiquent, par une agriculture écologique qui dynamise nos campagnes et nourrit nos communautés.
Une agriculture saine, durable, qui fait du sens. Une agriculture familiale qui occupe la campagne et où des femmes et des hommes ont un souci de bien nourrir leur communauté.
Le discours du chercheur est construit seulement sous le spectre de l’environnement et non celui du développement durable. M. Parent ne parle pas de l’importance d’habiter le territoire, de la santé des agriculteurs, du dynamisme des régions ou simplement du concept de rétribution des biens et services environnementaux. Or, les bénéfices des petites fermes écologiques sont énormes et ne se mesurent pas en n’analysant qu’une seule variable comme le rendement.
Pour appuyer ses dires, le chercheur fait référence à une méta-analyse de 2009 pour conclure que l’agriculture biologique est pire pour la nature que l’agriculture conventionnelle… Toutefois, le trois quart du résumé de l’étude mentionne que la teneur des sols en agriculture biologique ont une moyenne plus élevée en matière organique ET qu’elle contribue positivement à l’agrobiodiversité. La matière organique des sols est une ressource essentielle à la pérennité de notre agriculture et joue un rôle majeur sur la captation des gaz à effet de serre.
La journée où on commencera à tenir compte des externalités positives de l’agriculture biologique, régénérative, là nous assisterons à un véritable changement de paradigme et on appréciera à sa juste valeur sa contribution.
L’ONU sonnait l’alerte l’an dernier sur l’état catastrophique de la biodiversité. Le Fonds mondial pour la nature (WWF) renchérissait dernièrement en affirmant que 68% de la faune sauvage a disparu en moins de 40 ans. La cause principale? La destruction d’habitats naturels par l’agriculture industrielle.
Il ne faut plus reculer et accélérer la transition. Il faut arrêter de véhiculer des faussetés au sujet de l’agriculture chimique et industrielle en brandissant toujours les mêmes arguments selon quoi elle est plus productive, qu’elle nourrit la planète et qu’elle est nécessaire.
Il est temps d’arrêter de penser qu’une ferme est une usine et qu’il est normal de polluer nos cours d’eau parce qu’«il faut nourrir la planète». Oui, il faut la nourrir, mais autrement et mieux! Les petites fermes biologiques qui se multiplient à un rythme important aujourd’hui et qui occupent le territoire sont l’exemple d’un nouveau paradigme. L’avenir de l’agriculture et de nos campagnes passera par leur essor. Les valeurs et le travail incroyable de ces artisans ne relèvent pas d’une «idéologie conservatrice et de romances paysannes». Au contraire, la transition agricole écologique qui essaime à travers nos régions est innovante et cohérente avec la réalité mondiale.
De continuer à défendre et vanter les mérites de la révolution verte relève, à mon sens, d’immobilisme et de conservatisme. Ce modèle qui prend racine dans les années 1960 n’a pas fait ses preuves et nous en payons aujourd’hui les conséquences.
D’avoir demandé aux agriculteurs de s’endetter pour s’hyperspécialiser et d’embarquer dans la conquête des marchés a eu un coût social énorme. N’oublions jamais que derrière le concept du capitalisme qui propulse la productivité, il y à l’idée de la compétition qui nous pousse à nous surmener.
Les taux de détresse psychologique chez les agriculteurs sont alarmants et les conséquences sont bien documentées.
Il est grand temps de croire à autre chose qu’à ce diktat. Ne reculons pas sous couvert d’obscurantisme.
Je nous invite à réfléchir à ceci: quelle agriculture désirons-nous au Québec? Quel essor souhaitons-nous pour nos campagnes et quels modèles devraient recevoir l’aide d’un gouvernement qui veut davantage de «Fabriqué au Québec»?
Un mouvement fort de consommer des produits d’ici s’est consolidé dans les derniers mois. Utilisons cet élan intelligemment et gardons le cap vers une agriculture nourricière, une agriculture à échelle humaine, une agriculture de l’avenir.
C’est à nous de réinventer le noble métier d’agriculteur et de façonner notre projet de société agricole. Nous n’avons pas seulement le choix de faire les choses différemment, mais les moyens aussi.