Nicky Sushi: à la pêche aux makis

La rivière du Nicky Sushi de Limoilou.

CRITIQUE / Pas peu fier de posséder la seule rivière à sushis de la province, le Nicky Sushi de Limoilou a plusieurs autres atouts dans sa manche. Parmi eux : un service d’une authentique gentillesse et des créations joliment fignolées par le chef.


Il y a quelque chose d’apaisant à observer la guirlande de bateaux qui voguent sur la rivière encastrée dans le long comptoir du Nicky Sushi, chacun chargé d’une petite assiette au contenu bien frais : nigiris, makis, tatakis, salade d’algues… C’est aussi dépaysant, bien sûr, les kaitenzushis (des restos où les sushis sont présentés sur tapis roulant, en libre-service) étant fréquents au Japon, mais pas ici. Le Nicky est d’ailleurs le seul au Québec à proposer cette formule tournante, sur l’eau en plus! Chaque client attrape ce qui lui fait envie, et la facture est établie selon sa vaisselle accumulée — il y a quatre couleurs d’assiettes, chacune ayant son prix.

La COVID continuant de ternir certains plaisirs, le chef doit maintenant couvrir chaque petit plat d’une pellicule plastique. «C’était la condition pour qu’on puisse remettre la rivière en fonction», nous explique Catherine, fort sympathique serveuse dont on devine le franc sourire sous son masque. On comprend, mais on se désole quand même de cette exigence, qui gâche le coup d’œil. Distanciation oblige, nous sommes aussi assez éloignés de nos voisins, ce qui rend l’expérience moins conviviale. Mais ne nous attardons pas à ces détails : nous sommes ici pour manger, d’abord et avant tout. Et nous le ferons en quantité impressionnante!

Les prises du jour

C’est qu’on s’emporte facilement devant cette succession ininterrompue de jolis délices. Entre deux gorgées de Nic Collins (cocktail d’Amernoir, gin, soda et basilic) et d’onctueux saké Sayuri Nigori, David et moi goûterons près d’une quinzaine de sushis et tapas.

Comme une enfant au magasin de bonbons, je m’exclame devant chaque bateau qui passe lorsque je crois reconnaître sa cargaison, tends ma main, hésite parfois, attendant la «marchandise» suivante. Paul, qui cuisine devant nous — et qui est aussi coproprio —, nous répète souvent qu’il accepte les demandes spéciales, mais je m’en tiendrai à son inspiration.

Très vite, on constate que le raffinement règne : sur un nigiri de marlin bleu, le chef a déposé du tartare de thon mouillé d’huile de kimchi. Il a chapeauté un maki au calmar frit, ciboulette et fromage à la crème d’une tranche de saumon et d’une autre de lime, dont l’acidité coupe dans le gras, le tout arrosé avec parcimonie d’une excellente sauce teriyaki demi-glace.



Des touches spéciales nous sortent des sentiers battus : sur le dessus d’un maki au tartare de saumon, avocat, poire japonaise et crevette croustillante, on trouve du fromage à la crème grillé. Pour la panure des crevettes, Paul utilise des wontons frits émincés plutôt que le traditionnel panko; c’est plus délicat, et j’aime bien. Et lorsque des ingrédients au potentiel envahissant — comme du confit d’oignon ou des épices cajuns — s’invitent dans les bouchées, ce n’est jamais pour voler la vedette.

Mon plat préféré : un dodu pétoncle de la Gaspésie flambé au Grand Marnier. Parfaitement grillé, le mollusque est fondant au cœur, et servi avec hareng boucané des Îles, anguille fumée et délicieuse croquette de riz frit style arancini, au fromage à la crème, piment banane et thym. Côté terre, le poulet général Tao me convainc de m’en commander une pleine portion prochainement : quelle sauce, onctueuse, aux penchants caramélisés, avec une acidité qui pointe audacieusement à travers le sucre!

Le pétoncle de la Gaspésie flambé au Grand Marnier, servi avec hareng boucané des Îles, anguille fumée et délicieuse croquette de riz frit style arancini, au fromage à la crème, piment banane et thym.

Comme d’habitude quand je mange des makis, mon estomac déclare vite forfait. Paul, lui, continue de s’activer la fibre créative derrière son comptoir. Un appétissant tataki défile devant nous. Misère. Je n’ai plus la moindre place. Sauf pour un dessert, peut-être. Voilà justement un bateau qui s’avance, chargé de morceaux de pâte phyllo enrobant du gâteau au fromage au caramel à la fleur de sel. J’étire le bras. Retire la pellicule plastique. Prends une bouchée. Et souris.

Derrière nous, assis à une table et ayant donc dû s’en tenir à la carte régulière, un client mentionne à la serveuse qu’il a hâte d’«essayer la rivière», jaloux de ce qu’il a observé de loin pendant le repas. Elle lui suggère fortement de réserver par téléphone, car les places s’envolent rapidement. Vous voilà avisés vous aussi.

La rivière du Nicky Sushi de Limoilou.

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Nicky Sushi
311, chemin de la Canardière
418 845-8484
nickysushi.com

• Ouvert le soir du jeudi au dimanche
• Bouteilles de vin de 30$ à 70$, sakés de 18$ à 58$
• Assiettes de 2,95$ à 5,95$ (à la rivière à sushis).
• Coût de l’addition pour deux, avant taxes, pourboire et alcool : 63,30$ (pour 14 assiettes, dont un dessert)

Bravo : pour le concept de rivière qui permet de goûter plusieurs sushis et tapas créés spécialement par le chef, l’extrême amabilité du personnel, les mayos maison (épicée, sésame, etc.).
Bof : je mettrais la pédale douce sur le fromage à la crème dans les makis.