Le long métrage s’amorce sur une intense prise d’otages et se termine par des considérations sur l’importance de désamorcer les bombes avant qu’elles n’explosent — au sens propre et figuré. Entre les deux, le spectateur découvrira ample matière à réflexion. Or, celle-ci s’avère un élément crucial de la production. Celui qui s’attend à une variation à la Mission : Impossible — auquel il peut trouver une certaine ressemblance dans la première heure — va se gratter la tête par la suite.
En fait, Tenet poursuit surtout les «explorations spatiotemporelles paradoxales» dans la lignée d’Inception (2010) et d’Interstellaire (2014), voire de Memento (2000), le premier long de Nolan, et se rapproche plus, à la limite, d’un autre film avec Tom Cruise : le très bon Un jour sans lendemain (2014).
Mais nous sommes manifestement dans un registre différent, bien qu’il y ait des éléments de science-fiction. Car après l’attentat à l’opéra de Kiev du début, au cours duquel nous faisons connaissance avec un super-agent de la CIA surnommé «Le protagoniste» (John David Washington), celui-ci est recruté par une organisation ultrasecrète. Le but : empêcher la Troisième Guerre mondiale dont le déclenchement serait provoqué par des armes qui proviennent du futur. Rien de moins.
Pour ce faire, Le protagoniste va s’adjoindre Neil (Robert Pattinson), un collègue britannique, afin de retrouver Andreï Sator (Kenneth Brannagh), un trafiquant russe qui sert d’intermédiaire avec les émissaires du futur. En chemin, il va s’allier avec Kat (Elizabeth Debicki), l’épouse du vilain de service (l’absence de rôles féminins forts se révèle le talon d’Achille de Nolan).
Le trio va combattre avec l’énergie du désespoir les soldats provenant d’un autre espace-temps — Tenet évoque évidemment l’hypothèse des univers parallèles.
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Les usuels retours en arrière et bonds en avant passent ici à une vitesse supérieure avec cette idée du temps inversé.
Nolan le fait en ayant recours à des images à rebours, un procédé aussi vieux que le cinéma, utilisé, toutefois, de façon très contemporaine avec des résultats proprement stupéfiants (attention : mal de cœur et de tête possible).
Ce qui fascine, d’ailleurs, c’est l’art de Nolan d’y superposer des actions se déroulant «normalement», dans des chorégraphies à couper le souffle. Sa maîtrise de la caméra et de ses mouvements fluides ainsi que de l’utilisation du son, son sens aigu du cadre ainsi que du découpage qui permettent un montage effréné — Nolan met toute sa science au service de Tenet. Le réalisateur n’hésite pas, par ailleurs, à employer des méthodes éprouvées comme le montage parallèle pour maintenir la tension.
Le spectateur a peu de répits entre les classiques batailles et poursuites (pimentées par la technique des images à rebours). Si ce n’est des discussions sur les éléments spatiotemporels, parfois un peu laborieuses, pour expliquer de quoi il en retourne sur ce qui se déroule sur l’écran. Pas évident, mais fascinant.
Ce refus de la facilité ne va pas sans heurts. Certains segments s’avèrent à la limite du vraisemblable — ce qui est un normal, au fond, dans un film qui s’intéresse à la relativité du temps.
Tenet bénéficie aussi de performances très solides, en particulier Washington (BlacKKKlansman) et Debicki (Les veuves), deux vedettes montantes du grand écran.
Parlant de grand écran, il faut absolument voir Tenet en salle pour en apprécier toute la force de frappe. Et encourage nos cinémas en ces temps difficiles de pandémie.
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Au générique
Cote : ****
Titre : Tenet
Genre : Drame d’espionnage
Réalisateur : Christopher Nolan
Acteurs : John David Washington, Robert Pattinson, Elizabeth Debicki, Kenneth Brannagh
Durée : 2h30