4000 femmes recherchées pour une étude clinique sur le dépistage du cancer du sein

Actuellement, on recommande que les femmes de 50 à 74 ans à risque «moyen», c’est-à-dire qui n’ont pas de facteurs de risques connus, subissent une mammographie aux deux ou trois ans.

Quel est précisément le risque pour une femme de développer un cancer du sein? Peut-on personnaliser le dépistage par mammographie en fonction de ce risque individuel? C’est ce que le Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval veut évaluer dans le cadre de l’étude clinique Perspective, pour laquelle il désire recruter 4000 participantes. Avantage non négligeable en cette période de pandémie : les volontaires n’auront pas à se déplacer puisque les différentes étapes de l’étude se dérouleront en ligne, une première au Québec pour un projet du genre.


Actuellement, on recommande que les femmes de 50 à 74 ans à risque «moyen», c’est-à-dire qui n’ont pas de facteurs de risques connus, subissent une mammographie aux deux ou trois ans, rappelle en entrevue la Dre Jocelyne Chiquette, médecin au Centre des maladies du sein Deschênes-Fabia du CHU de Québec-Université Laval, professeure de clinique à la Faculté de médecine de l’Université Laval et co-chercheuse du projet.

Toujours selon les pratiques cliniques recommandées, pour les femmes de moins de 50 ans sans symptôme clinique et sans histoire familiale de cancer, il n’est pas recommandé de subir une mammographie, ajoute la Dre Chiquette. 

Dirigée par le Dr Jacques Simard, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en oncogénétique à la Faculté de médecine de l’Université Laval, l’étude Perspective permettra de déterminer s’il est possible de personnaliser le dépistage par mammographie au risque de chaque femme. 

Les chercheurs utiliseront un outil de prédiction du risque qui combine 300 marqueurs génétiques (déterminés par un simple test de salive) avec les autres facteurs de risque reconnus, comme les antécédents familiaux de cancers, des facteurs hormonaux, certaines habitudes de vie (consommation d’alcool ou prise de contraceptifs hormonaux, par exemple), l’indice de masse corporelle et la densité mammaire évaluée par mammographie, explique le professeur Simard, qui a incidemment participé il y a 25 ans à la découverte des gènes BRCA1 et BRCA2, une catégorie très rare de variation génétique qui augmente de façon significative le risque de cancer du sein et dont environ 1 femme sur 300 au Québec serait porteuse. 

«Actuellement, pour cibler les femmes qui ont un risque élevé, on se base essentiellement sur les antécédents familiaux. On pense qu’avec notre approche, on peut augmenter de près de 10 fois le nombre de femmes qui pourraient se retrouver dans cette catégorie de risque élevé et qui pourrait bénéficier de techniques de dépistage plus sensibles comme l’imagerie par résonance magnétique et l’échographie», évalue le Dr Simard. 

À l’opposé, note la Dre Jocelyne Chiquette, «des femmes peuvent faire une mammographie annuelle parce qu’une personne dans leur famille a fait un cancer du sein, mais elles n’ont peut-être pas besoin d’en faire selon l’évaluation du risque» qu’elles présentent.

Le Dr Jacques Simard souligne qu’une femme sur cinq au Canada va développer un cancer du sein avant l’âge de 50 ans, d’où l’intérêt d’avoir une évaluation du risque et une approche de dépistage personnalisées. «Parce qu’on sait que plus tôt on va dépister le cancer du sein, meilleures vont être les chances de survie», rappelle-t-il.

«Actuellement, on dit aux femmes qu’il y a des avantages et des inconvénients à participer au dépistage par mammographie, et on leur dit que le choix leur revient. L’étude Perspective va permettre d’aider les femmes à faire de meilleurs choix parce qu’elles vont savoir quel est leur niveau de risque», résume la Dre Chiquette, précisant que le ministère de la Santé suivra «de près» les résultats de l’étude. Celui-ci pourrait, qui sait, décider d’aller de l’avant avec une approche personnalisée de dépistage du cancer du sein plutôt qu’essentiellement basée sur des critères comme l’âge et les antécédents familiaux.

Surtout qu’une approche personnalisée pourrait permettre de réduire le surdiagnostic, qui coûte cher au système de santé. «Actuellement, au Canada, il y a environ 25 à 30 % des femmes dans la quarantaine qui ont eu une mammographie prescrite par leur médecin. Mais quand on regarde l’ensemble des facteurs de risque qu’on étudie, combinés aux 300 marqueurs génétiques, il n’y a pas 25 à 30 % des femmes qui ont un risque suffisamment élevé» pour justifier cette approche de dépistage par mammographie, mentionne le Dr Simard.

«On sait aussi qu’il y a un 15 % de femmes qui ont un risque nettement plus faible que la population en général [de développer un cancer du sein]. Est-ce que ces femmes-là devraient avoir une mammographie aux trois ans plutôt qu’aux deux ans, par exemple?» illustre encore le chercheur.

Recrutement de 4000 femmes

Tant le recrutement des participantes que les différentes étapes de l’étude seront entièrement complétés en ligne, grâce à une plateforme web «hautement sécurisée», assure le Dr Simard. Le recrutement, qui doit se faire d’ici 12 à 18 mois et qui vise la participation de 4000 femmes résidant dans les régions de la Capitale-Nationale et de Lanaudière, a débuté le 22 juin dernier. 

Pour connaître leur admissibilité, les femmes doivent d’abord répondre à un questionnaire sur le site web de l’étude (www.etudeperspective.ca). Les participantes admissibles pourront ensuite effectuer les étapes suivantes en ligne.

«La femme n’a pas à se déplacer. Lorsqu’elle est éligible, elle remplit le questionnaire en ligne, puis elle reçoit une trousse d’échantillon de salive par la poste, qu’elle va retourner par la suite. Elle obtiendra ensuite des résultats sur la plateforme sécurisée ou par téléphone si elle fait partie d’un groupe de femmes plus à risque. À partir de la catégorie de risque qui aura été déterminée, un plan d’action personnalisé pour le dépistage du cancer du sein par mammographie lui sera transmis à elle et à son médecin ou son IPS», explique le Dr Simard.