Les audiences au palais de justice ont rarement l’intensité de scènes de film. Surtout pas en chambre commerciale.
Mercredi, pendant quelques secondes, tout le monde retenait son souffle lorsque le juge Daniel Dumais de la Cour supérieure a interpellé Dominic Lacroix, d’une voix un peu froide.
Avec un petit rire gêné, l’homme d’affaires déchu, maintenant accusé au Québec et aux États-Unis pour son projet de cryptomonnaie PlexCoin, a assuré qu’il allait continuer à collaborer, même une fois revenu à l’air libre.
Après avoir perdu sa cause devant la Cour d’appel, Dominic Lacroix a été incarcéré le 8 juillet pour outrage au tribunal. Il avait la possibilité de voir sa détention écourtée s’il acceptait de fournir une reddition de comptes complète et les mots de passe pour accéder à ses comptes de cryptomonnaie.
Après presque deux ans d’explications «trompeuses, inexactes et incomplètes» — les mots sont de l’administrateur provisoire nommé à la demande de l’Autorité des marchés financiers — Dominic Lacroix a accepté, il y a quelques jours, de livrer toutes les informations demandées.
Après avoir lu une lettre d’excuses devant le tribunal, Lacroix s’est soumis, à partir de la prison, à une rencontre virtuelle d’environ deux heures avec le comptable Emmanuel Phaneuf, chargé de retracer les fonds accumulés lors du projet PlexCoin.
Le comptable Phaneuf se montrait plutôt satisfait du travail effectué par Dominic Lacroix pour expliquer ses revenus et dépenses depuis 2017 jusqu’à aujourd’hui.
Lacroix confirme avoir engrangé entre 8 et 9 millions $ avec la vente de sa nouvelle monnaie virtuelle, qui se disait encore plus sécuritaire que le Bitcoin.
En saisissant puis en vendant les avoirs de Lacroix, l’administrateur provisoire a pu récupérer environ 5 millions $ qui seront redistribués entre les investisseurs.
Dominic Lacroix a expliqué pour environ 4,6 millions $ de dépenses faites depuis trois ans.
Le gros de l’argent est allé à des travaux aux deux résidences de Lacroix, dont celle assez cossue dans le quartier Montagne-des-Roches à Charlesbourg, dans des locations de véhicules de luxe et dans des achats de matériel de minage de cryptomonnaie. Cette dernière activité se faisait à l’insu de l’administrateur provisoire.
Aujourd’hui, avec ses biens bloqués depuis trois ans, Lacroix dit n’avoir plus aucun revenu. Il disait vivre de la Prestation canadienne d’urgence et de l’aide de ses proches.
Lors de la rencontre, l’administrateur provisoire a appris que Lacroix avait payé des intérêts à des investisseurs d’autres projets avec les fonds déboursés par les acheteurs de PlexCoin.
Les mots de passe... à la maison
Même au bout de l’exercice que Lacroix qualifie de «transparence», il reste encore l’équivalent de 107 Bitcoins obtenus du projet Plexcoin qui restent toujours non retracés et inexpliqués, soit une valeur de près de 1 million $. Mais peut-être pas pour longtemps.
Car après avoir prétendu devant le tribunal qu’il avait tout effacé, Dominic Lacroix accepte de donner tous les codes et mots de passe nécessaires pour accéder à ses nombreux portefeuilles de cryptomonnaie.
Dominic Lacroix a expliqué qu’en raison de ses dispositifs de sécurité informatique, il ne pourra donner les mots de passe qu’une fois revenu à la maison.
D’où le froncement de sourcils et l’avertissement du juge Dumais.
L’avocate de l’AMF, Me Nathalie Chouinard, s’est aussi dite «relativement inquiète et sceptique».
Dominic Lacroix devra donc signer un engagement formalisant sa collaboration avant de quitter la prison, au cours des prochaines heures.
D’ici quelques mois, il devra faire face à des accusations pénales de placements illégaux au Québec et de fraude électronique aux États-Unis.
LIRE AUSSI : Des accusations criminelles contre Dominic Lacroix aux États-Unis
LIRE AUSSI : Poursuite pénale contre le créateur du PlexCoin Dominic Lacroix
LIRE AUSSI : Dominic Lacroix encore coupable d’outrage