En temps normal, la dentisterie est un secteur constant : le chiffre d’affaires est stable, les patients entre et sortent à un rythme soutenu. Les cliniques ne vivent pas les hauts et les bas observés dans d’autres secteurs, comme le tourisme.
Les dentistes ont aussi le monopole : une personne qui a mal aux molaires n’a pas d’autre choix.
Si ce n’était pas de la pandémie, les cabinets continueraient leurs activités comme si de rien n’était.
« La reprise progressive de l’économie est basée sur la confiance des consommateurs, explique Thierno Diallo, professeur d’économie à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). La seule chose qui peut amener les gens à fréquenter les cabinets dentaires, c’est la confiance. »
Observer les dentistes revient donc à observer la confiance des gens envers l’économie.
C’est aussi une façon de voir si les Québécois ont de l’argent dans leurs poches. « Ceux qui vont fréquenter les cabinets ont des assurances, dit Stephen Gordon, professeur d’économie à l’Université Laval. Ça veut dire qu’ils ont retrouvé un emploi et qu’ils ont des revenus. »
À la clinique de Carl Tremblay, dentiste et président de l’Association des chirurgiens dentistes du Québec, des patients appellent chaque jour pour annuler des rendez-vous. « Certains doivent probablement choisir entre faire l’épicerie ou aller chez le dentiste. Ils ont donc décidé d’attendre », explique le docteur.
Il est impossible pour lui de savoir si ses patients annulent à cause de la peur de la COVID-19 ou d’un manque d’argent.
Un retour rapide
Au début du confinement, ce sont 5000 dentistes et 15 000 autres employés du secteur qui se sont retrouvés sans emploi au Québec. Depuis le 1er juin, les activités ont repris du jour au lendemain.
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Le retour se passe bien dans la province. Toutefois, les cabinets ne tournent pas à plein régime. « On a sept patients de moins par jour pour une clinique de trois dentistes », explique Carl Tremblay.
Cette diminution est surtout due aux mesures sanitaires mises en place.
Le dentiste travaille en Abitibi-Témiscamingue, où il n’y a pas eu de cas depuis trois semaines. « Les gens qui viennent ont confiance », dit-il.
Mais même dans des endroits où le nombre de cas de COVID-19 est très élevé, les gens ne semblent pas avoir trop peur. « J’ai parlé longuement avec dentiste au centre-ville de Montréal, dit le Dr Tremblay. Il m’a dit que ses patients sont au rendez-vous et que les gens semblent en confiance. »
Il faudra attendre pour savoir si ce retour dans les cabinets signifie que l’économie est de retour sur les rails.
« Une image miroir »
À travers le temps, les récessions économiques ont surtout touché le secteur des biens : la foresterie, la construction, l’agriculture et l’élevage, par exemple. Ce sont ces domaines qui étaient scrutés par les experts afin de faire un portrait de la santé économique d’un pays.
Mais cette fois-ci, ces secteurs vont très bien. Ce sont les services, dont la dentisterie, qui sont touchés de plein fouet. « C’est une image miroir d’une récession standard », explique Stephen Gordon.
C’est une image miroir d’une récession standard.
Le seul précédent dont les économistes disposent est la grippe espagnole de 1918. « Les données économiques de cette période-là ne sont pas très intéressantes à regarder », rapporte toutefois M. Gordon.
Dans les récessions normales, les gouvernements financent de grands projets d’infrastructures pour stimuler l’économie, mais cette fois, de telles mesures ne fonctionneraient pas, croit Stephen Gordon.
L’argent gagné par les travailleurs n’irait pas nécessairement dans les domaines en crise, comme la restauration. « Dans ce cas-ci, on ne peut pas dire que les dépenses d’une personne deviennent le revenu d’une autre personne », explique l’économiste.
La dentisterie n’est pas le seul secteur à observer pour prendre le pouls de la relance : l’aviation, la restauration, l’hôtellerie et le tourisme sont aussi de bons indicateurs, selon les spécialistes.