Kathy Tremblay: un sport fait pour sa personnalité

Kathy Tremblay

L’anecdote est savoureuse. Lorsque son père lui a proposé de se joindre à un club de triathlon, Kathy Tremblay a d’abord refusé. Mais quand il a mentionné que cette discipline lui permettrait d’avoir des muscles, elle a immédiatement changé son fusil d’épaule.


«J’ai dit «quoi!!!» À l’époque, je devais peser 75 livres mouillée. J’étais grosse comme un pic. Et ça m’a interpelée. Est-ce que ç’a marché? Pantoute», lance en riant l’athlète de 5’2 qui aujourd’hui pèse autour de 50 kilos. «Mais le triathlon est venu me parler. Je suis une fille de changements et j’aime ça quand ça bouge. Et le triathlon, c’est tout ça. Même si tu nages, que tu cours et que tu roules à vélo à tous les jours, tu ne le fais jamais dans les mêmes conditions. Avec le triathlon, j’ai vraiment découvert un sport qui me passionnait. Ce fut le début d’une belle histoire d’amour. Et comme j’avais un super entraîneur (Pierre Lemay) et que j’étais entourée par une belle équipe qui croyait en moi, j’ai eu les outils pour bien performer et la confiance qui m’a donné le goût de continuer.»

La native de Sainte-Foy raconte qu’enfant, elle avait eu l’occasion de pratiquer le karaté, la danse et le patinage artistique, mais qu’il n’y avait pas eu d’étincelle. Puis vers 10-11 ans, elle a fait de la natation de compétition. «J’ai aimé ça à cause de la gang. À cet âge-là, un groupe est quelque chose de vraiment important. J’avais des amies qui partagent la même passion que moi. C’était vraiment trippant.

«Mais un moment donné je n’ai plus eu envie de me lever à 5h30 pour aller m'entraîner. Et c’est là que le triathlon est arrivé. Je crois vraiment qu’il y a un sport fait pour ta personnalité. Jamais par la suite je me suis dit: «je n’ai pas envie de m’entraîner aujourd’hui».

Kathy insiste, le triathlon ne lui a pas seulement permis de se développer en tant qu’athlète. Il lui a aussi appris à s’organiser et à se responsabiliser et il a fait naître en elle la fibre entrepreneuriale.

«À l’époque, ma sœur faisait aussi du triathlon. Et mes parents étaient fonctionnaires, pas millionnaires. À un moment donné, ils m’ont dit à regret qu’ils n’étaient pas capables de payer pour le coût de tous mes billets d’avion. On s’est donc assis autour de la table et nous avons regardé ce dont j’avais besoin. J’ai fait mon c.v. et mon budget, je suis allée me chercher une équipe. J’ai foncé et je suis allée frapper aux portes. Je l’ai fait pour la seule et unique raison que j’aimais le triathlon et que j’avais envie de continuer. Et c’est un petit peu comme ça que j’ai bâti ma carrière. Pour moi la meilleure façon d’avancer, ce n’est pas d’attendre après les autres. C’est de le faire toi-même.»

Aux Jeux olympiques

Kathy avait dans la jeune vingtaine lorsque pour la première fois, elle a décidé de mettre les Jeux olympiques à son tableau de chasse. C’était en 2004, une de ses coéquipières sur l’équipe nationale avait tenté de se qualifier pour les Jeux d’Athènes. Avant, elle n’avait jamais rêvé au grand rendez-vous mondial, et ce, même si elle était l’une des meilleure de sa discipline au pays et qu’elle connaissait du succès sur la scène internationale.

«Je faisais du triathlon parce que j’aimais ça. Plus jeune, je rêvais de gagner ma prochaine compétition. Je voulais y aller étape par étape. Je désirais monter les échelons un à la fois en me fixant des objectifs réalistes afin de ne pas me décourager. Et les Jeux ça me semblait très loin. Mais en 2004, je me suis demandée si je pourrais aller à Pékin en 2008. Et c’est après avoir regardé les Jeux d’Athènes à la télé que je me suis dit : «les prochains, ce sont les miens».

Kathy se qualifia pour les JO de 2008 et elle termina 29e à Pékin. Puis en 2012, à Londres, une chute à vélo l’empêcha de terminer sa course. Peu de temps après, elle annonça sa retraite. En 11 années de compétition sur la scène internationale, la triathlonienne a pris part à 52 épreuves de l’ITU (Fédération internationale de triathlon). Elle termina 20 fois dans le top 20 et remporta notamment un Championnat panaméricain, quatre victoires à la Coupe panaméricaine et une étape de la Coupe du monde.

«Je suis extrêmement fière de ce que j’ai accompli. Sur le coup, je ne réalisais pas à quel point j’étais performante. C’est normal. Quand tu es dedans, tu te compares aux autres. Et tu n’es pas assez forte, pas assez vite et tu veux t’entraîner encore plus fort. C’est quand tu fais le bilan de ta carrière, quelques années après ta retraite, que tu mets les choses en perspective. Je suis la seule Québécoise à être allée deux fois aux JO. Et même si je n’ai pas gagné de championnat du monde, j’ai quand même terminé première à des Coupes du monde et des compétitions internationales. J’ai eu un cheminement extraordinaire et j’ai trippé à chaque moment.»

J’ai foncé et je suis allée frapper aux portes [...] Et c’est un petit peu comme ça que j’ai bâti ma carrière. Pour moi la meilleure façon d’avancer, ce n’est pas d’attendre après les autres. C’est de le faire toi-même

La québécoise explique que sa carrière avait été une question de passion et de choix. Elle lui a permis de se connaître, de savoir comment elle réagissait face à l’adversité et de découvrir ses limites. Elle lui a aussi permis de rencontrer des gens extrêmement important sans qui elle n’y serait pas arrivé dont David James, un de ses coachs qu’elle a gardé dans son quotidien en le mariant. 

«J’ai été chanceuse d’être entourée de bonnes personnes qui m’ont toujours amenée à faire les bons choix. C’est grâce à ma carrière que je suis là où je suis aujourd’hui. Je n’ai donc pas de regrets. Et je souhaite à mes enfants de vivre une passion comme celle que j’ai vécue.»

Revenant sur sa retraite, la Québécoise indique qu’elle avait commencé à la préparer un an avant sur les conseils de son coach Alex Sereno. Mais ce n’était pas quelque chose de facile à faire. Le triathlon était tout ce qu’elle connaissait. 

«J’étais bonne et j’étais appréciée dans ce que je faisais. Et là, il fallait que je recommence au bas de l’échelle. J’avais peur de ne plus être personne. Il fallait que j’arrive à me convaincre que je pouvais être quelqu’un d’autre.

«Aujourd’hui ce dont je suis le plus fière, c’est d’avoir poursuivi mes études parallèlement à ma carrière. Je suis allée au HEC (Hautes études commerciales) et j’ai réalisé que ce que je voulais, c’était de devenir entrepreneure, ce que j’avais un peu été pendant toute ma carrière.»

Fondatrice de BougeBouge, un organisme sans but lucratif d’économie sociale qui lutte contre le décrochage physique et qui planche sur les motivations autodéterminées à faire de l’activité physique, Kathy veut inspirer les gens à trouver un sport qui va les allumer.

«Notre rôle est de leur donner assez d’outils pour qu’ils décident de faire de l’activité physique pour eux-mêmes, à tous les jours. Parallèlement, j’ai créé la Fondation Kathy Tremblay dont l’objectif est de rendre accessible et inclusive la pratique de l’activité physique. Il y a des coûts qui sont parfois reliés à l’activité physique et donc, il y a une barrière d’accessibilité pour les gens qui n’ont pas les moyens. On veut aider les jeunes des écoles de milieux défavorisés à vivre des expériences positives qui vont peut-être allumer la petite flamme comme celle que j’ai eue.»

Très occupée par sa vie de maman, Kathy a dû abandonner la pratique du triathlon. Mais elle continue de faire de la course à pied, de la natation et du cyclisme, des activités qu’elle pratique séparément, tout dépendant de son inspiration du moment.

«La compétition de triathlon, je n’ai plus envie de ça. Ce qui me motive maintenant c’est de rester bien dans mon corps et en santé, de bouger et de me sentir bien, belle, parce que c’est ça le sport. Et être capable de nager, de pédaler et de courir au quotidien, c’est merveilleux. Parce que si tu te blesses en course à pied, tu vas pouvoir faire du vélo ou de la natation.»

Même si les années ont passé, Kathy adore toujours autant se retrouver sur une ligne de départ. Pour elle, il n’y a rien de plus satisfaisant. «Mais après avoir été au meilleur de moi-même été hyper rapide, aujourd’hui quand je cours, mon genou ne lève plus aussi haut qu’avant, je ne m’étire plus, je n’ai plus la même amplitude dans ma foulée. Et je le sens. Des fois j’aurais envie d’y aller à fond mais je ne suis pas capable. C’est comme si après avoir pris des départs en Formule un, je suis en Subaru. Je ne serais plus jamais une athlète olympique. Alors quand je participe à une course, je le fais pour moi et pour avoir du plaisir, et ce, même si je suis toujours très compétitive.»

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QUESTIONS/RÉPONSES

Après une carrière bien remplie au cours de laquelle elle a pris part aux Jeux olympiques de Pékin et de Londes, Kathy Tremblay a fondé BougeBouge, un organisme sans but lucratif d’économie sociale qui lutte contre le décrochage physique et qui planche sur les motivations autodéterminées à faire de l’activité physique.

Q Faits marquants

R Ma qualification pour les Jeux olympiques de Londres lors d’une épreuve disputée en Australie. J’avais fait le voyage toute seule. Mon chum n’avait pas pu venir avec moi. Mais ma sœur, qui habite en Australie, était dans la foule, ma petite sœur, celle que j’ai toujours voulu impressionner. Quand je l’ai entendu dire après ma course «Kathy c’est ton spot pour les Olympiques», ça m’a fait tout un effet dans mon petit coeur. Aujourd’hui, juste d’y penser j’en ai le poil qui me lève sur les bras. J’ai toujours voulu qu’elle soit fière de sa grande sœur et qu’elle soit là quand je me suis qualifiée pour les Jeux, ce fut vraiment cool.

Q Performance dont tu es la plus fière

R Quand j’ai gagné ma Coupe du monde à Ishigaki en 2012. C’était ma première victoire en Coupe du monde.

Q Ce dont tu t’ennuies le plus

R De m’entraîner à tous les jours. C’est juste ça que tu fais dans la vie. Tu t’entraînes, tu manges et tu te reposes. Et en plus tu vas sur les plages pour nager. Tu es en bikini toute la journée. C’est la belle vie, un travail de rêve.

Q Ce dont tu t’ennuies le moins

De toujours gérer les blessures. C’était plate parce que de voyager, de s’entraîner, pousser mes limites, c’était le fun.

Q Personnalité marquante

R Mon mari David James. Et Alex Sereno qui a été mon entraîneur.

Q Idoles de jeunesse

R Je n’en ai jamais eu. J’ai toujours voulu être Kathy et donner le meilleur de moi-même. D’ailleurs, je n’ai jamais acheté une seule revue de triathlon de toute ma vie ma vie. Je trouvais ça cool côtoyer les meilleures athlètes de ma discipline. Je les regardais mais je n’ai jamais voulu être quelqu’un d’autre, je n’ai jamais voulu être comme elles.

Q Ta plus grande qualité d’athlète

R La persévérance probablement. Et avoir espoir au futur.

Q Quelque chose que tu aurais aimé améliorer

R Parler moins, fermer ma boîte quand je m’entraînais (rires). J’écopais de pénalités et ça me coûtait des longueurs de piscine. Mon coach Alex (Sereno) me disait «Kathy si tu n’arrêtes pas de parler, je te fais faire 1500 fly (60 longueurs de piscine)». Et moi pa-pa-pa-pa. Alors Alex me disait «fais moi 1500 fly».

Q Dans 10 ans

R Dans 10 ans je me vois à la tête d’une entreprise qui a changé le monde.

Q Rêve ou défi

R J’aimerais refaire un 5 km en bas de 18 minutes (rires), moi qui ai déjà fait un 5 km en 16 minutes. J’aimerais aussi que BougeBouge grossisse encore plus et pouvoir organiser plein d’autres évènements. Il y a un méga potentiel. Je me vois comme une entreprise qui va faire la différence.