George Visser: un grand sentiment d’accomplissement

George Visser travaille depuis 20 ans dans le secteur des énergies renouvelables. Ingénieur de formation, il dirige depuis deux ans des projets éoliens et solaires avec de jeunes collègues dynamiques chez WSP, une boîte d'ingénierie québécoise.

George Visser l’a lui-même écrit sur son blogue. Il ne considère pas avoir été un athlète exceptionnellement talentueux. Il ajoute qu’il a peut-être réussi à se rendre à un niveau intéressant, mais qu’encore aujourd’hui il n’en revient pas à quel point il a dû s’entraîner fort pour y arriver.


«Mes succès au niveau national, c’est le résultat d’un acharnement, d’une discipline et de compromis», mentionne l’adepte de vélo de montagne qui rappelle qu’outre la forme physique, qui devait être au summum, un podium national requérait l’alignement parfait de plusieurs autres astres dont un équipement hyper performant, une mentalité «d’assassin», l’absence de blessures, un parcours avantageux et une bonne dose de chance.

«C’est pour cette raison que lorsque je fais le bilan de ma carrière, je ressens un grand sentiment d’accomplissement. Je me suis rendu aussi loin que je pouvais aller compte tenu de mon talent et de ma génétique. Je crois avoir mérité mes succès et c’est aussi pourquoi j’ai pleinement savouré chacun de ceux-ci.»

C’est à la fin des années 80 que George Visser s’était initié au vélo de montagne, un sport nouveau qui à l’époque était considéré comme une activité marginale pour les casse-cous. Rapidement, le vélo de montagne gagna en popularité. Et les commanditaires commencèrent à s’y intéresser. L’arrivée d’une épreuve cross-country aux Jeux olympiques de 1992 changea à tout jamais l’image du vélo de montagne et chez nous, l’organisation des premières Coupes du monde par GESTEV au mont Sainte-Anne amena de nombreux jeunes sportifs à le pratiquer.

«Mon frère Guido et moi, avons été accrocs au vélo de montagne bien avant. Ça faisait déjà quelques années que nous avions découvert le plaisir de rouler en forêt et de se challenger quand le sport est devenu plus populaire. Mais c’est dans les années 90 que le vélo de montagne est devenu pour moi une passion, un style de vie, un moyen de me dépasser et de m’épanouir, d’avoir une carrière et de rêver aux Jeux olympiques. Et parce que j’ai gagné des courses qui m’ont permis de gagner un peu d’argent et que j’ai signé des contrats avec des commanditaires, j’ai pu avoir une carrière plus longue que ce que je pensais au départ.»

Même s’il ne réussit jamais à se qualifier pour les Jeux olympiques, Visser eût quand même une carrière bien remplie. Il se signala notamment lors des championnats canadiens et des Coupes Canada et il gagna à deux reprises le Raid Pierre Harvey, une longue traversée du parc des Laurentides entre Chicoutimi et Lac-Beauport. Au niveau international, il prit part à des Coupes du monde et à des championnats mondiaux et il courut pendant une année au Japon.

«Ce n’est pas dur pour moi d’avoir un petit sourire en coin quand je pense à toutes ces expériences-là qui furent très enrichissantes. Peut-être que si j’avais fait les choses autrement, j’aurais eu de meilleurs résultats. Mais tout était tellement nouveau. Il y avait beaucoup d’essais-erreurs Et je n’avais pas beaucoup d’encadrement. Alors je ne serai jamais insatisfait de ce que j’ai accompli.

«Ce que je retiens de toutes mes années passées au mont Sainte-Anne, ce ne sont pas les trophées ou les médailles, c’est tout l’impact que ce que j’ai vécu a eu et a toujours sur moi de même que les liens que j’ai créés et qui résistent au temps. J’ai côtoyé des personnes exceptionnelles comme Patrice Drouin, Pierre Harvey, Éric Tourville, Pierre Lavoie, Mathieu Toulouse, Yves Bilodeau, Marie-Hélène Prémont et j’en passe. Je dirais même que ça m’a permis de développer une grande amitié avec mon frère Guido. On avait un intérêt commun que l’on a pu partager sur une base quotidienne.»

La retraite

C’est au début des années 2000 que Visser avait décidé de tourner la page sur sa carrière en vélo de montagne. Il explique que même s’il figurait encore parmi les meilleurs de la discipline au Canada, plusieurs facteurs avaient fait pencher la balance en faveur de la retraite. 

«Je venais de manquer ma qualification olympique pour la deuxième fois. J’étais aussi écœuré d’avoir l’impression de mener un combat inégal avec des coureurs chez qui pesaient des soupçons de dopage à l’EPO. Ça faisait aussi plusieurs années que je ne gagnais pas beaucoup d’argent et que je vivais un peu sur le respirateur artificiel. Je venais de terminer ma maîtrise en génie civil et il y avait beaucoup d’opportunités de travail. Ma décision n’a donc pas été difficile à prendre. Il était temps de passer à autre chose.»

Visser indique que sa seule inquiétude après avoir mis fin à sa carrière sportive était de savoir s’il pourrait retrouver dans le monde du travail une passion aussi intense que celle qu’il avait vécue en vélo de montagne. Et grâce à son employeur, qui lui permit de découvrir le domaine des énergies renouvelables, il fut rapidement réconforté. 

Identifié comme l’employé junior assez «fou» et en assez bonne condition physique pour grimper dans le cœur des éoliennes où il devait analyser des données de performance, l’ex-cycliste est rapidement devenu accroc à cette technologie ce qui l’a amené à toucher à différentes facettes dans le domaine éolien comme le développement, la conception, la fabrication, du financement, etc.

«Ça fait maintenant 20 ans que j’œuvre dans ce secteur. J’ai travaillé pour plusieurs entreprises mais depuis deux ans, je suis chez WSP, une boîte d’ingénierie québécoise. Je dirige des projets éoliens et solaires avec de jeunes collègues dynamiques. Et c’est hyper stimulant. J’ai trouvé un petit peu la sensation d’épanouissement que j’avais quand je compétitionnais en vélo de montagne parce que je suis challengé à tous les jours. Moi pour sentir que j’avance, j’ai besoin d’avoir des défis devant moi et de les relever un à un.»

Toujours très actif, il a fait du triathlon (Ironman) des raids aventure, du ski d’alpinisme et du trail running, Visser garde aussi de la place dans sa vie pour son premier amour. Sauf que maintenant, c’est en vélo électrique qu’il attaque les sentiers. 

«C’est le vélo de montagne assisté qui facilite sa pratique et qui rend donc le sport plus accessible. Ce qui est génial avec le vélo de montagne électrique c’est qu’un peu tout le monde peut enfourcher un bicycle et aller plus loin que ce qu’il peu espérer au départ. «Personnellement, le vélo électrique m’amène à un nouveau stimulus. Je ne cherche plus à me défoncer au niveau cardio-vasculaire, car j’ai besoin de mon énergie pour mon travail et pour mes enfants qui en ont beaucoup à donner et aussi à prendre. Je ne peux donc plus me défoncer en vélo de montagne. C’est une question d’équilibre. Il faut que je mette mes énergies aux bonnes places. Je suis cependant autant à la recherche des habilités et des techniques dans les sentiers. Mon vélo de montagne électrique me permet de faire l’équivalent d’une ride de deux-trois heures dans l’espace d’une heure. C’est génial parce que je vais chercher pratiquement toute l’adrénaline et toutes les endorphines que j’avais quand je faisais des courses.»

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QUESTIONS/RÉPONSES

George Visser en 1998, à la suite de sa victoire au Raid Pierre-Harvey, sa deuxième en carrière lors de cette épreuve marathon reliant Chicoutimi à Lac-Beauport en vélo de montagne.

Q Faits marquants

Mon séjour au Japon où j’ai vécu et j’ai couru. Ça été une expérience tellement enrichissante. À l’âge de 19 ans, je me suis retrouvé à un endroit où je ne parlais pas la même langue que les gens autour de moi et où j’ai dû me débrouiller. Et malgré tout, j’ai réussi à survivre et à performer. Et chaque fois que j’ai pris le départ de la Coupe du monde du mont Sainte-Anne. Entendre la foule m’encourager durant la course... juste d’y penser ça me donne encore des frissons. Avoir eu cette chance-là, c’est un fait marquant dans ma carrière. Je pense que si j’avais été n’importe où ailleurs je n’aurais pas eu la même opportunité d’être encouragé et de me sentir autant supporté par les gens.

Q Performance dont tu es le plus fier

Probablement la première course que j’ai remportée chez les pros. C’était une Coupe du Québec. Quand on commence chez les juniors, les pros qui t’entourent sont tes idoles. Et quand tu te retrouves dans une course avec un Pierre Harvey ou un Bernard Vermette et que tu es sur le point de les battre alors qu’il y a deux ou trois ans à peine, ils étaient tes idoles, c’est vraiment spécial. Vivre ça pour la première fois a vraiment eu un impact sur ma carrière. C’est à ce moment-là que je me suis dit que j’avais peut-être ce petit quelque chose qui me permettrait de réussir. Et ça m’a donné beaucoup de confiance pour continuer. Je n’aurais jamais imaginé qu’à mes débuts chez les pros, je ferais des podiums lors des épreuves provinciales et des Coupes Canada et que je rivalisais avec des gars que je croyais pratiquement intouchables. Et les courses que je ne m’attendais pas de gagner font assurément partie de mes plus beaux souvenirs. 

Q Ce dont tu t’ennuies le plus

La liberté de faire ce que je veux. Juste partir et de dire que ma journée va se résumer à une ride de vélo puis à me reposer à faire les petites choses qui me passionnent. J’ai eu ma première vraie job à l’âge de 30 ans là. Toute ma vingtaine je l’ai vécue sur un vélo à découvrir de nouveaux horizons sur une base régulière. Aujourd’hui, on a tellement de responsabilités. On essaie de jumeler le travail avec la famille et avec toutes les autres attentes que l’on a envers nous et ce n’est pas toujours évident.

Q Ce dont tu ne t’ennuies pas

Quand au mois d’avril, alors que tu n’es pas sûr s’il neige ou s’il pleut, tu dois sortir à vélo parce que ton entraîneur t’a demandé de faire un trois-quatre heures d’entraînement cette journée-là. Et quand tu reviens chez toi, tu as les doigts gelés, les jambes qui ont crampées et tu as des étourdissements parce que tu es en défaillance. Ces journées là je ne m’en ennuie pas.

Q Idoles de jeunesse ou modèles

Je suis chanceux parce que mes modèles j’ai pu les côtoyer. Quand j’ai commencé à faire du vélo de montagne et du ski de fond, j’ai même été sur l’équipe de développement national au mont Sainte-Anne, j’étais très impressionné par Pierre Harvey. Et j’ai eu la chance qu’il nous prenne sous son aile, mon frère Guido et moi, parce que nous étions ses voisins au MSA. Et il s’est vraiment occupé de nous. À chaque matin à 6h, qu’il fasse -5 degrés ou - 30, il venait cogner dans la fenêtre de notre demi-sous-sol pour nous sortir du lit pour que l’on aille skier avec lui avec une lampe frontale. Et quand Pierre Harvey te demande d’aller skier avec lui, tu ne dis pas non là. Par la suite, il y a eu Ned Overend, un Américain qui est devenu le premier champion du monde en vélo de montagne, avec qui je me suis lié d’amitié. On a toujours gardé un beau contact. Il m’a aidé au niveau de mes commanditaires. Récemment, je suis allé rouler dans son coin de pays. Et j’ai décidé de le contacter en me disant : «va-t-il se rappeler de moi?». Il m’a répondu qu’il serait à l’autre bout du pays pendant mon voyage, mais que la prochaine fois que j’y retournerais, il aimerait bien que l’on aille faire une bonne ride ensemble puis que l’on prenne une bière. Il se rappelait de moi. Des liens comme ça c’est ce que je retiens le plus de mon passage sportif.

Q Dans 10 ans

Je me vois vivre dans le dans le même environnement qu’aujourd’hui. Toujours aussi actif, toujours en train de travailler, je ne me vois pas prendre une retraite parce que j’aime trop ce que je fais, et avec des enfants qui sont aussi passionnés dans ce qu’ils font que le l’ai été. Mais ça peut être dans n’importe quoi, ça n’a pas besoin d’être dans le sport. Mon garçon aime les sports d’équipe. Lui, c’est le soccer. Il en mange. Ma fille, c’est la danse. Elle a juste cinq ans, mais elle me fait toujours des spectacles. J’espère que ces passions vont se développer et que mes enfants pourront les vivre aussi intensément que j’ai vécu la mienne.

Q Rêve ou défi

R Je suis à l’aube de la cinquantaine et je m’aperçois que plus que l’on vieillit et plus qu’on réfléchit à la vie. Mon rêve ça serait de vivre jusqu’à 100 ans et de rester actif jusqu’à cet âge-là.